Analyse comparative des compétences des régions françaises et wallonne et hypothèse de la Wallonie intégrée comme région de France à part entière
1. Introduction
Lorsqu’on évoque la possible réunion de la Wallonie (éventuellement accompagnée de Bruxelles) à la République française, certains prétendent qu’une telle intégration risquerait de la marginaliser au sein d’un État centralisateur qui ne laisserait que peu d’autonomie à ses collectivités territoriales. Ils craignent, à tort, une perte significative de l’autonomie dont bénéficie aujourd’hui la Région wallonne dans le cadre du fédéralisme belge ainsi qu’un manque de considération de la part de Paris. On notera d’emblée que cette crainte est contradictoire, puisqu’on peut ne peut pas reprocher à un État d’être trop centralisateur et intrusif dans les affaires locales, tout en l’accusant de ne pas s’y intéresser suffisamment.
Le but de cet article est de démontrer qu’une telle inquiétude est infondée car la République française n’est pas l’État jacobin centralisateur que certains pensent et que, bien au contraire, elle organise et garantit l’autonomie de ses collectivités territoriales, tout en assurant la solidarité entre ses territoires.
Pour ce faire, nous procédons à une analyse comparative sommaire des compétences qu’exercent, d’une part, les régions françaises avec, d’autre part, celles qu’exerce la Région wallonne, en examinant les dispositions constitutionnelles et légales qui fixent les matières à charge des régions françaises et des entités fédérées dans le cadre du fédéralisme belge. À l’issue de l’analyse comparative, il sera aisément constaté que la grande majorité des domaines dans lesquels interviennent les régions françaises et wallonne sont similaires, malgré quelques différences marginales.
Il en découle que lorsque la Région wallonne, rebaptisée « Wallonie », sera reconnue comme une région française à part entière au sein de la République comme le préconise le Rassemblement Wallonie-France (RWF), elle continuera d’exercer l’essentiel de ses compétences, tout en bénéficiant de nouveaux domaines d’intervention et d’un statut protégé, moyennant des dispositions transitoires pour tenir compte des quelques divergences faciles à surmonter. Elle y conservera son identité et ses spécificités, en obtenant désormais l’appui et la protection d’une grande puissance européenne et internationale.
Comme l’avait confié le président Charles de Gaulle à son ministre Alain Peyrefitte, en se réunissant à la République, les Wallons « retrouveraient au sein de la France la fierté d’appartenir à une grande nation, la fierté de leur langue et de leur culture, le goût de participer aux grandes affaires du monde et de se battre pour de grandes causes humaines »1.
2. Les régions de France
2.1. Contexte
La République française compte aujourd’hui 12 régions ainsi que des collectivités à statut particulier (dont des « collectivités territoriales uniques » qui exercent à la fois les matières régionales et départementales), auxquelles s’ajoutent la collectivité européenne d’Alsace, située sein de la région Grand Est, et la Nouvelle-Calédonie. La liste des régions est fixée par le Code général des collectivités territoriales dont l’article L4111-1 cite les douze régions suivantes :
– Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine (renommée « Grand Est ») ;
– Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes (renommée « Nouvelle Aquitaine ») ;
– Auvergne et Rhône-Alpes ;
– Bourgogne et Franche-Comté ;
– Bretagne ;
– Centre (renommée « Centre – Val-de-Loire ») ;
– Île-de-France ;
– Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées (renommée « Occitanie ») ;
– Nord – Pas-de-Calais et Picardie (renommée « Hauts-de-France ») ;
– Basse-Normandie et Haute-Normandie (renommée « Normandie ») ;
– Pays de la Loire ;
– Provence-Alpes-Côte d’Azur.
La consécration en droit français des régions comme collectivités territoriales disposant d’une autonomie d’action n’est pas neuve puisqu’elle provient de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, et de celle du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, adoptées sous l’impulsion du Ministre français de l’Intérieur Gaston Defferre. Ces lois ont principalement permis, d’une part, la création des régions, chacune administrée par un conseil régional (dont les membres sont élus au suffrage universel) et, d’autre part, le transfert de blocs de compétences de l’État vers les régions (notamment le développement économique, l’aménagement du territoire, la formation, l’environnement et la culture).
