Francophones, ne vous laissez pas dicter par la Flandre
les conditions du divorce belge !

par Paul-Henry Gendebien coprésident du R.W.F.

Ce texte a été écrit avant la remise de la note De Wever ce dimanche

L'Histoire le montre : quand l'heure est dépassée, les réformateurs sont perdants en face des révolutionnaires. Les Francophones belges arrivent trop tard et à reculons au rendez-vous ordonné par le mouvement flamand. L'échec est fatal dès lors que notre fédéralisme ne repose pas sur un compromis mais sur un malentendu : une étape vers l'indépendance pour la Flandre, un aboutissement pour les Wallons et les Bruxellois. Un fédéralisme évolutif de soustraction n'est pas amendable parce qu'il se conjuguera tôt ou tard au passé décomposé. Il n'y a pas de place, dans un même espace géopolitique, pour deux Etats concurrents : un Etat flamand émergent et un Etat belge déliquescent.
C'est le plus faible qui s'effacera.

La N-VA n'est pas isolée !

Nos élites sous-estiment la radicalité du nationalisme flamand.
Ses objectifs - sinon ses méthodes - sont révolutionnaires : transformer la nation en Etat, obtenir un siège au Conseil européen, parachever l'émancipation de la société flamande par sa modernisation complète. Est en marche une révolution tranquille, animée par un lent mais puissant ressort, qui finira - accessoirement - par avoir raison du Royaume sans avoir tiré un seul coup de feu.

A son ancienne revendication autonomiste, la Flandre a ajouté récemment un souverainisme économique et fiscal porté par les organisations patronales (VOKA, UNIZO...) Constatant l'impuissance belge devant les effets pervers de la mondialisation et pressentant les carences croissantes de l'Union européenne, la Flandre a déjà rompu avec le pacte fédéral des années 80 et se prépare à compter pour l'essentiel sur ses propres forces. Quant à l'énormité de notre dette globale et de nos déficits annuels, elle attise le risque d'attaques spéculatives des marchés internationaux, d'où l'impatience grandissante de la Flandre politique et patronale qui a perdu sa confiance en un Etat belge moribond.

Cet arrière-plan indique pourquoi la NV-A. n'est pas isolée dans la société flamande. Aussi l'indignation moralisatrice des partis francophones à son égard apparaît-elle comme dérisoire et contre-productive.

L'aveuglement volontaire de nos élites

Comment qualifier l'aveuglement volontaire de nos élites ?
« Je crois en l'éternité de la Belgique ! » a déclaré gravement M. Louis Michel, le 5 octobre, à Matin Première. Assiste-t-on à une sorte de profession de foi religieuse ? Ou très prosaïquement à une « captatio benevolentiae » en direction de ses électeurs, sachant que souvent, en démocratie moderne, les paroles comptent plus que les actes ?

Avant le scrutin du 13 juin, Mme Milquet avait également tenté de séduire son public en claironnant que « L'union fait la force » et M. Di Rupo ne fut pas en reste en promettant un « pays stable »...
Quand donc cessera-t-on de gruger les bonnes gens avec des contes de nourrice, sauf à vouloir leur préparer des lendemains de douleur et de fureur ?

Il est vrai que ces discours trompent de moins en moins l'opinion publique. Celle-ci a commencé à comprendre que la fin de l'Etat approche inexorablement. Quelque chose de profond et de presque sacré pour beaucoup de nos concitoyens est en train de se briser. Et bientôt la classe politique - considérée dans son ensemble - sera jugée coupable d'avoir produit le « chaos durable », cette ultime invention belge.

Nos partis officiels pourraient se ressaisir à condition de reconnaître que leur stratégie est fautive : on ne peut pas, simultanément vouloir un Etat fédéral cohérent et se placer sur le terrain de la N-VA, celui d'un découpage du pouvoir central à la tronçonneuse conduisant à un confédéralisme plus ou moins honteux.
De même, on ne peut plus s'en tenir à une posture quasi munichoise en marchandant une paix communautaire purement provisoire. C'est joindre le cul-de sac politique à l'humiliation morale que de brader la scission de BHV, sans contrepartie substantielle, et en jetant aux orties l'élargissement de Bruxelles et sa continuité territoriale avec la Wallonie.

Ure séparation à l'amiable pour éviter le pire

Les consultations royales successives, les caucus - de haut niveau ou pas - la prolongation des affaires courantes en affaires fuyantes, rien de tout cela ne ressuscitera un Etat fédéral digne de ce nom.

Au mieux, on lui donnera un petit sursis : la cigarette du condamné.

L'heure n'est plus aux regrets ni aux vitupérations. Nos quatre Partis officiels francophones, toute rivalité mise au rancart, doivent établir ensemble et publiquement un diagnostic clair et net : il est impératif de préparer l'après-Belgique. A cet égard, on verra bientôt que le Wallo-Brux (petite Belgique sans la Flandre) n'est pas viable, ainsi que l'a d'ailleurs rappelé Mme Milquet à la télévision le 4 octobre. On connaît notre position : seule la solution française apportera une sécurité réelle à notre population.

Les dirigeants francophones ont le devoir politique et moral de proposer les procédures et le calendrier d'une séparation à l'amiable dans l'ordre et le calme.
Il est urgent pour eux de commencer enfin d'anticiper les événements et de les contrôler, si du moins ils veulent éviter le pourrissement total, générateur de désordre et - craignons-le - de violence.

Le double langage des élites et leurs atermoiements augmenteront l'inquiétude des citoyens. Leur dignité et leur détermination les rassureront.

Si par malheur les partis francophones s'obstinaient à collaborer avec les fossoyeurs de l'État, ils n'en seraient pas récompensés : au contraire ! Ils seraient associés à la liquéfaction finale du fédéralisme belge.

Le moment est venu pour les Wallons et les Bruxellois de se donner un destin honorable et un cadre politique sécurisant, en fonction de leurs intérêts.
Nous ne pouvons plus lier notre sort à celui d'un Etat qui prend eau de toutes parts et dont les restes constitueraient pour nous un cadeau empoisonné.
La nostalgie belgiciste sentimentale est parfaitement compréhensible, mais elle ne mène à rien. Se résigner à une prétendue éternité belge reviendrait à subir pour l'éternité le chantage flamand à la séparation.

Il suffit ! Nous, devons cesser d'attendre docilement que la Flandre nous dicte le moment et les conditions de son départ.

Photo de René-G. Thirion : nos deux coprésidents à notre manifestation
des Fêtes de Wallonie le 18 septembre 2010


© R.W.F. Dernière mise à jour le mercredi 3 novembre 2010 - Ce site est le seul officiel du R.W.F.