Le patrimoine wallon en péril

Extraits de l’article de Lucie Dendooven (intégralité de l’article via le lien) préfaçant l’émission Investigation de ce mercredi à 20h20 à la RTBF (revoir l’émission, 2e partie)

« C’est un génocide (sic) silencieux ». Voici comment plusieurs responsables qualifient l’état du patrimoine en Belgique. [..]
Le splendide château d’Attre en constitue un exemple frappant : jusqu’il y a peu, Baudouin De Meester obtenait des subsides à hauteur de 95% de la Région wallonne pour rénover son bien. Il a pu remplacer la toiture et rénover les pavillons de sa propriété. Mais avec la création de l’Awap, l’Agence wallonne du patrimoine, il y a trois ans, et surtout la réforme du code du patrimoine qui a suivi, les subsides ont diminué. La Région wallonne n’intervient plus qu’à hauteur de 70%. […]
Le gardien des règles, c’est l’Awap. L’agence wallonne du patrimoine est un organisme régional public wallon. Créée en janvier 2018, elle est le résultat de la fusion de l’Institut du patrimoine wallon et du département patrimoine du SPW, le service public wallon. C’est elle qui décide de classer ou pas un bien. Pour pouvoir être classé, le bien doit présenter un intérêt historique, artistique, mémoriel, architectural, esthétique… Il doit aussi répondre à des critères d’authenticité, d’intégrité, de rareté et de représentativité. […]

Une réforme du code du patrimoine
qui désavantage les propriétaires de biens d’exception

Nous nous posons alors naïvement la question : pourquoi l’Awap ne peut-elle pas, de son côté, avancer une somme d’argent pour aider la fabrique d’église ?
Sophie Denoël, directrice de zone est de l’Awap, présente sur place, nous répond : « Dans l’urgence, il faut que les assurances soient passées et nous pouvons intervenir ensuite. Mais nous n’avançons pas d’argent. » En effet, le nouveau code du patrimoine ne permet plus d’avancer de l’argent. Pour les propriétaires privés, la réforme du code du patrimoine de 2018 a donc eu un double effet négatif : une diminution globale des subsides et surtout une procédure de subsidiation plus lente. […]

Un à deux biens classés par an en 2022 contre cent à 200 entre 1990 et 2000

Mais ce n’est pas tout, les propriétaires de biens remarquables et qui aspirent à les voir classés ont de plus en plus de peine à obtenir un classement. Ces dernières années, le nombre de biens qui ont fait l’objet d’un classement se comptent sur les doigts d’une main. La faute, selon Bernard de Gerlache aux budgets limités des autorités régionales qui sont devenues, de fait, très restrictives.
Ces dernières années, à peine un ou deux biens ont fait l’objet d’un classement en région wallonne. A titre de comparaison, entre les années 90 et 2000, les classements se comptaient par centaine, chaque année. Comment expliquer un tel ralentissement ? Benoît Lemaire, l’actuel coordinateur de l’Awap, depuis cinq mois, nous répond : « Il y a probablement moins de biens à classer qu’au début lorsque nous avons commencé les classements. Par ailleurs, on a défini des critères plus stricts depuis une dizaine d’années ».
Une autre interprétation des chiffres nous est fournie par Stephane Jaumonet, secrétaire fédéral CGSP-AMIO qui s’est beaucoup occupé du dossier Awap : « Le budget est le nerf de la guerre. Si on réduit le nombre de biens classés, c’est parce que l’Awap ne peut plus suivre en subsidiation et elle crée des frustrations. Voilà pourquoi elle diminue le nombre de biens classés ».
Nous avons également contacté Robert, un agent de l’Awap. C’est un nom d’emprunt car il a préféré garder l’anonymat. Son analyse est plus pessimiste : « Dans les prochaines années, il n’y aura plus de classement. Il n’y a plus aucune culture du patrimoine en Wallonie et le politique considère que le patrimoine est un frein à l’économie. Donc ils veulent se débarrasser du patrimoine pour pouvoir plus facilement démolir les bâtiments qui ont un intérêt patrimonial pour faire du non qualitatif mais plus rentable économiquement. »
[…]

L’auteure de l’article évoque ensuite les différentes initiatives prises en France afin de mieux protéger le patrimoine.