Ce transfert s’est accompagné à l’époque d’aides financières accordées par l’État sous la forme de dotations globales afin d’assurer la capacité, pour les régions, de mettre en œuvre efficacement les politiques publiques dans les nouvelles matières confiées. Sur ce point, on retiendra que ce mécanisme permettait déjà de garantir la solidarité financière entre les régions puisque c’est l’État qui veille équitablement à l’octroi de dotations, ce qui est fondamentalement contraire à l’esprit du fédéralisme belge dont l’essence même consiste à couper les liens de solidarité entre le nord et le sud de la Belgique, sous l’influence du nationalisme flamand.
Aujourd’hui, l’article 72-2 de la Constitution française prévoit que les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Ces modalités sont précisées dans le Code général des collectivités territoriales qui prévoit que les régions perçoivent leurs propres recettes et peuvent continuer à recevoir des dotations de l’État.
Le rôle et les matières dont les régions ont la charge ont été progressivement renforcés à plusieurs moments : sous l’impulsion du Gouvernement Raffarin au début des années 2000 (moment qui a été qualifié de « Acte II de la décentralisation »), puis surtout avec l’adoption de la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a fortement consolidé les régions. Il s’agissait surtout d’accroître l’autonomie des collectivités en leur octroyant la capacité d’établir des normes affranchies des normes générales, d’organiser un nouveau découpage territorial avec des régions plus fortes et de leur permettre d’engager des coopérations interrégionales en Europe ainsi que de réaliser des gains d’efficience.
Aujourd’hui, le fonctionnement, les compétences et le mode de financement des régions françaises sont précisées dans le Code général des collectivités territoriales, à quoi s’ajoutent plusieurs dispositions non négligeables de la Constitution de la République.
2.2. Constitution de la République française
a) Forme décentralisée de l’État
La Constitution française, qui est la norme fondamentale de l’ordre juridique de la République, consacre dès ses premières lignes l’organisation décentralisée de l’État.
En effet, son article 1er dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (…). Son organisation est décentralisée » (c’est nous qui soulignons).
L’article 5 prévoit quant à lui que « le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État.
Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ».
Cela signifie que le Président de la République, chef de l’État directement élu au suffrage universel par les citoyens, est chargé de faire respecter la forme décentralisée de l’État, prévue par la Constitution, et l’intégrité du territoire dans le respect des entités locales.
b) Organisation des collectivités territoriales
Le Titre XII de la Constitution traite de l’organisation des collectivités territoriales de la République, ce qui vise les communes, les départements, les régions ainsi que les collectivités à statut particulier.
L’article 72 consacre le droit à l’autonomie des collectivités territoriales. Dans cette optique, selon les conditions prévues par la loi, les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences.
En outre, aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune.
c) Ressources et moyens des régions françaises
L’article 72-2 dispose que les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi.
Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine.
Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre.
Tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi (c’est nous qui soulignons).
La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales.
d) Protection du français et des langues et cultures régionales
L’article 75-1 dispose que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France.
Le titre XIV de la Constitution traite de la francophonie et des accords d’association. Son article 87 prévoit que la République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage.
En outre, l’article 88 précise que la République peut conclure des accords avec des États qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations.
2.3. Code général des collectivités territoriales
Le Code général des collectivités territoriales (plus particulièrement ses articles L4111-1 et suivants) précise le fonctionnement et les compétences des régions françaises. Concrètement, il prévoit notamment que les régions :
– sont des collectivités territoriales ;
– peuvent passer des conventions avec l’État ou d’autres collectivités territoriales pour mener avec eux des actions dans le cadre de leurs compétences ;
– sont administrées par un conseil régional élu au suffrage universel direct ;
– élaborent chacune un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ;
– ont pour mission, dans le respect des attributions des départements et des communes et, le cas échéant, en collaboration avec ces collectivités et avec l’État, de contribuer au développement économique, social et culturel de la région.
L’article L4221-1 du Code liste de manière synthétique les compétences des régions françaises :
– le développement économique (en ce compris agricole) ;
– le développement social ;
– le développement sanitaire ;
– le développement culturel ;
– le développement scientifique (en ce compris le soutien aux nouvelles énergies) ;
– l’accès au logement et l’amélioration de l’habitat ;
– la politique de la ville et à la rénovation urbaine ;
– les politiques d’éducation ;
– les politiques d’aménagement et d’égalité des territoires (en ce compris l’environnement) ;
– la préservation de l’identité régionale et la promotion des langues régionales.
