L’anglais : une seconde langue indispensable - 27 septembre 2008

A l’heure où des responsables universitaires flamands plaident pour une plus grande utilisation de l’anglais dans les auditoires et ou les Néerlandais, au nord de Breda et de Maastricht, vous répondent dans la langue de Shakespeare quand vous leur parlez en flamand, certains francophones croient, bien à tort, que le bilinguisme de leurs enfants, grâce à l’immersion linguistique (un type d'enseignement illégal en Flandre), contribuera à sauver le pays.

Grossière erreur ! Dans une économie mondialisée, l’anglais s’impose, qu’on le veuille ou non, en tant que « common language ».
Parallèlement, les jeunes Flamands mettent à l’honneur leurs patois, redevenus symboles de ralliement identitaire, et utilisent l’anglais plutôt que le français comme seconde langue.

L'Algemeen Beschaafd Nederlands menacé

C’est tellement vrai que le Morgen, quotidien de l’élite culturelle flamande de gauche, a donné une tribune dialectale au romancier Dimitri Verhulst, un auteur populaire d’Outre-Dyle qui vient de publier Godverdomse dagen op een godverdomse bol. Godverdom signifie « Nom de dieu », un juron qui semble avoir poursuivi Baudelaire, lui qui pestait de ne pas pouvoir en trouver l’équivalent français lors de son séjour à Bruxelles et qui, durant son agonie, ne prononçait plus que le mot "Crénom !", soit une traduction possible de "Godverdom !".

Voici un extrait de la prose de Dimitri Verhulst, absolument hermétique pour un visiteur :

Azek in Oilsjt op de mert in iejen van dei kaffeekes veer de zwette maan zit es 't van 't zelfde. Ik bestel ma iet in men a toewel en krijg een antwoord in een slecht gebakken algemiejen beskaufd vlems (note : ABN ou néerlandais cultivé selon le dialecte de Verhulst) verdrom.
Kek, azek in Amsterdam ben en z'antworen main 't Engels, to toewer on toe, dan bennek ondertissen al gewuwen.
Mor mijn meesjen die ma nog ni verstoewen in mijn toewel, da go regelrecht nor 't ert. Dannek ma al miejer dan iejene kiejer em afgevraugd : "oe komt da na, spreken zeir nimmer ze plat gelek me weir vrigger, kinnen ze 't nie miejer, of ligget na toch aan maa en ben ek aal de fenessen gewuwen kwijt gespeldij".
Feit is dannek et kan blijven droewen en kiejeren gelek of dannek et gepeist em, ik bennek ik ne vremdn gewirren in de stroeweten worvan dannek alle naumen em gekost, worin dannek alle meirbollen uit de goten em geskoten, worin dannek mijn iejeste bezen em gegeven en en wordeer dannek men skoolkabassen em gedraugen. Tes dat azu moest zen, uwer ek na iemand in mijn memore ston te fezelen in een toewel me stofkobben op.

Comprenne qui pourra cet engouement francophone pour une langue en voie d’implosion dialectale, à cause du repli sur soi de la Flandre, et un Royaume qui s’évapore.
C’est un peu comme si l’on imposait aux jeunes Flamands d’apprendre le wallon  comme seconde langue ! Avec tout le respect que nous avons pour les langues régionales
Il est vrai que le battage médiatique, notamment sur les antennes de la RTBF, en faveur de l'immersion linguistique est permanent. Ce qui n'empêche pas la télévision publique de manquer de courtoisie en interrogeant les hommes politiques flamands dans la langue de Molière. A croire qu'il n'y a pas de traducteur à la Maison Kafka...

Comme suite à ce préambule, nous publions un article de Jacques Dehaes qui évoque le chantage à l'emploi que constitue la connaisance obligatoire du néerlandais plutôt que de l'anglais.


Bilinguisme français-néerlandais : chantage à l’emploi !

La Flandre se flatte d'avoir, mieux que les Wallons, résolu le problème de l'emploi. Sans doute, mais a-t-on jamais osé calculer l'impact du communautaire sur l'emploi, à savoir l'exigence du bilinguisme dans les administration publiques, dans les entreprises du secteur privé et le commerce en général, à Bruxelles, et même en Wallonie?

