Raffermir la démocratie en Wallonie : trois propositions

Analyse de Paul-Henry Gendebien, co-président du R.W.F.

La question du mode de scrutin en Wallonie n’est pas anecdotique. Elle révèle un choix de société politique. Sur ce point, il convient de saluer l'analyse de M. Charles Michel dans la mesure où elle rejoint les propositions déjà anciennes du R.W.F. Le débat est essentiel parce qu'il y a un lien direct entre l’économique et le politique. La Wallonie est une société politique imparfaite où la démocratie s’anémie, s’essouffle dans le local et le circonstanciel et surtout se soumet à la prédominance du régime des partis sur les institutions.
Le redressement économique et social n'a pas été précédé d'un grand débat public. Dès lors, il n'y a pas de véritable adhésion populaire à un projet collectif de renouveau. Pour rompre avec le fatalisme morose qui la paralyse trop souvent, la Wallonie doit retrouver l’élan volontariste qui la caractérisait autrefois. Il n’y aura pas de relance économique wallonne si elle n’est pas accompagnée au préalable d’une sorte de  « révolution tranquille » culturelle, morale et politique.

Cette révolution postule d’abord la réincarnation des simples électeurs en citoyens, actifs par définition, c’est-à-dire ­impliqués dans la définition d'un avenir collectif. Une autre priorité serait de restaurer, dans la Wallonie profonde, la vieille idée républicaine et romaine (« res publica...) du service de l’Etat, de la puissance publique, de l’intérêt général. Oui, des réformes politiques s’imposent en Wallonie. Elles augmenteront l’efficacité du Parlement et du gouvernement de la Région, elles remettront les partis à une plus juste place, à savoir au service des institutions, elles ranimeront l’intérêt et la confiance des citoyens à l’égard du pouvoir et de ceux qui l'exercent.

Elire le Ministre président

La Wallonie doit élire son Ministre-Président au suffrage universel direct à deux tours, selon le modèle français actuel. Quoi de plus démocratique ? Grâce aux citoyens, le gouvernement wallon et son chef se verraient ainsi dotés d'une vraie légitimité populaire et d'une autorité plus forte et plus impartiale. Ils seraient mieux armés pour affronter les défis économiques. Par ailleurs, leur poids serait accru dans les pourparlers institutionnels avec la Flandre, qu'il s’agisse de réformer le fédéralisme belge ou de préparer l’après-Belgique, Aujourd'hui, la légitimité principale du Ministre Président lui vient de sa désignation par son chef  de parti, voire de son auto-proclamation...

Choisi par le peuple, il serait vraiment le porte-parole et le garant des intérêts wallons, plus apte à s'élever au-dessus des pressions partisanes ou locales. L’élection directe conduirait à un vif débat sur le programme gouvernemental, sur la future coalition, sur des choix sociétaux. Elle ouvrirait le jeu en permettant, le cas échéant, l’élection d’un non-socialiste.

Enfin, elle accoutumerait les Wallons aux institutions de la République française dont ils pourraient relever, demain ou après-demain.

Adopter le scrutin majoritaire

La Wallonie doit modifier son mode de scrutin pour l’élection du Parlement régional.

Elle devrait opter pour le scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Soit l’élection de 75 députés dans 75 circonscriptions peuplées chacune de quelque 50.000 habitants en moyenne. Un élu par territoire : cela signifie un élu beaucoup plus visible et plus responsable, que l'on pourra sanctionner au scrutin suivant.
Ce mode de sélection ne supprime pas mais réduit l'influence des appareils particratiques qui ont naturellement tendance à privilégier des critères tels que la discipline présumée du candidat, sa notoriété plus ou moins populiste, voire son hérédité familiale (fils ou fille de...)

Certes, aucun système électoral n’est parfait, mais celui-ci peut incontestablement favoriser les candidats dont l’envergure est telle qu’ils pourront s’imposer au premier tour ou rassembler au-delà de leur propre camp au second. De surcroît, et ce n'est pas rien, le scrutin majoritaire donne de meilleures chances de faire émerger une droite et une gauche cohérente et de parvenir à des alternances gouvernementales dignes de ce nom.

Organiser des referendums

L’Italie, la France, la Suisse y sont accoutumées. La Wallonie devrait pouvoir organiser, sur de grandes options, des référendums démocratiques, éventuellement sur initiative populaire pour autant que soient posées des balises rigoureuses. Promise dans les années 1990 par les libéraux, cette réforme ne sera jamais mise en œuvre pour deux raisons au moins : le fossé politique entre Flamands et Francophones est trop profond, et la superstructure du régime belge n’en veut à aucun prix, échaudée qu’elle est par le « mauvais » souvenir de la consultation populaire de 1950 (note : la Question royale).

La Wallonie doit donc promouvoir elle-même et à son niveau cette réforme, en s’inspirant des divers modèles européens. Refuser ce progrès serait faire preuve de méfiance excessive à l’égard des citoyens. Au 19ème siècle, le pouvoir n’acceptait pas le suffrage universel car il craignait, disait-on, les « classes dangereuses ».
En 2010, les peuples sont-ils toujours des classes dangereuses ?

En conclusion, les réformes ici proposées contribueront à renouveler et à raffermir la démocratie en Wallonie. Et à améliorer l’image de la Région avant qu’il ne soit trop tard.

Car la malgouvernance y a déjà produit trop de dégâts.

Réconcilier les Wallons avec la politique et leurs institutions sera une tâche ardue.

Au Parlement wallon de mettre en œuvre les réformes nécessaires, au nom de l’autonomie constitutive.

En aura-t-il l’audace et surtout, les chefs de partis lui donneront-ils la permission d’aller de l’avant ?

Photo : Paul-Henry Gendebien à côté de Julien Wilmart, responsable des jeunes R.W.F.
(photo : Philippe Lenaerts)

Note : le premier tour des élections régionales se déroulera ce dimanche

Historique des Conseils régionaux (texte à la fin de la page)

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