En outre, les régions peuvent engager des actions complémentaires de celles de l’État et des autres collectivités territoriales et des établissements publics, dans les domaines et les conditions fixés par les lois déterminant la répartition des compétences.
Elles peuvent aussi présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’une, de plusieurs ou de l’ensemble des régions.
2.4. Constats
En guise de conclusion intermédiaire, soulignons déjà les éléments suivants :
– premièrement, la République française n’est pas un État centralisateur, contrairement à ce que prétendent certains commentateurs mal informés ou de mauvaise foi. En vérité, la France fixe dans sa norme fondamentale, la Constitution, son organisation décentralisée et l’autonomie de ses collectivités territoriales qui sont placées sur un même pied d’égalité;
– deuxièmement, les régions françaises disposent d’un large éventail de compétences leur permettant d’agir dans des domaines stratégiques et variés, en parfaite autonomie ou le cas échéant en collaboration et en bonne intelligence avec les autres échelons de pouvoirs concernés, lorsque c’est nécessaire ;
– troisièmement, les régions perçoivent des recettes propres et peuvent bénéficier de dotations octroyées par l’État. Elles disposent librement de leurs ressources. En outre, le droit français contraint l’État à octroyer aux régions les ressources nécessaires pour mettre en œuvre efficacement les matières qui leur seraient confiées, de sorte à s’assurer qu’aucun territoire ne soit délaissé ou dans l’incapacité d’assumer ses compétences. La décentralisation française est donc philosophiquement fondamentalement différente du fédéralisme « à la belge » qui s’apparente davantage à un fédéralisme de « séparation » et non de solidarité entre les régions ;
– quatrièmement, le droit français reconnaîtles langues régionales comme patrimoine immatériel de la France, ce qui montre bien l’attachement de Paris pour la diversité de cultures au sein de son territoire.
3. Compétences de la Région wallonne et de la Communauté française
3.1. Contexte
La complexité (absolument unique au monde) du fédéralisme belge rend quasiment impossible la description exhaustive et de manière pédagogique de la répartition des compétences entre les différents niveaux de pouvoirs (fédéral et entités fédérées) et entre les différentes entités fédérées elles-mêmes (communauté et région), qui implémentent sur un même territoire des politiques publiques différentes. Cela renforce incontestablement l’incompréhension et le sentiment d’éloignement des citoyens par rapport à la vie publique.
Cependant, d’une manière générale, nous pouvons mentionner que les matières à charge des régions et communautés dans le cadre du fédéralisme belge découlent des articles 38 et 39 de la Constitution belge. Chaque communauté a les attributions qui lui sont reconnues par la Constitution ou par les lois prises en vertu de celle-ci. La loi attribue aux organes régionaux qu’elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu’elle détermine.
Il convient donc de s’en référer à la loi spéciale belge du 8 août 1980 de réformes institutionnelles qui détermine les matières régionales et communautaires. Cette loi prévoit, en son article 6, que la Région wallonne est compétente pour les matières suivantes :
– l’aménagement du territoire ;
– l’environnement et politique de l’eau ;
– la rénovation rurale et la conservation de la nature ;
– le logement ;
– l’agriculture ;
– l’économie ;
– l’énergie ;
– les pouvoirs subordonnés, c’est-à-dire l’exercice d’un pouvoir tutelle sur les provinces et communes ;
– l’emploi ;
– les travaux publics et le transport ;
– le bien-être animal ;
– la sécurité routière.
Complémentairement à ces matières, les imperfections (c’est un euphémisme) du fédéralisme belge privent la Communauté française (anticonstitutionnellement et arbitrairement renommée « Fédération Wallonie-Bruxelles ») de toute compétence fiscale. Cela rendu nécessaire le transfert de l’exercice de certaines compétences communautaires vers la Région wallonne (en application de l’article 138 de la Constitution belge). Parmi ces matières, figurent notamment la gestion et le financement des infrastructures sportives, le tourisme, la santé, les allocations familiales, la reconversion professionnelle et l’aide aux personnes.
La Communauté française reste toutefois compétente pour principalement :
– la défense de la langue française et de la culture ;
– l’enseignement scolaire ;
– la politique de la jeunesse ;
– la politique des sports.
