La Belgique peine à rédiger correctement ses lois - 6 décembre 2008

En raison de la multiplication de ses niveaux de pouvoirs (Fédéral, Régions, Communautées, etc.) et de son enchevêtrement politico-administratif, la Belgique éprouve de plus en plus de difficultés à rédiger une loi applicable et opposable à tous les citoyens du pays.

Ainsi, le Décret mixité, qui régit les inscriptions dans les établissements de la Communauté française, sera pour la quatrième fois réexaminé tant les erreurs ou les articles contestables sont nombreux.

Mais d’autres secteurs sont également sujets à caution : la législation sur la nomination des bourgmestres dans la périphérie bruxelloise (une loi fédérale entre en conflit avec une simple circulaire de la région flamande entérinée par une Chambre flamande du Conseil d'Etat), la détention d’une arme, les victimes d’erreur médicale, l’admission des étudiants « reçus-collés » (suite au numerus clausus qui frappe certaines branches universitaires), les apprentis automobilistes, la garantie locative, l’indemnisation des commerçants lors des travaux de voirie, la répétibilité des frais d’avocat, etc.

Selon Jef Van Langendonck, professeur émérite en droit de la Sécurité sociale, aucun niveau de pouvoir ne serait épargné par ce « bourbier législatif » (sic).

Ce spécialiste de la KUL pointait récemment du doigt l’article 191 de la Sécurité sociale qui, en 14 ans, a fait l’objet de... 93 modifications.

L’origine de cet imbroglio ? L’influence omniprésente des attachés de cabinet « qui se prennent pour l’administration ou pour un service d’études : un mal bien belge. » selon un autre éminent universitaire, Christian Valenduc, économiste au Service d’Etudes du SPF Finances, professeur à l’UCL (Fopes) et aux FUCAM.

Le Parlement fédéral avait bien décidé de mettre en place un Comité chargé de suivre et d’évaluer le travail législatif mais la « créature » n’a jamais vu le jour :
« La loi qui le crée a été trop mal conçue pour être appliquée » relève Francis Delpérée en personne !

Trois exemples illustrent cette situation désastreuse :

  • Le 15 mai 2007, une loi a été votée qui devait permettre l’indemnisation des victimes d’erreur médicale. Il ne manquait plus qu’un arrêté royal pour qu’elle entre en vigueur. Mais voilà, le groupe de travail chargé de concocter ledit arrêté a estimé que le principe d’une « indemnisation sans faute », voté par le Parlement, devait être amendé. La loi française, en vigueur depuis 2002, semblait davantage convenir à la problématique. Celle-ci permet en effet une action en justice pour obtenir une indemnisation, s’il y a erreur médicale manifeste. Résultat : la loi 2007 est caduque avant son application. Elle sera revue et modifiée dans les mois, ou les années, qui viennent.
    L'indemnisation de l'erreur médicale en France

  • De nombreuses plaintes ont été introduites auprès du Conseil d'Etat contre les épreuves du Selor relatives à la sélection des postes de "Top Managers" dans la Fonction publique. Ces derniers risquent, les uns après les autres, de voir leur nomination remise en cause au Conseil d'Etat.
    Le Premier ministre lui-même, Yves Leterme, s’est cru obligé de tirer l’oreille du patron du Bureau de sélection fédéral pour la manière dont il a organisé l'épreuve destinée à désigner le responsable de sa Chancellerie. Ce dernier risque aujourd'hui l’annulation de sa nomination !

  • Plus grave, les arrêtés royaux qui sanctionnent la vente de Fortis à BNP Paribas ont été signés à la sauvette par le Roi, quelque part en Inde. Ils sont suspectés d'irrégularités pour une question de délai et/ou d'erreur de procédure.
    Comme dans Tintin ou Maigret, deux héros "belges", les textes officiels et leurs projets ne concordent plus : une main anonyme et gantée a apporté au texte une modification qui laisse perplexe...

Fortis : des arrêtés signés sur un tarmac

On le constate, l’Etat belge se trouve entre de bonnes mains.

Source : Le Vif du 28 novembre 2008

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