La Belgique est devenue un problème en soi ! - 29 avril 2008
Regard sur l’actualité de Paul-Henry Gendebien, Président du R.W.F.

Les politiciens flamands sont habiles à se tirer des balles dans le pied. Ils voudraient une grande réforme de l’Etat, ils la sabotent déjà allègrement avec deux questions « périphériques » susceptibles – si les francophones tiennent parole – de faire sombrer prématurément le frêle esquif de M. Leterme (premier et sans doute dernier). Ces deux questions, c’est la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde et  le refus de nommer les trois bourgmestres de Linkebeek, Crainhem et Wezembeek.

A l’heure où j’écris ces lignes, nous ne savons pas encore avec certitude si le nouveau coup de force flamand se produira ou non en séance plénière de la Chambre le 8 mai prochain. Il n’empêche que les récents événements illustrent une fois encore la pertinence de nos démonstrations et qu’ils plaident avec force pour l’unité et la détermination des Wallons et des Bruxellois face au nationalisme flamand.

Décidément, la vie commune n’est plus possible sous le pseudo toit commun, d’autant plus que la loi du nombre tend à devenir la loi tout court. En clair, cela signifie qu’une forme de violence politique préside désormais notre vie publique.

Une fois de plus, ceux qui avaient eu la naïveté de croire que le Belgium, grâce à Verhofstadt III d’abord, Leterme Ier ensuite, serait capable de rebondir vers des lendemains qui chantent en sont pour leurs frais. L’invraisemblable « brol belge », où le grotesque se marie à merveille avec le médiocre, révèle cruellement sa vacuité : il n’y a plus de projet belge, il n’y a plus de gouvernement belge actif, il n’y a plus d’avenir belge. Seul subsistent le malaise collectif, la malédiction historique, le malheur de toute une population.

De même qu’il y eut les « sept plaies d’Egypte », il y a un jeu des « sept erreurs » commises par le camp des belgicistes.

Erreurs qui se fondent sur de solides préjugés, sur les clichés les plus confortables, sur le politiquement correct qui tient lieu de pensée.


Première erreur : Les « Sages » finiront par nous tirer d’embarras.

Qui sont ces « Sages » ? Un Dehaene est redevenu flamingant, d’autant plus que lorsqu’il était bourgmestre de Vilvorde, il fit voter par son conseil communal un « wooncode » (code du logement local) antifrancophone.

Van Rompuy ? Aussi fanatique que Leterme, mais simplement plus rusé et plus policé en apparence.

Mark Eyskens ? Il n’est que le fils de son père et n’a plus rien à dire dans son parti. Il ne sert qu’à endormir le pigeon quand il se produit sur les plateaux francophones.

Aujourd’hui, il n’y a plus de « Sages » en politique « belgo-belge », pour l’évidente raison que la non-nation belge est structurellement impuissante à en produire.

Si des « Sages » existaient, cela se saurait et cela se verrait. Car ils auraient dégagé des avancées substantielles pendant les trois mois d’existence du gouvernement Verhofstadt III.

Oui, si des « Sages » existaient, cela signifierait que, dans ce pays, le sens de l’Etat serait supérieur aux intérêts partisans et aux rapports de force inter-communautaires.


Deuxième erreur : Le Premier ministre est un « asexué linguistique ».

Cette histoire belge n’a qu’un seul but : cacher le fait qu’il n’y a, dans les faits, plus de véritable Premier ministre belge, au-dessus de la mêlée.

Depuis longtemps, nous annonçons qu’il n’y aura plus de Wallon au poste de Premier ministre. D’ailleurs, c’est la réalité depuis 1973.

Rappelons une fois de plus que depuis 1945, soit depuis 63 ans, il n’y eut que quatre Wallons à occuper la fonction : Duvieusart (1950), Pholien (1950-1951), Harmel (1965-1966) et Leburton (1973-1974).

Et pour une période totale inférieure à 5 ans !

Raison de plus pour constater que le Belgium n’est plus et ne peut plus être la patrie des Wallons.

Aujourd’hui, M. Leterme est dans l’incapacité absolue de se comporter en Belge car il agit d’abord et avant tout en notaire des intérêts flamands. N'oublisons pas que son résultat électoral vient de ce qu’il s’est profilé exclusivement en « bon Flamand ».


Troisième erreur : Le CD&V n’est que le prolongement du vieux CVP.

Faux. Le CD&V est dirigé par une nouvelle génération, qui s’éloigne à grands pas de la Belgique et de la monarchie. Elle préfère s’aligner sur le mouvement national flamand plutôt que sur ses alliés de la bourgeoisie chrétienne wallo-bruxellloise. Le CD&V ne se contente pas de son alliance avec la N-VA. Il a recruté directement des parlementaires issus de l’ancienne Volksunie, tel le Limbourgeois Johan Sauwens, célèbre pour avoir cautionné par sa présence un banquet d’anciens du Front de l’Est.


