Entretien de Paul-Henry Gendebien avec Pan (extraits) - 4 juin 2009

[A propos des résultats électoraux du R.W.F.]

- Si nous ne représentons pas encore un courant électoral, nous représentons un courant d'opinion. Mais nos idées dérangent : il n'y a que la vérité qui blesse.

Quand on dit que le régime des partis profite de la rente belge, ça vise évidemment les quatre partis classiques et ceux qui leur sont liés, c'est-à-dire la presse.

Les médias francophones belges sont en fait les porteurs d'eau des partis traditionnels parce que si la Belgique disparaît, un certain nombre de médias disparaîtront, à commencer par la RTBF.

Alors, bien entendu, ils s'accrochent, même si leur taux d'écoute est en réalité en chute catastrophiquement libre : l'émission dominicale de RTL-TVI fait en moyenne 30% de parts de marché là où celle de la RTBF n'en fait que 10...

- L'antipolitisme ambiant peut-il servir le RWF ?

- Je ne me fais pas beaucoup d'illusions, parce que la population est apeurée, matraquée par la propagande officielle et écœurée par le comportement des politiciens. Ce qui était du dégoût et du mépris est en train de devenir de la fureur et de l'antipolitisme primaire. Donc, on va essayer de voter là où ça fait mal : on va continuer à voter extrême droite, on va croire faire mal en votant Ecolo, ce qui est évidemment une erreur monumentale...

Mais libre aux gens de se tromper: Le droit à l'erreur est encore permis en démocratie.

Et même si notre projet gagne du terrain, les gens n'en perçoivent pas encore l'urgence.

- La crise socioéconomique ne relègue-t-elle pas l'institutionnel, et donc votre programme, au second plan ?

- La distinction entre l'institutionnel et l'économique est tout à fait arbitraire : c'est parce qu'il n'y a plus d'État belge qu'il n'ya pas de plan de relance belge, ni wallon.

Par conséquent, si les gens réfléchissaient un peu, ils verraient que la Belgique est l'un des seuls pays européens qui ne fait rien contre la crise parce qu'il n'en a ni la volonté, ni les moyens. [...]

Tant que nous ne serons pas débarrassés du problème institutionnel, c'est-à-dire de la Belgique, nous n'aborderons jamais sérieusement les vrais problèmes.

- Comment expliquez-vous qu'aujourd'hui, les structures les plus attachées à la Belgique soient les syndicats ?

- Parce qu’ils sont dépendants de leur aile linguistico-correspondante et qu'ils sont structurellement liés à l'État belge. D'autre part, leurs dirigeants sont, quoi qu'ils en disent, totalement liés au régime des partis.

Lorsque Madame Demelenne ose faire voter pour le PS, qui est le premier privatiseur, le premier libéralisateur de l'économie belge et wallonne depuis vingt ans, on se prend à rêver.

- Vous auriez souhaité qu'on conserve davantage de services publics ?

- Dès la fondation du RWF en 1999, dans son manifeste de base, nous avons dit (on ne parlait alors pas de crise) qu'il faut restaurer l'idée d'État, la puissance publique, sauver les services publics, et à chaque élection, nous l'avons redit.
Donc ça fait partie de notre doctrine.

Nous ne sommes pas des étatistes, des partisans de l'économie à la soviétique, mais nous estimons que par les temps de mondialisation sauvage qui courent et d'autre part dans une région faible, les services publics ont une raison d'être incontournable.

- Vous estimez qu'ils sont mieux préservés en France ?

- La doctrine politique française, depuis Colbert, en passant par la monarchie, par la république et par le gaullisme, tous partis confondus, est beaucoup plus favorable à l'idée d'État et de service public, même s'il y a des dérives là aussi, à cause du climat ambiant et de l'Europe.

[De nombreux hommes politiques] vous soutiennent, mais n'ont osé « sortir du bois » qu'une fois retraités ou presque.
Pourquoi ?