3.2. Constats
À l’issue de l’examen des compétences régionales françaises et belges, en guise de nouvelle conclusion intermédiaire, les constats suivants peuvent être établis :
– premièrement, la quasi-totalité des domaines d’intervention de la Région wallonne sont similaires à ceux qui entrent dans le champ de compétences des régions françaises, à l’exclusion de la sécurité routière, du bien-être animal et de l’exercice de la tutelle sur les pouvoirs locaux. Bien que ces trois compétences sont des matières très importantes, on ne peut pas honnêtement soutenir qu’elles sont fondamentales pour l’autonomie de la région. Elles pourraient parfaitement être exercées efficacement par l’État français, selon la loi française applicable en la matière, sans porter préjudice au libre fonctionnement et à l’autonomie de la Wallonie ;
– deuxièmement, les régions françaises peuvent intervenir dans des domaines essentiels pour défendre et promouvoir leur culture et de leur identité, ce que ne permet pas le fédéralisme belge : le droit belge exclut la culture et la défense de l’identité et des langues régionales ;
– troisièmement, la Communauté française exerce finalement un nombre fortement réduit de compétences par rapport à ce qui revient à la Région wallonne.
4. L’hypothèse d’une réunion de la Wallonie à la République française
4.2. La Wallonie comme région de France à part entière
Pour que la Région wallonne devienne demain une région de France à part entière (elle serait alors rebaptisée « Wallonie » dans le plein respect de son histoire et de son identité), il conviendrait de modifier l’article L4111-1 du Code général des collectivités territoriales afin de compléter la liste des régions de France par un nouveau tiret intitulé « Wallonie ».
Cette intégration serait combinée à une modification des frontières territoriales de l’État français en vue d’élargir son territoire à la Wallonie.
En tant que région française à part entière, la Wallonie :
– garderait Namur comme chef-lieu et siège de son conseil régional (aujourd’hui le Parlement wallon) ;
– serait dirigée par un organe exécutif autour du président de région, élu à la majorité des membres du conseil régional, et de ses vice-présidents (en lieu et place de l’actuel Gouvernement wallon). Le président rendra compte annuellement au conseil régional, par un rapport spécial, de la situation de la région, de l’état d’exécution du plan régional, ainsi que de l’activité et du financement des différents services de la région et des organismes qui dépendent de celle-ci ;
– continuerait d’être accompagnée par son conseil économique, social et environnemental, comme les autres régions de France, qui est chargé d’informer le conseil régional sur les enjeux et conséquences économiques, sociaux et environnementaux des politiques régionales, de participer aux consultations organisées à l’échelle régionale, de conduire des études de prospective territoriale régionale et de contribuer à des évaluations et à un suivi des politiques publiques régionales (il existe déjà aujourd’hui le Conseil économique, social et environnemental de Wallonie) ;
– serait dotée d’un budget régional annuel qui lui sera propre pour financer son fonctionnement et ses politiques publiques (comme c’est déjà aujourd’hui le cas pour la Région wallonne).
L’essentiel des compétences aujourd’hui exercées par l’État fédéral et la Communauté française pourraient l’être demain par l’État français, ce qui finalement n’aurait pas d’impact fondamental sur le fonctionnement et l’autonomie de la Wallonie.
En tant que région de France, la Wallonie continuera à agir dans les domaines stratégiques qui relèvent déjà de sa compétence, comme synthétisé dans le tableau suivant.