C'est par milliers, sans doute, qu'il faut compter les emplois occupés par des Flamands « bilingues ». Sous-produits d'une politique flamande bien rôdée visant à investir au maximum les rouages de la vie publique et du monde des affaires, l'exigence du bilinguisme fait des francophones les victimes d'un véritable chantage à l'emploi.

On nous objectera que les Wallons n'avaient qu'à apprendre le flamand.

C'est peut-être, en partie, vrai. Ne plaidons cependant pas trop vite coupables, car la connaissance du flamand n'est évidemment qu'un prétexte. Ce n'est pas par hasard que, dans notre pays belgo-flamand, la majorité des chefs du personnel, en charge du recrutement, sont flamands et que, à qualité égale, un Flamand sera toujours préféré. En effet, conformément à la « sensibilité flamande », un bon bilingue sera toujours un flamandophone parlant - plus ou moins bien - le français. L'inverse n'étant évidemment pas « acceptable ».

Enfin, face à l'apprentissage de l'autre langue nationale, Flamands et francophones ne sont pas sur un pied d'égalité. En raison du rayonnement de la langue française, de son prestige international, de sa présence importante dans la littérature, la chanson, le cinéma, en raison également de la proximité physique de la France et de ce qu'elle offre, notamment dans le domaine du tourisme, l'acquisition de la langue française représente pour le jeune Flamand une plus-value importante qu'il peut aisément valoriser et entretenir, tant au plan professionnel que privé, en Belgique et à l'étranger.
Au contraire, le jeune francophone, pratiquement sans contact avec la culture néerlando-flamande, n'est pas attiré par elle. Bien plus, il rencontre de plus grandes difficultés pour acquérir et entretenir des notions de flamand, une langue qui connait un moindre rayonnement médiatique.
Cette langue flamande, péniblement acquise, il ne pourra l'utiliser, au mieux, qu'en Belgique, et, à des  degrés divers, dans sa vie professionnelle.
N'oublions pas non plus que le néerlandais classique n'a toujours pas gagné toutes les couches de la population : les Flamands s'expriment encore souvent, et comme à plaisir, de manière patoisante, ce qui aggrave encore les difficultés pour le jeune Wallon de bonne volonté (difficultés que semblent rencontrer également les Hollandais, voire les Flamands entre eux).

Ils sont nombreux aujourd'hui les jeunes Wallons et Bruxellois qui sont réduits au chômage pour la seule raison qu'ils sont francophones et insuffisamment bilingues (français-néerlandais).

Bien sûr, la connaissance des langues est une nécessité qui, à l'heure de l'Europe et de la mondialisation, s'impose de plus en plus, et il faut encourager nos jeunes à apprendre les grandes langues européennes telles que l'anglais, l'allemand, l'espagnol, etc., voire même des langues plus « lointaines ».

En Belgique, les motivations du monde politique dominé et subjugué par les Flamands sont tout autres et dissimulent mal, côté flamand, un objectif de conquête, et, côté francophone, une peu glorieuse démission.

Peut-on admettre que toute une population francophone - wallonne et bruxelloise - soit ainsi dévalorisée et culpabilisée, voire même insidieusement poussée à renoncer à sa langue et à sa propre culture via l'immersion linguistique ?
En effet, combien de jeunes parents francophones ne songent-ils pas aujourd'hui à placer leurs enfants dans l'enseignement flamand ou dans des classes d’immersion linguistique pour « assurer » leur avenir. Un jeux dangereux sur le plan pédagogique, un marché de dupes sur plan politique, puisque la Flandre interdit ce type de "taalbad", mais également une première étape d'une flamandisation intégrale du pays...

L'unilinguisme francophone (note : le R.W.F. prône l’anglais comme seconde langue d’apprentissage) est-il un péché mortel passible de l'enfer du chômage ?

Dans le cadre belge, hélas oui.
Dans une Wallonie, région de France, soyons sûrs qu'il en sera autrement.


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