Musée Magritte : les Flamands cherchent Draguet - 20 mai 2009

Désargentée, la Belgique investit enfin dans un grand projet culturel d’envergure mondiale, grâce à un partenariat privé avec le français SUEZ.

Pour l’anecdote, notre beau Royaume n’a jamais reconnu le talent de Magritte de son vivant. C’est un mécène américain qui, sur le tard, lui a permis de connaître la gloire internationale.

A notre connaissance, il n’y a pas de rue Magritte à Bruxelles, une ville d’un million d’habitants. Alors que la moindre ville de province française honore son poète local.

Magritte, qui était profondément républicain, rappelons-le, détestait l’establishment belge, affairiste et conservateur. Au Directeur de la Banque Nationale qui lui avait commandé un portrait, notre peintre, qui était devenu célèbre, lui avait envoyé un projet, en réalité une caricature qui représentait le bonhomme important vêtu d’un chapeau claque 1900 et de culottes courtes.

Le Musée Magritte est l’œuvre de Michel Draguet, Conservateur en chef des prestigieux Musées Royaux des Beaux-Arts depuis 2005.

Malgré tout son talent, il avoue être dans la ligne de mire des Flamands parce qu’il est francophone !

Commentaire du magazine Trends-Tendances de ce 21 mai :

« C'est l'un des derniers francophones à la tête d'une grande institution fédérale. « A ce titre, il est dans la ligne de mire des Flamands et il en souffre parfois », confie un de ses proches sous le couvert de l'anonymat. Coincé notamment entre le Palais des Beaux-Arts dirigé par Paul Dujardin et le Palais des Congrès de Bruxelles cornaqué par Marc Van De Broeke — tous deux néerlandophones —, Michel Draguet symboliserait-il une espèce d'îlot francophone au sein du MRBAB animé jadis, lui aussi, par un Flamand ? L'homme placé « dans la ligne de mire » coupe court à toute polémique communautaire, même si on l'a parfois traité de «bouffeur de Flamands»: « Je suis prof à l'ULB et, à ce titre, on m'a déjà traité de franc-maçon et de bouffeur de curés, ce que je ne suis pas, ni l'un ni l'autre, répond Michel Draguet. Lorsque je suis arrivé aux Musées Royaux des Beaux-Arts, l'institution était dirigée depuis 1984 par une équipe dont le directeur était néerlandophone. Les gens avaient donc pris certaines habitudes (sic) et, dans ce milieu fédéral, il était logique (resic) qu'il y ait ce genre d'appréciation à mon égard d'être un bouffeur de Flamands »

Ceux-ci le considéraient comme tel parce qu’il était professeur à l’ULB, donc forcément franc-maçon (note : il faut savoir que la Franc-maçonnerie est mal vue dans une Flandre traditionnelle : le nombre de membres y est très nettement moins élevé qu’à Bruxelles et en Wallonie) selon les clichés flamands, et qu’il parlait mal le flamand, donc qu’il était mal disposé à l’égard de la Flandre, selon les mêmes préjugés.

« Si Michel Draguet joue la carte de l'apaisement communautaire, son ami Philippe Roberts-Jones, son prédécesseur, constate, lui, une réelle « flamandisation » de la culture à Bruxelles depuis une vingtaine d'années.

« Je n'ai pas ce sentiment, rétorque pourtant Michel Draguet. Je dirais plutôt qu'il existe un grand niveau de performance de la création contemporaine flamande, une réussite des artistes flamands et de la politique flamande.

En revanche, je constate, à titre personnel, un grand échec de la culture francophone chez nous qui est avant tout un échec de la politique francophone et de ce qui a été réalisé ces 20 dernières années en Communauté française.
Il n'y a pas grand-chose à en retenir. C'est un jugement peut-être un peu tranché, mais il est lié à une certaine culture politique. »

Polémique ou pas, Michel Draguet nourrit malgré tout, aujourd'hui, la réalisation d'un nouveau projet étiqueté davantage flamand au sein de son institution (note : la Belgique est faite de marchandages permanents) : « On pour­rait peut-être me reprocher que Magritte est très francophone (sic), poursuit-il.
C'est un Wallon
(note : qui a grandi au Pays de Charleroi) qui a habité à Bruxelles, mais on a aussi un grand Flamand qui a vécu à Bruxelles : Breughel. Nous avons hérité de la maison de Breughel l'Ancien et nous nous lancerons prochainement dans la construction d'un projet autour de notre collection. Notre objectif est d'établir dans le quartier des Marolles un vrai centre de rayonnement de ce que fut la culture flamande de Bruxelles au 16ème siècle. »

De quoi calmer les ardeurs de certains Flamands influents qui, dit-on, ne verraient pas d'un bon œil l'éventuelle réélection de Michel Draguet à la tête des MRBAB en 2011 ?

Sans doute. Le directeur général ne semble en tout cas pas obsédé par l'obtention d'un nouveau mandat. « Si on me dit dans deux ans qu'on ne veut plus de moi, cela m'embêtera un peu, mais ça ne sera pas un drame, parce que j'ai d'autres envies, comme par exemple prendre plus de temps.
Du temps pour ma famille et du temps pour écrire. Et puis, j'aurai toujours la capacité de revenir comme professeur ordinaire à l'Université. »

Conclusion : l’Etat belge, paralysé par ses querelles linguistiques, est certes une toile surréaliste, mais il s’apparente de plus en plus à une croûte de peintre du dimanche.

Cette situation clochemerlesque n'empêche nullement la flamandisation rampante de Bruxelles, deuxième ville francophone d'Europe.


© R.W.F. Dernière mise à jour le samedi 23 mai 2009 - Ce site est le seul officiel du R.W.F.