Domaine |
Rôle de la Wallonie dans le cadre de la République |
Développement économique |
Comme les autres régions de France, la Wallonie continuera d’assurer la coordination des actions de développement économique sur son territoire. Elle continuera d’investir de nombreux domaines liés au développement économique (création d’entreprises, financement, internationalisation, soutien à la recherche et au développement) complétant sa capacité d’intervention afin de répondre au mieux aux besoins des entreprises, de favoriser le développement du territoire et de contribuer à la mise en œuvre de des politiques économiques nationales. Elle devra élaborer ses schémas régionaux de développement économique (SRDE). Elle continuera d’apporter son soutien aux petites et moyennes entreprises, aux startups, créateurs d’entreprises et aux acteurs qui font vivre l’économie de la région et contribuent à son développement. Elle devra continuer à soutenir l’innovation et le secteur numérique. Elle animera également les pôles de compétitivité. |
Formation, emploi et insertion professionnelle |
La Wallonie continuera de soutenir la formation les demandeurs d’emploi et de les accompagner dans leur insertion professionnelle. Elle continuera d’être responsable de l’orientation et la formation des demandeurs d’emploi. Elle pourra continuer à octroyer des aides à l’embauche. Elle devra assurer le financement des infrastructures scolaires et elle pourra mener des politiques volontaristes en matière d’équipements numériques pour les écoles de son territoire. Depuis 2004, les régions françaises sont aussi pleinement compétentes pour la restauration scolaire et les internats. |
Agriculture |
La Wallonie se verra reconnaître, comme les autres régions de France, un rôle pilote des politiques agricoles, alimentaires et de développement rural à l’échelon régional, dans le cadre de la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). La Wallonie continuera d’être responsable de l’installation des agriculteurs, d’investissements dans les exploitations agricoles et les industries agro-alimentaires, du soutien aux actions de coopération entre les acteurs territoriaux ainsi que dans divers dispositifs soutenant l’innovation, la formation et l’acquisition de connaissances par les acteurs des filières agricoles et alimentaires. La Wallonie continuera d’être compétente en matière de chasse et de pêche. Dans le cadre français, les politiques régionales en matière d’agriculture, d’alimentation, de développement rural, de forêt et de pêche doivent répondre aux spécificités des territoires. |
Tourisme |
La Wallonie continuera de soutenir le secteur touristique sur son territoire. Ce secteur sera incontestablement renforcé en intégrant la France, pays le plus visité au monde et pour lequel le tourisme représentait environ 9 % de son produit intérieur brut en 2024. Depuis plus de dix ans, les régions françaises se sont engagées dans des politiques volontaristes et affirmées pour être présentes aux côtés des professionnels du secteur du tourisme. La Wallonie participera avec les autres régions à la structuration de nouvelles offres touristiques, afin de proposer aux touristes des expériences différentes, novatrices et respectueuses des enjeux environnementaux. |
Aménagement du territoire |
La Wallonie continuera de travailler en vue d’un aménagement optimal de son territoire. Comme les autres régions de France, elle devra élaborer un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires qui fixe les objectifs de moyen et long termes en matière d’équilibre et d’égalité des territoires, d’implantation des différentes infrastructures d’intérêt régional, de désenclavement des territoires ruraux, d’habitat, de gestion économe de l’espace, de lutte contre l’artificialisation des sols, d’intermodalité et de développement des transports de personnes et de marchandises, de développement logistique et industriel, de maîtrise et de valorisation de l’énergie, de lutte contre le changement climatique, de développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération, de pollution de l’air, de protection et de restauration de la biodiversité, de prévention et de gestion des déchets. |
Environnement |
La Wallonie continuera d’agir dans le domaine de l’environnement par l’adoption de plans (Schéma régional du climat de l’air et de l’énergie, Schéma régional éolien, Plan climat énergie territorial, Schéma régional de cohérence écologique, …). Elle continuera d’agir en matière de protection de la biodiversité, de climat, de la qualité de l’air, de l’énergie et de développement durable du territoire. Elle continuera de veiller à la planification sur la prévention et la gestion des déchets. Elle continuera d’agir pour protéger la biodiversité sur ton territoire avec une agence régionale de la biodiversité. |
Gestion de l’eau |
La Wallonie participera, avec les autres échelons, la gestion de la politique de l’eau. Bien que cette dernière soit définie au niveau national, la coordination revient aux autorités locales. La Wallonie continuera donc d’assurer la gestion de son bassin hydrologique selon le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, en bonne intelligence avec les autres acteurs. Dans ce cadre, elle pourra fournir des aides pour prévenir, gérer et maîtriser les risques d’inondation et préserver et restaurer les cours d’eau. |
Aéroports |
La Wallonie continuera à assurer la gestion de ses aéroports régionaux, comme les autres régions de France. |
Transports en commun et scolaire |
