La lucidité de l’éditorial de Luc Delfosse - 18 février 2009

Mon petit pays connaît deux fois la crise

Ici comme ailleurs, la crise économique va exacerber les réflexes protectionnistes. Du coup, au soir du 7 juin prochain, les élites francophones, empêtrées dans un combat des chefs qui les fascine jusqu’à l’aveuglement, risquent de se retrouver face à une Flandre plombée par les radicaux.

La crise communautaire est- elle soluble dans la crise économique et financière qui, pour l’heure, frappe à bras raccourcis l’industrie et bientôt les PME flamandes?
Ou, au contraire, la dépression va-t-elle accélérer l’inéluctable divorce belgo-belge?

Le dégommage d’Yves Leterme, le plus inepte de tous les locataires du « 16 », et les opérations de sauvetage bancaire avaient occulté le round de négociation entre le Nord et le Sud du pays.

Dans l’ombre cependant, survivait un machin baptisé « Dialogue de communauté à communauté ». Le seul mérite de cet improbable lieu était… d’exister. Patatras : dans un jeu de rôles parfaitement minuté à 110 jours des élections (générales?), Reynders et Peeters ont décrété la mort clinique de ce conciliabule.

Du coup, voilà le Nord et le Sud face à face, comme aux pires moments de l’automne 2007. Cette saison infamante où la loi du nombre avait été érigée en règle de gouvernement.

Donc, il n’y aura aucune esquisse d’accord avant des mois.
On entend d’ici les « basta » et les « on a vraiment autre chose à penser » que pousseront les cœurs purs, atterrés à juste titre par la dégradation galopante de l’économie en Flandre, qui compte parmi nos principaux clients et investisseurs.

Ouf? Non, hélas. Parce que, comme à l’accoutumée, la conjonction de la crise économique et de la rupture du dialogue va faire le jeu des partis populistes et des séparatistes, qui auront beau jeu de hurler que :

a) le CD&V a tout promis et tout raté. Lequel CD&V, en réponse, va évidemment (re)radicaliser son discours ;

b) ce que l’on fait soi-même (cfr. KBC…), on le fait mieux ;

c) il est plus que jamais indispensable d’assécher le (prétendu) « flux » du bon argent flamand vers la francophonie.

Bref, ici comme ailleurs, la crise économique va exacerber les réflexes protectionnistes. C’est lamentable (note : nous dirions "c'est dans l'ordre des choses") mais atavique.
Du coup, au soir du 7 juin prochain, les élites francophones, empêtrées dans un combat des chefs qui les fascine jusqu’à l’aveuglement, risquent de se retrouver face à une Flandre plombée par les radicaux.
Avec pour seul choix la date du divorce. Et leurs yeux pour pleurer.

Source : éditorial de Luc Delfosse publié dans Le Soir du 18 février 2009


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