Le Morgen donne la parole à Paul-Henry Gendebien - 18 septembre 2010

en traduction libre...

Le Morgen, après avoir rappelé l'Histoire de notre courant, évoque nos contacts avec des responsables français...

« Nous avons nos contacts à Paris » dit finement Gendebien.

Je comprends bien pourquoi le PS voudrait les tenir sous le boisseau.

A cette réunion, ils ont mis le Plan B sur la table. La Flandre devient indépendante, la Wallonie et Bruxelles forment une sorte de mini-Belgique. Ce n’est pas du tout nouveau : le PS s'est répandu ces dernières semaines en mâles déclarations sur le Plan B. Mais j’en sais plus que La Libre (ndr : La Libre a confirmé ces propos deux jours après) : la troïka a aussi tâté le pouls des Français sur leur appui en cas de séparation de velours. Des matières comme la Défense seraient complètement dévolues à la France.

Le PS, qui met au placard le projet rattachiste, négocie dans l’antichambre du PS français une sorte de « Belgique assistée », un pays qui serait indépendant, mais qui serait en réalité un protectorat français.

Evidemment, personne ne doit s’en étonner. Maintenant que les Flamands se retirent, ils se cherchent un nouveau père nourricier pour faire tourner la boutique. Se tourner vers la France, ils ne le veulent pas, car ils devraient alors abandonner leurs postes et leur clientélisme. Combien de ministres livrerent aujourd'hui les partis traditionnels au gouvernement fédéral, à la Communauté française et à la Région wallonne ? Quelque chose comme 35. Ceux-ci seraient bien moins nombreux si la Wallonie et Bruxelles devenaient deux régions de France à part entière, comme le préconise le R.W.F.

La « Belgique assistée », c’est un truc transparent pour verser du vieux vin dans de nouvelles outres.

Je ne sais pas comment vous le dire, mais il existe un proverbe français qui résume bien la pensée du PS : «  Vouloir le beurre et l’argent du beurre… »

De Morgen : Et le sourire de la crémière, poursuit le proverbe. Nous laissons volontiers la traduction à nos lecteurs. Vous ne croyez pas en un Minibel, une mini-Belgique ? Pourquoi pas ?

Regardez dans quel état se trouvent le réseau autoroutier wallon ou la situation de notre enseignement. Si les responsables politiques de la Région wallonne ou de la Communauté française ne peuvent pas gérer ces compétences, comment en sera-t-il pour la gestion d’un Etat (quasi indépendant) ?

Mais ne jouons pas l’homme, il existe des arguments rationnels sur le sujet. Des professeurs d’université ont fait leurs comptes : sans la Flandre, le budget de la sécurité sociale reculerait de 20%. Et je n’évoque pas ici la réaction des marchés financiers internationaux. Une mini-Belgique deviendrait la Grèce du nord de l’Europe. Mais je n’irai pas plus loin : un nouvel Etat ne peut être reconnu que si ses frontières sont reconnues par la communauté internationale. Impensable, dans la mesure où les Flamands et les francophones ne trouveront jamais un accord sur ces frontières dans le contexte actuel.

Enfin, il existe un argument capital : pour créer un Etat, il faut un minimum de sentiment national.

De Morgen : Vivable ou non, le flirt du PS avec le Plan B montre quand même un changement de mentalité au sud du pays. Voici peu, l’idée même d’une scission du pays était complètement taboue.

Je n’en suis pas si sûr. Tout ce plan B relève du bluff. Ils veulent montrer aux Flamands qu’ils n’ont pas peur. Parallèlement, c’est une manière de préparer son propre arrière-ban à davantage de concessions.

Regardez combien la situation est sérieuse : nous ne pouvons que nous incliner devant les Flamands. En réalité, les négociations communautaires ne changeront rien : au mieux, elles peuvent régler le processus de la fin de la Belgique.

C’est assez ironique : les Belgicistes les plus fanatiques d'il y a peu sont ceux qui plaident aujourd’hui le plus virulemment pour le confédéralisme, dans l’espoir de sauver la Belgique. L’œuf belge est déjà à moitié vide. Mais ce qui se retrouve sur la table des négociations sera bientôt comparable à une Belgique coquille vide.

De Morgen : Le rattachisme donc. Comment se le représenter en pratique ?

Comme un double de processus de négociation. Les Flamands et les francophones vont de commun accord vers une séparation à l’amiable, sous le contrôle de la France, des Pays-Bas et de l’Union européenne. Il existe des précédents : je pense à la séparation de la Tchécoslovaquie et à la réunification de l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest. Parallèlement, les Wallons et les Bruxellois doivent mener des négociations avec la France pour prévenir une période "transitoire" sans solution.

De Morgen : Avec tout le respect que je vous dois, cela résonne comme un scénario de politique fiction…

Ce qui ressemble à de la fiction aujourd’hui s’avère la réalité de demain. La Révolution française, personne ne l’avait vu arriver. Gorbatchev n’avait jamais pensé que l’Union soviétique allait imploser. Après la chute du Mur de Berlin, la réunification allemande était dépeinte dans les capitales européennes comme une idée ridicule. Le cours de l’Histoire est rempli d’accélérations et de tournants brusques. C’est ce que nous sommes précisément en train de vivre en Belgique…

[…]

De Morgen : La France est-elle prête à accueillir la Wallonie et Bruxelles ?

Il y a eu une série d’enquêtes sur le sujet : 65% des Français sont gagnés à l’idée, sans la moindre campagne de promotion de la part des autorités.

Officiellement, on n’en parle pas. Paris ne peut pas donner l’impression qu’elle s’immisce dans nos affaires intérieures. Mais sachez que les Services de renseignement suivent l’affaire de près.

Pour vous, je vous confie une information piquante émanant du même informateur qui m’a tuyauté sur les contacts de caciques des PS français et belges. Cambadélis et Loncle, qui étaient envoyés par Martine Aubry en personne, ont fait rapport au Bureau du Parti. Leur rapport a fait impression. Le PS français est terrorisé à l’idée que Sarkozy s’empare du dossier (ndr : avec un profit électoral). La « Question wallonne » ne peut pas devenir un thème de l’élection présidentielle de 2012, tel était le message.

Pour ainsi dire, cela bouge en France.

De Morgen : Que se passera-t-il avec la monarchie belge ?

C’est le dernier de mes soucis. La Belgique ne s’appuie pas sur la monarchie. La monarchie ne s’appuie pas sur la Belgique. Si le pays disparaît, nous chercherons une solution humaine pour la famille royale. Ils ne sont pas dépourvus de moyens, que je sache !

Parfois, je me demande si ce ne serait pas un ballon d’oxygène pour eux.
Car, reconnaissons-le, le cinéma auquel Albert doit assister dans ses vieux jours n’est pas très réjouissant à regarder.


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