La Wallonie continuera de développer son réseau de transport en commun urbain et vicinal. Cette compétence sera renforcée puisqu’elle sera également chargée de la gestion et du développement du réseau ferroviaire, qui dépend actuellement de l’échelon fédéral belge. Comme les autres régions de France, elle remplira un rôle d’autorité organisatrice de la mobilité des transports, de soutien à l’intermodalité, de gestion d’infrastructures routières (à l’exception du réseau national entretenu par l’État, pour lequel on reconnaîtra volontiers que le réseau autoroutier français est de meilleure qualité que le réseau belge). La Wallonie sera pleinement compétente pour la gestion du transport scolaire. |
Ports et infrastructures hydrauliques |
La Wallonie continuera de veiller au bon développement et à la gestion de ses ports autonomes situés sur son réseau hydraulique. Au cœur de l’Europe, elle bénéficiera des apports des bassins hydrographiques Artois-Picardie, Seine-Normandie et Rhin-Meuse. Dans le cadre de la République, un nouveau bassin intitulé « Wallonie » serait créé. |
Logement |
La Wallonie devra assurer le soutien à l’accès au logement et à l’amélioration de l’habitat, le soutien à la politique de la ville et à la rénovation urbaine. L’accès au logement social sera assuré par l’État français. Cependant, la Wallonie continuera à financer et gérer son parc de logements d’utilité publique. |
Énergie |
La Wallonie continuera d’agir dans le domaine de l’énergie et sera responsabilisée, en vertu de la loi française, sur l’efficacité énergétique des bâtiments et des logements et sur la production décentralisée d’énergies renouvelables. Elle participera aux réunions du comité régional de l’énergie prévu par la loi française afin de favoriser la concertation sur les questions relatives à l’énergie au sein de la région et pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables. |
Santé |
Bien que la politique de santé relève de la responsabilité de l’État qui organise le système d’assurance-maladie (comme dans le cadre du fédéralisme belge), les régions françaises ont vu leurs compétences renforcées en la matière car elles sont en charge des formations sanitaires et sociales (FSS). Les régions doivent agir pour renforcer le caractère professionnalisant de ces formations et l’amélioration des conditions de vie des étudiants. En matière de santé, les régions françaises luttent contre les déserts médicaux (par le soutien aux maisons de santé, à la télémédecine, à l’information des étudiants, à l’octroi d’aides à l’installation…). Elles soutiennent les politiques de prévention, la recherche scientifique et les entreprises innovantes. La Wallonie continuera donc d’agir en matière de prévention de de lutte contre les déserts médicaux. |
Union européenne et relations internationales |
Comme région française au cœur de l’Union européenne, la Wallonie continuera d’œuvrer, en coopération avec les autres régions de France, pour soutenir une politique ambitieuse de développement et de solidarité internationale. Elle devra soutenir la mobilité des jeunes en Europe et au niveau international. La Wallonie continuera de recevoir et mobiliser des montants via le Fonds européen de développement régional (FEDER). |
Cependant, la Wallonie devra transférer à l’État français les matières suivantes : le bien-être animal, la sécurité routière, une partie de la gestion de la politique énergétique (surtout le réseau de distribution électrique et de gaz) et son pouvoir de tutelle sur les pouvoirs subordonnés. Reconnaissons raisonnablement que ces matières, bien que très importantes pour la société, ne constituent pas un socle de compétences fondamentales pour l’autonomie et le développement de la Wallonie. Elles pourraient parfaitement être exercées efficacement par l’État français, selon la loi française applicable en la matière, sans porter préjudice au libre fonctionnement de la Wallonie. Des dispositions transitoires pourraient être mises en œuvre.
En revanche, la Wallonie obtiendra les nouvelles compétences suivantes.
Compétence |
Rôle de la Wallonie dans le cadre de la République |
Culture |
La Wallonie pourra mener des politiques pour soutenir les artistes et faire rayonner sa culture, ce qui est aujourd’hui assuré par la Communauté française. |
Transport ferroviaire |
La Wallonie devra assurer la gestion et le développement du réseau ferroviaire qu’elle aura récupéré de l’échelon fédéral, en complément de la gestion des transports en commun. Dans le cadre belge, la mobilité est partagée entre l’échelon fédéral et les régions, ce qui n’est pas optimal pour développer une politique de soutien aux transports en commun cohérente et efficace. |
Promotion de l’identité et des langues régionales |
La Wallonie pourra mener des politiques pour protéger et valoriser son patrimoine linguistique, les langues régionales (wallon picard, lorrain) et ses spécificités culturelles, ce que ne permet pas le fédéralisme belge. |
Sport |
La Wallonie, aujourd’hui chargée de la gestion et du financement des infrastructures sportives, verra ses compétences renforcées puisqu’elle pourra développer des projets de soutien et d’encouragement des pratiques sportives sur son territoire. La politique des sports au sens large sera pilotée par l’État français. Elle pourra bénéficier des dispositifs considérables déployés par l’État pour encourager ses sportifs. |
4.2. Les hypothèses d’octroi d’un statut particulier à la Wallonie
a) L’impasse de l’hypothèse d’un État indépendant associé à la France
Certains observateurs et acteurs de la vie politique belge ont parfois évoqué l’hypothèse d’un État indépendant associé à la France bénéficiant d’un régime particulier autorisé par le droit français, en s’appuyant sur deux articles de la Constitution française :
– l’article 87 qui prévoit que la République participe au développement de la solidarité et de la coopération entre les États et les peuples ayant le français en partage ;
– l’article 88 qui précise que la République peut conclure des accords avec des États qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations.