Quatrième erreur : Sa nouvelle fonction va « améliorer » Yves Leterme…

Toujours disposés à l’optimisme de commande, certains journalistes ont voulu croire ou nous faire croire que M. Leterme allait bientôt se transformer en « homme d’Etat belge. » L’ex- « homme dangereux » deviendrait bien vite méconnaissable. La preuve ? N’avait-il pas furtivement serré la main de Bush à Bucarest ? N’avait-il pas reçu l’équipe du Standard de Liège dans son bureau ?

Un certain nombre de francophones, comme à l’accoutumée, étaient prêts à voir un grand rayon de soleil dans un pâle éclat de lune blafarde.
Le comportement de M. Leterme, pourtant, fut misérable tout au long des trois derniers jours : incapable de prévoir et de contrer le nouveau coup de force de son propre parti, il se réfugie derrière l’indépendance du Parlement pour refuser de prendre ses responsabilités. M. Leterme est tout, sauf un chef.

Osons dire tout haut ce que pense une immense majorité de citoyens : M. Leterme se révèle comme un politicien de province, intellectuellement souffreteux et politiquement schizophrène. En effet, pénitent par devoir, il se croit obligé de « faire le Belge » sans y croire alors qu’il n’est que l’homme de main du mouvement flamand.

Au mieux, il aura tout de même servi à démontrer par l’absurde l’impossibilité de la belgitude.


Cinquième erreur : Les partis francophones ont retenu les leçons du passé.

C’est le contraire qui est vrai. Les Flamands finissent toujours, même s’ils doivent y consacrer beaucoup de temps, à tenir leurs engagements.

D’ailleurs, les partis flamands n’ont pas oublié les gémissements et les cris d’orfraie poussés par les chefs de partis francophones en novembre 2007, à l’issue du vote brutal sur BHV en commission de l’Intérieur de la Chambre. Ils pensent que cette fois encore les Milquet, Reynders et autres Di Rupo, après quelques grognements, finiront par se ranger et se calmer pour rester au pouvoir.

On verra bien cette fois-ci si M. Maingain est porteur d’un destin ou s’il n’est qu’un résistant en peau de lapin.


Sixième erreur : La politique de l’apaisement est productive.

Non, car c’est le contraire qui est vrai. L’apaisement voulu par les Bruxellois et les Wallons n’est qu’un leurre. Il n’a pour effet que d’exciter l’appétit du nationalisme flamand. Comme après les lois linguistiques de 1963, après l’affaire de Louvain/Leuven, après les lois liberticides de 1988 sur les Fourons, après les concessions lourdes des accords de la Saint-Polycarpe, c’est toujours le même processus qui s’engage au Nord du pays : « Quelle nouvelle étape pouvons-nous franchir pour émanciper davantage Mère Flandre ? »

Sachons-le bien : la faiblesse augmente la faiblesse, la lâcheté encourage la lâcheté, l’indignité devient une habitude.

Combien de temps encore devrons-nous subir ce comportement de nos prétendues élites ?


Septième erreur : La loi est la loi et elle doit s’appliquer aux trois bourgmestres francophones de la périphérie.

Le gouvernement flamand refuse de nommer les trois bourgmestres sous le fallacieux prétexte qu’ils auraient violé la loi en convoquant les électeurs en français.

Mises au point : ces trois bourgmestres sont d’excellents bilingues. Les convocations aux élections communales ont été adressées en néerlandais aux électeurs flamands, en français aux francophones. La loi électorale fédérale et les lois linguistiques fédérales ont été respectées. Certes il y eut non-respect d’une circulaire du gouvernement flamand, mais il n'était pas compétent en la matière.

Le conflit oppose donc deux conceptions du Droit, qu’aucune instance juridictionnelle belge ne veut ou ne peut traiter. L’Etat de droit n’est plus. L’espace juridique commun est en situation de coma prolongé.
Ceci annonce la fin de l’Etat lui-même.


En conclusion, la survie du gouvernement Leterme est menacée par divers missiles puissants :

  • M. Leterme lui-même, ennemi de M. Leterme
  • son propre parti, fanatisé par les partis nationalistes rivaux
  • le gouvernement régional flamand dirigé par Kris Peeters qui n’a que faire de l’Etat belge et où siègent des personnages aussi déterminés que Geert Bourgeois et Bert Anciaux, impatients de dépecer au plus vite ce qui reste de pouvoir fédéral.

Aujourd’hui, l’affaire BHV (Belgium High Voltage) est reportée à la semaine prochaine. Dans tous les cas de figure, l’été politique sera torride et tumultueux.

Quant aux « vrais problèmes » - comme ils disent – ils s’en battent l’œil.
Ce que nos Ministres ne voient pas, hélas, c’est qu’ils sont eux-mêmes une addition de problèmes et que la Belgique en est un.
Et de quelle dimension !!!


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