En Flandre, l’histoire presse le pas - 5 novembre 2009

Nous reproduisons un texte de Paul-Henry Gendebien paru avant la crise boursière et les dernières élections qui ont vu la poussée du nationalisme flamand.
Cet article annonce la nouvelle donne en Flandre.

En Flandre, l'histoire presse le pas

Pendant que la Wallonie n'arrête pas de se chercher, que Bruxelles déprime, en Flandre l'histoire presse le pas. La radicalisation nationaliste est sans précédent : elle déborde du cadre politique et médiatique pour s'étendre au monde des affaires. Le « manifeste des patrons » en témoigne à suffisance.
Et dans les salons huppés d'Anvers et de Gand, on ironise cruellement sur les héritiers du trône et sur « l'invincible unité » célébrée par la Brabançonne.

Les Francophones devraient y réfléchir : la Flandre, comme toute l'Europe de l'Ouest, subit des restructurations industrielles, des rationalisations de son appareil productif, des délocalisations d'emplois que l'idéologie libre-échangiste de la Commission euro­péenne et le déficit de volontarisme de la part de l'État central ne ralentissent pas, au contraire. C'est que les avantages comparatifs traditionnels de la Flandre ne sont plus tout à fait ce qu'ils ont été ; ils ne sont plus nécessairement une assurance-vie pour le maintien de la prospérité. Il y a donc en Flandre des entreprises qui commencent à déménager vers l'Asie ou vers l'Europe orientale, et d'autres qui sont au bord d'un départ éventuel, en position d'attente. La région flamande engage par conséquent une âpre bataille pour conserver son produit régional, son taux d'emploi, son niveau de vie.

Lasse d'exiger de l'État central, sans en être entendue, des allégements fiscaux et de la flexibilité en matière de marché du travail et de formation des salaires, elle voudra de plus en plus agir selon sa vision de la politique sociale et fiscale, et avec ses moyens propres.

L'Union européenne a fait le pas de l'internationalisation et de la globalisation de l’économie, prenant le risque de multiplier les déplacements de postes de travail ou les faillites, ainsi qu'il s'en produit déjà massivement dans des secteurs tels que le textile. Elle a choisi de privilégier une orientation à la fois monétariste, malthusienne et ultralibérale, au détriment de son tissu industriel. De cette manière, l'Union sème des germes de dissensions entre ses États membres, entre ses régions, ce qui contrarie la cohésion économique et sociale à l'intérieur de l'espace européen.

À côté de ses effets heureux, la mondialisation entraîne des conséquences néfastes. La Flandre à son tour commence à éprouver celles-ci. On peut s'y attendre, cette prise de conscience n'induira pas chez elle une demande de néobelgicisme, de retour à un certain unitarisme. Elle ne reviendra plus sur son jugement expéditif : si elle rencontre des difficultés, la faute en incombe à l'État central "paralysé par l'archaïsme et par l'égoïsme des Wallons". Bien au contraire, les dirigeants politiques et patronaux prétendront qu'il faut aller vers de nouvelles scissions de l'espace économique et social belge, un espace froidement accusé de freiner les réformes dont la Flandre a besoin.

Aussi la pression en faveur d'un dépeçage accentué de la solidarité interrégionale va-t-elle encore monter.
La revendication est déjà avancée : la Flandre veut des « blocs de compétences homogènes » pour gérer son économie et sa sécurité sociale, vocabulaire poli pour ne pas dire « confédéralisme ».

Source : Belgique, le dernier quart d’heure ?, Labor, 2006, pp. 119-121


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