Dans ce cadre, ils envisagent un État indépendant « Wallonie » ou « Wallonie-Bruxelles » (ou une sorte de Belgique résiduelle sans la Flandre) associé à la France dans l’optique de confier à cette dernière l’exercice de certaines compétences. Cette hypothèse pourrait séduire certains observateurs mal informés ou hâtifs, pensant à tort qu’il s’agirait d’une option réaliste car moins contraignante, permettant à la Wallonie de préserver son autonomie.
Cependant, à y regarder de plus près, on remarquera facilement qu’il ne s’agit pas véritablement d’une piste optimale, bien que juridiquement possible, car elle complexifierait la réunion de la Wallonie à la France en multipliant les conditions et démarches préalables. En effet, l’article 88 de la Constitution française vise explicitement l’hypothèse d’un État indépendant avec lequel la République pourrait conclure un accord de développement. Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, d’une réunion de la Wallonie comme région (ni collectivité territoriale) à l’État français.
Il en découle qu’il reviendrait inévitablement au nouvel État « Wallonie » (ou la Belgique résiduelle « Wallonie-Bruxelles ») d’obtenir préalablement son indépendance pour devenir un État à part entière, pleinement souverain, avec toutes les contraintes qui y sont liées (reconnaissance internationale auprès des autres États du monde et de l’Union européenne, reprise par la Wallonie de l’ensemble des compétences fédérales, constitution d’une force armée et d’un réseau diplomatique, obtention d’une nouvelle « nationalité wallonne », …).
Quand bien même il s’agirait de conclure par la suite un accord avec la France pour renoncer à l’exercice de certains attributs de souveraineté (tels que, par exemple, la défense nationale ou la diplomatie et les affaires étrangères), la Wallonie devrait obligatoirement remplir ces conditions préalables de souveraineté. Ce ne serait qu’au bout de ce travail extrêmement difficile que les négociations avec la France pourraient débuter en vue d’une association selon l’article 88. On peut honnêtement reconnaître qu’une telle option n’est pour le moins pas aisée puisqu’elle comporte toute une série de contraintes que devra surmonter un État wallon indépendant, à supposer que la population et ses élites dirigeantes aient la force et la volonté d’y aboutir. D’ailleurs, de tels efforts seraient finalement inutiles puisqu’il s’agirait, par la suite, de renoncer à l’exercice de certaines compétences qui seraient ensuite transférées à la France.
Ce n’est donc clairement pas la meilleure option pour la Wallonie, ni pour la France qui n’aurait pas véritablement d’intérêt à prendre à sa charge « gratuitement » certaines compétences d’un nouvel indépendant. A contrario, la reconnaissance de la Wallonie comme région française à part entière impliquerait des efforts moins difficiles au niveau international. Elle nécessiterait simplement une modification des frontières territoriales de la France ainsi que l’inscription, dans le Code général des collectivités territoriales, de la Wallonie comme région française à part entière.
b) La complexité de l’hypothèse d’une collectivité territoriale unique à statut particulier
Une autre hypothèse parfois évoquée serait de solliciter auprès de la France l’attribution d’un statut particulier pour la Wallonie. De la sorte, cette dernière ne deviendrait pas une région française à proprement parler, mais une « collectivité territoriale unique » en application de l’article 72 de la Constitution. Il s’agirait de préciser par une loi l’ensemble des matières dont la Wallonie aurait la charge, son mode de fonctionnement, son financement, ses rapports avec l’État, dans quelle mesure elle exercerait les compétences d’autres échelons de pouvoirs et selon quelles conditions de coopération (comme c’est le cas, à titre d’exemple, pour la collectivité territoriale de Corse).