- Tant qu'ils ont une carrière dans le système belge, il est évident que tout propos divergent du politiquement correct serait immédiatement sanctionné tant par le parti que dans la presse.

Il ne faut pas oublier que l'originalité, l'indépendance d'esprit, la pensée indépendante... sont considérées comme des choses bizarres par la plupart de nos journalistes.

Par le passé, Ernest Glinne, par exemple, était sottement caricaturé par le Pourquoi pas dans les années 70 comme un « oppositionnel pathologique », tout simplement parce qu'il était indépendant et qu'il avait un esprit critique.

- Techniquement, comment envisagez-vous la réunion de la Wallonie et de Bruxelles à la France ?

- Nous deviendrions les 23ème et 24ème régions françaises, avec en plus pour Bruxelles le statut de capitale européenne. Namur serait celle de la Wallonie, une région qui ne serait pas la 23ème en importance (démographie, géographie, PIB...), mais la 6ème !
Et qui s'appellerait vraiment « Wallonie », et pas « Région wallonne de Belgique »
Vous croyez que la Bourgogne accepterait de se faire appeler « Région bourguignonne de France ? », que la Bavière accepterait de se faire appeler « Région bavaroise d'Allemagne ».
C'est un abandon d'identité ! Donc, cette Wallonie aurait son conseil régional à Namur, et une subdivision territoriale qui transforme les provinces en départements [...]

- Qu'en est-il des compétences ?

- Les Belgicains nous disent qu'on n'aura plus les mêmes compétences. Mais sincèrement, qu'avons-nous fait des compétences que le mouvement wallon a obtenues de haute lutte ?

Un désastre. Même une compétence aussi bête à gérer que les routes, c'est un désastre ! Et ne parlons pas de l'Environnement, de l'Enseignement, des Relations internationales, de l'Aménagement du territoire, de l'Urbanisme ! [...]

Ces compétences, le mouvement wallon les a obtenues pour se protéger de la Flandre.

Avec la France, il n'y aura pas ce problème-là, nous n'aurons plus besoin d'un bouclier.

Jamais en France on n'entendra un politicien de Strasbourg chanter sur tous les toits : « plus un franc alsacien pour l'acier lorrain » !
En outre, le courant vers plus de régionalisation est irréversible, en France : il a été lancé par de Gaulle et continué par tous les gouvernements qui ont suivi, qu'ils soient de gauche ou de droite.
Et n'oubliez pas qu'historiquement, nous sommes plus Français que l'Alsace, la, Lorraine, la Corse ou la Bretagne,

- Et que fait-on des 73 000 Germanophones de Wallonie ?

- Nous revendiquons le principe tout à fait sacré du droit à l'autodétermination.

Visiblement, ils ne tiennent pas vraiment à réintégrer l'Allemagne : les Germanophones sont des Rhénans, des catholiques modérés : ils aimaient bien l'Allemagne de Bonn, mais beaucoup moins celle de Berlin.
Tel que je l'envisage, ils pourraient avoir deux élus garantis au conseil régional de Wallonie. Ce ne serait pas le cas en Allemagne.

- Si la Wallonie est rattachée à la France, les Elio Di Rupo, Didier Reynders, Joëlle Milquet passeront du statut de 1er à Bruxelles à celui de 8ème ou 9ème à Paris...

-Ce n'est pas 8ème ou 9ème, mais 150ème !
Madame Milquet, c'est comme les Ecolos : avec le système majoritaire français, elle n'existe pas !

- Quels scores prédisez-vous aux quatre partis traditionnels le 7 juin ?

- Je pense que le PS et le MR vont perdre, et que celui qui perdra le moins des deux dira qu'il a gagné.
Mais malgré tous les scuds qu'ils se sont envoyés, ils sont tout à fait capables de se rabibocher et de se mettre ensemble.

Pourtant, si le Parti socialiste voulait vraiment se rénover, s'il s'aimait lui-même plutôt que le pouvoir, il irait dans l'opposition.

C'est sa seule chance de se refaire.


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