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La Wallonie française ? - le 9 septembre 2008
Analyse de Jacques Attali publiée sur son blogue
Jacques Attali, l’ancien conseiller de François Mitterand, l’écrivain talentueux et l’économiste perspicace, appelle les autorités françaises à se pencher davantage sur la question belge. Il pointe l'intérêt pour la République d'accueillir les Wallonnes et les Wallons après la disparition de la Belgique.
D’autre part, il a compris que le sort de la Belgique se jouait à Bruxelles et dans sa périphérie et non à Outsiplou. Pour des raisons géostratégiques qui crèvent les yeux.
Un bémol cependant : le statut de district européen qu’il suggère pour Bruxelles.
Il s’agirait d’un statut juridique et politique douteux, sans parler de la viabilité économique d’une ville étouffée par la Flandre…
Une fois de plus, le gouvernement belge est tombé (note : il n’est pas tombé, il est en catalepsie) ; et les partis flamands, lancés dans une surenchère entre eux avant les prochaines élections, avancent des exigences d’autant moins acceptables que, pour beaucoup de Flamands, un refus wallon serait une bonne nouvelle, précipitant la naissance d’un Etat flamand, ni belge, ni néerlandais.
La goutte qui pourrait faire déborder le vase est la question des 6 communes dites « facilités linguistiques » limitrophes de Bruxelles. Elles sont géographiquement incluses en Flandre mais pas linguistiquement : alors Bruxelles est à 85% francophone, les communes voisines le sont aussi ; deux d’entre elles, Linkebeek et Rhode-Saint-Genèse, le sont même à 70 et 88%. Or, les Flamands veulent inclure ces 6 communes dans leur unilinguisme. Cela y entraînerait la fermeture des écoles francophones, quand elles existent, la fin du droit de vote en faveur de partis francophones, et la fermeture des services publics et judiciaires dans la langue de Molière. Déjà, trois bourgmestres francophones de ces communes se voient refuser le droit d’entrer en fonction bien qu’élus au suffrage universel, parce que la Flandre refuse de confirmer le vote. Si les Flamands tentent ainsi d’imposer aux francophones voisins de Bruxelles de vivre en flamand, et considèrent Bruxelles comme leur seule capitale, les Wallons ne pourront l’accepter et cela en sera fini de la Belgique.
La Belgique est un grand acquis de l’Histoire : comment espérer en l’unité de l’Europe si s’effondre celle de la Belgique ? Mais la situation en arrivera peut-être bientôt à un point de non-retour ; et les Wallons, comme les Bruxellois, doivent savoir ce que fera la France s’ils décident de rompre avec la Flandre, ou si la Flandre divorce : soutiendra-t-elle encore une Belgique devenue imaginaire, ou une Wallonie non viable (note : c’est un des meilleurs économistes qui l'affirme) ?
A mon sens, sans faire campagne pour le rattachement de la Wallonie, la France devra bientôt dire publiquement que, si, par malheur, la Belgique venait à se défaire, cela pourrait être de son intérêt d'accueillir la Wallonie et de voir accorder à Bruxelles un statut de district européen, indépendant de la Flandre. Le prix à payer pour la France serait sûrement plus faible que ce que cela lui rapporterait, ne serait-ce que par l’augmentation de ses droits de vote dans les institutions européennes. C’est un beau débat. Qu’il commence !!!
http://blogs.lexpress.fr/attali
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