Cette région étroite d’esprit : mon pays, la Flandre - 24 mars 2009

Walter Pauli, rédacteur en chef adjoint du journal de gauche De Morgen, dénonce le nouveau décret de la Région flamande qui vise à refuser l’accès des allochtones au logement.
Il s’agit malheureusement d’une voix, certes courageuse, mais qui prêche dans le désert ou les polders, c'est selon.

La gauche, "en principe" (c'est un ministre socialiste qui soutient ce décret !) plus ouverte à l'Autre, ne représente plus que 20% de l’électorat flamand…

"Ai-je de la chance que ce ne soit pas maintenant, mais il y a dix ans que je cherchais une maison à Louvain. Bien que ma femme et moi soyons originaires du Limbourg, nous pouvions encore chercher une habitation ou un terrain à bâtir. Nous avons payé un peu plus que ce que nous voulions vraiment, mais nous avions tout de même notre maison. Notre maison, notre famille, notre vie.

Aujourd’hui nous ne pouvons plus. Louvain est en effet une des 65 communes flamandes qui, selon le nouveau décret "Terrains et Bâtiments" impose une "limitation" aux candidats acheteurs. Dorénavant, ceux qui ne sont pas de Louvain ne peuvent plus acheter de terrains dans une zone d’expansion résidentielle. Ils sont réservés aux personnes "de la région": celui qui habite ou travaille depuis au moins trois ans ou qui a "un lien familial ou socioculturel avec la région".

"Les critères ne sont donc pas aussi stricts", prétendent les porte-parole de toutes sortes. C’est exact : les critères ont été ainsi fixés qu’ils peuvent être interprétées de manière large. C’est donc encore moins clair pour le requérant et encore plus flexible, au niveau de l’interprétation pour les autorités communales. Encore plus de liberté pour refuser les nouveaux arrivants. Pur arbitraire, pure discrimination. C’est au demeurant l’objectif explicite de la mesure: un instrument légal pour pouvoir discriminer correctement. Selon l’initiateur Mark Demesmaeker (N-VA), il s’agit de protéger la périphérie bruxelloise des immigrants de Wallonie et des eurocrates.

Qu’un cheval de trait de second choix du Brabant flamand - une sous-espèce avec des œillères sur les yeux - comme Mark Demesmaeker vienne trotter fièrement avec cette mesure, soit. C'est son interprétation du projet national Flamand. Que le gouvernement flamand et une large majorité du parlement flamand s’empare de ce non-sens devient dramatique. Aussi parce que le gouvernement a préparé ce décret sans la participation des communes. Le vice-ministre Président Flamand Frank Vandenbroucke (SP.a, socialiste flamand) sait mieux que son partenaire de parti Louis Tobback ce qui est bon pour Louvain. Brillant mec, ce Frank.

Naturellement Vandenbroucke soulignera que ce décret sur les terrains et les bâtiments contient de nombreuses mesures sociales, et c'est vrai. Mais le fait demeure que ce "paragraphe Demesmaeker" est indigne pour un pays.

Aussi les partisans de cette initiative se défendent déjà en définissant cette mesure de "sociale": est-ce à dire que sa propre population pauvre doit tout de même encore pouvoir habiter à un prix abordable dans sa propre région ?

Il suffit de jeter un rapide coup d'œil sur une carte pour se demander si c'est bien la véritable raison. Parmi les 63 communes "touchées" se trouvent Oud-Heverlee, Lovendegem, Destelbergen, Boechout, Hove, Le Coq, et même Chapelles et Brasschaat (!): plutôt des réserves pour les riches, dirigées par des municipalités qui ne sont que rarement intéressées par des sentiments sociaux. La prétendue menace des eurocrates et des Wallons semble un bon prétexte pour pouvoir le faire maintenant ouvertement : sans gêne attirer la population locale et en refusant les "étrangers".

Les prêtres agressifs

Irresponsable pour le moins. Dans toute la Flandre et dans le Brabant Flamand en particulier, la grande politique flamande se traduit toujours plus ouvertement par de la xénophobie et donc par la conduite répréhensible de ses habitants. Les gens discriminent de plus en plus, et ils deviennent même plus agressifs. Dans le Brabant Flamand, des fidèles catholiques et même leurs prêtres attaquent leur propre archevêque (bilingue) de Malines-Bruxelles, parce qu’un dépliant bilingue pour le jubilé a été distribué. Les Flamands ne sont pas victimes de discrimination: tout était parfaitement en Néerlandais. Les habitants du Brabant wallon ont le même dépliant, donc aussi avec la version Néerlandaise. Les Wallons l’acceptent, pas les Flamands.