Parfois envisagée par certains, estimant que l’octroi d’un statut particulier à la Wallonie serait préférable à l’intégration comme région de France à part entière, une telle hypothèse n’est pas vraiment optimale car elle serait bien plus difficile à mettre en œuvre que certains ne l’imaginent. Elle complexifierait encore davantage une situation déjà très difficile car elle pose d’emblée des conditions très contraignantes. La plus évidente est qu’elle impliquerait de longues négociations entre la Wallonie et la France pour déterminer, d’un commun accord, quelles sont les matières dont la Wallonie devrait assurer la gestion et dans quelles conditions, en ce compris donc ce que l’État français reprendrait à sa charge. Partant d’une page blanche, tout serait à définir.
Un tel travail pourrait requérir des longues années de négociations entre les représentants wallons et français. Se poserait alors rapidement la question de la praticabilité d’un tel accord qui devrait être expérimenté au cours du temps, ajoutant de la complexité au fonctionnement de l’État et dans la vie quotidienne des Wallons. Ce n’est donc pas non plus la meilleure option.
Plutôt que de partir d’une page blanche, il serait sans conteste bien plus aisé, plus rapide et plus efficace de partir comme référence du cadre d’une région française à part entière, avec tout ce que cela comporte, en se basant sur le constat que les compétences qu’exercent les régions françaises et wallonne sont déjà, à l’heure actuelle, similaires dans leur grande majorité. Seules resteraient à discuter les modalités de transfert et d’exercice des matières qui relèvent aujourd’hui de l’État fédéral et la Communauté française, avec des dispositions transitoires.
5. Conclusion
Au terme de l’analyse comparative, les enseignements suivants s’imposent :
– la République française n’est pas l’État centralisateur que certains décrient. Au contraire, la Constitution française consacre l’organisation décentralisée de l’État et l’autonomie de ses collectivités territoriales. Celles-ci disposent librement de leurs ressources. En outre, le droit français reconnaît les langues régionales comme patrimoine immatériel de la France, ce qui montre bien l’attachement de Paris pour la diversité de cultures au sein de son territoire ;
– les régions françaises disposent d’un large éventail de compétences leur permettant d’agir dans des domaines stratégiques et variés, en parfaite autonomie. Elles peuvent intervenir dans des domaines essentiels pour le développement d’un territoire, ce que ne permet pas le fédéralisme belge : la culture et la défense des langues régionales ;
– les régions françaises perçoivent des recettes propres et peuvent bénéficier de dotations octroyées par l’État. En outre, le droit français contraint l’État à octroyer aux régions les ressources nécessaires pour mettre en œuvre efficacement les matières qui leur sont confiées, de sorte à s’assurer qu’aucun territoire ne soit délaissé ou dans l’incapacité d’assumer ses compétences. La décentralisation française est donc philosophiquement fondamentalement différentedu fédéralisme « à la belge » qui s’apparente davantage à un fédéralisme de « séparation » et non de solidarité entre les régions ;
– la quasi-totalité des domaines d’intervention de la Région wallonne sont similaires à ceux qui entrent dans le champ de compétences des régions françaises, à l’exclusion de la sécurité routière, du bien-être animal et de l’exercice de la tutelle sur les pouvoirs locaux. Bien que ces trois compétences sont des matières très importantes, on ne peut pas honnêtement soutenir qu’elles sont fondamentales pour l’autonomie de la région. Elles pourraient parfaitement être exercées efficacement par l’État français, qui assurerait aussi les matières réduites de la Communauté française et de l’État fédéral belge, selon la loi française applicable en la matière, sans porter préjudice au libre fonctionnement et à l’autonomie de la Wallonie ;
– l’octroi à la Wallonie d’un statut particulier serait inutile voire contre-productif, dès lors que les matières à charge des régions wallonne et françaises sont similaires dans la quasi-totalité des secteurs. L’attribution d’un statut particulier impliquerait de longues discussions inutiles.
Il est donc clairement démontré que la voie proposée par le Rassemblement Wallonie-France est celle à suivre : une Wallonie région de France à part entière qui continuera d’agir dans l’essentiel des domaines dans lesquels elle intervient déjà, avec de nouvelles compétences qui lui permettront de défendre son identité régionale, ce que ne permet pas le fédéralisme belge.
Un membre du RWF