Tout comme de nombreuses autorités communales du Brabant Flamand refusent avec obstination que d’autres langues que le Néerlandais soient parlées à leur guichet. Le personnel communal va rabrouer un Finnois ou un Letton qui a quitté son pays pour venir travailler dans une institution Européenne plutôt que de lui parler anglais. C’est le nouveau spectacle de la Flandre moderne: lamentable, grossier, stupide. Tout comme les aires de jeux du Brabant Flamand où les gamins qui parlent une autre langue ne sont plus les bienvenus. Ou cet arbitre du Brabant Flamand qui donne des cartes jaunes à des joueurs consternés (de Jette, donc Bruxelles !) parce qu’ils parlent le français.

Législation illogique si ce passage du décret "terrains et bâtiments" devient une incitation organisée à l’intolérance. Parce que selon Demesmaeker, et avec lui l’ensemble de l’élite politique flamande, il y a un intérêt supérieur pour essayer de refouler les eurocrates.

Qu’est-ce pour une absurdité? Qu’a fait un eurocrate, au nom de Dieu, pour être écarté? N’étaient-ce pas les eurocrates français et britanniques qui firent du lobby pour la centralisation de la plupart des institutions européennes à Bruxelles ? Ou non ? De deux choses l’une: soit Bruxelles est la capitale de l’Europe et alors on reçoit ce que Demesmaeker et d’autres appellent des "eurocrates" coincés: des fonctionnaires européens, des politiciens européens, une horde de lobbyistes, des diplomates, etc. Eh oui, ils gagnent bien leur pain. Ils logent avec leurs familles dans ou autour de Bruxelles. Donc aussi dans la périphérie flamande.

Cela apporte des problèmes? Certainement oui. Mais cela amène aussi des entreprises supplémentaires et donc davantage d’activité économique. Plus de bien-être. Aussi pour la Flandre, et certainement pour le Brabant Flamand. Mais est-ce que pour un instant le Brabant Flamand veut aussi être logique? Pourquoi donc les eurocrates devraient habiter uniquement à Bruxelles et dans le Brabant Wallon, et le Brabant Flamand pourraient ouvertement les refuser "parce qu’ils ne sont pas d’ici"? Par définition, les fonctionnaires européens et leurs familles viennent d’ailleurs, tout de même?

C'est une triste chanson. Si les vieux Flamands donnent l’exemple qu'ils ont le droit de discriminer, alors les jeunes Flamands aussi. Chaque pays reçoit les étrangers qu'il mérite. Pourquoi les minorités ethniques qui vivent en Flandre devraient soudainement être les seules à s’ouvrir aux autres cultures, ou être les seules à se montrer tolérantes? “Nos” allochtones, qui vivent ici, absorbent les valeurs dominantes de chez nous, le discours généralement admis du mode de vie flamand. Ils s’intègrent et ils deviennent plus flamands. Cela veut dire: plus désagréable et plus agressif. […]

Nouveau Modèle

Dans son brillant essai “Le pays d’accueil”, aussi clair que nuancé, l’auteur Paul Scheffer mise sur une règle de base claire pour la nouvelle société polyglotte, multiculturelle et religieuse Gelijke monniken, gelijke kappen : tout le monde a droit à une égalité de traitement. De là sa peur pour la discrimination positive: parce qu’elle permet le même traitement pour tous mais sous la contrainte légale.

En général des membres comme Mark Demesmaeker réagissent d’ailleurs toujours avec fureur à chaque proposition pour la discrimination positive, certainement si cela concerne des allochtones. Mais pour son propre groupe, c’est aussi valable. Le Brabant Flamand aux Brabançons Flamands. Les Eurocrates dehors.

Encore une fois, la discrimination est désormais légitimée par Kris Peeters, Marino Keulen, Bert Anciaux, Frank Vandenbroucke et autres. Par le gouvernement flamand, le nouveau modèle “Eigen volk eerst" règne en maître (ndlr "notre peuple d’abord", slogan de l’extrême droite néo-fasciste flamande).

L'Europe tient de nouveau la Flandre à l'oeil


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