Echos de Flandre - février 2008

La revue de presse flamande par Jean-Paul Roos
Revue Wallonie-France n° 77

La Belgique de demain...

Les francophones acceptent désormais l’idée qu’une réforme en profondeur de l’Etat est inéluctable ; certains vont même jusqu’à accueillir avec enthousiasme la note de Guy Verhofstadt, qui fait pourtant la part belle aux revendications du nord. Ces discours accommodants nourrissent immanquablement les rêves flamands. Ainsi, dans un article paru à la mi-janvier, Gazet van Antwerpen essaie d'imaginer les répercussions qu'une réforme de l'Etat pourrait avoir sur la vie quotidienne, sur "les vrais problèmes des gens".

Dans le domaine de l'emploi, la Flandre pourrait dorénavant fixer elle-même la durée maximale du versement des allocations de chômage, en déterminer le montant, ainsi que les critères de suspension des chômeurs. De nouvelles règles pourraient être instituées pour les préretraites, pour les crédits d'heures et les interruptions de carrière, et l'âge de la retraite pourrait être modifié. Si la concertation sociale était régionalisée, l'évolution des salaires pourrait être différente en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles. 

Sur le plan fiscal, la petite marge de manœuvre dont disposent aujourd'hui les régions serait considérablement élargie. La Flandre pourrait instituer des centimes additionnels ou soustractionnels tant pour l'impôt des personnes physiques que pour l'impôt des sociétés (« ce qui n'est pas du goût de Bruxelles et de la Wallonie, qui craignent une concurrence fiscale », ajoute le journaliste) et influencer ainsi le pouvoir d'achat. 

En matière de sécurité sociale, on ne toucherait pas aux cotisations des employeurs et des travailleurs. Les recettes resteraient donc une compétence fédérale ; du côté des dépenses, en revanche, il pourrait y avoir des différences, par exemple, pour les allocations familiales, les allocations de chômage, les remboursements de l'assurance-maladie, voire les pensions. 

Au chapitre de la mobilité, la sécurité routière pourrait être régionalisée ; les limitations de vitesse pourraient donc être différentes selon les régions. Il en irait de même pour la limite tolérée de l'alcoolémie au volant, les épreuves pour l'obtention du permis de conduire, la signalisation routière, etc. 

Pour ce qui est de la justice, enfin, la législation sur les loyers serait régionalisée, avec pour conséquence des différences entre les régions dans la protection des locataires et des propriétaires. Chaque région disposerait en outre de son propre droit pénal pour les délinquants mineurs.

Qui osera encore prétendre que les problèmes institutionnels sont à mille lieues des préoccupations des gens ? Qui ne voit que la Flandre veut couper tout lien de solidarité avec les francophones et ne garder la Belgique que pour avoir un droit de regard sur Bruxelles (et entretenir les fantasmes de certains sur la reflamandisation de la ville).

… et d’après-demain

On le sait, les revendications de la cinquantaine d’associations qui constituent la nébuleuse du Mouvement flamand se retrouvent bien vite dans le programme des partis flamands radicaux, puis, quelques années plus tard, dans celui des partis traditionnels et, enfin, peu de temps après, sur la table des négociations. On aurait donc grand tort de ne pas prêter attention à ce qui se passe dans des partis comme la NVA, Spirit, Lijst De Decker ou même le Vlaams Belang (ne serait-ce que parce que ces partis représentent près de 40 % de l’électorat flamand).

Il n’est donc pas sans intérêt de connaître le point de vue de l’étoile montante du Vlaams Belang, Bruno Valkeniers, qui devrait présider, à partir de mars, aux destinées du parti raciste flamand (interview accordée au journal De Tijd le 19 janvier).

Né à Bruxelles d’une mère qu’il qualifie de Flamande francisée, il a travaillé plus de 25 ans dans une grosse entreprise du port d’Anvers. Pourquoi est-il candidat à la présidence du Vlaams Belang ? Pour réaliser mon rêve de pouvoir fêter un jour l’indépendance de la Flandre, déclare-t-il sans ambages.

Craignant que les discussions en cours ne débouchent une fois de plus sur rien, il propose de mettre sur la table un plan B, c’est-à-dire de négocier de communauté à communauté sur les choses que nous voulons éventuellement encore faire ensemble. Je me rends bien compte que ces négociations auront un prix, dit-il, mais ce prix, il ne faudra le payer qu’une seule fois, convaincu qu’il est, comme la majorité des Flamands, que rien n’est possible dans ce pays sans d’importantes concessions de la Flandre.

Il relève que nombre de patrons flamands sont favorables à l’indépendance de la Flandre. Il en veut pour preuve que le manifeste du groupe In de Warande a été signé par plusieurs chefs d’entreprise importants. Et il y en a des dizaines qui n’ont pas signé par peur des conséquences économiques, ajoute-t-il. Mais parlez avec eux : tous sont d’accord pour estimer qu’il n’est plus possible de continuer comme aujourd’hui. « S’il le faut, franchissez le prochain pas », disent-ils.

La prochaine étape serait-elle le confédéralisme ? Il rappelle que le confédéralisme n’est pas le prélude à l’indépendance, mais qu’il en est la conséquence, qu’il doit être construit du bas vers le haut, entre entités indépendantes. Il en revient donc à sa proposition de négocier de communauté à communauté.

Et Bruxelles ? Il reconnaît qu’il y a belle lurette que Bruxelles a échappé au Mouvement flamand, ce qui ne l’empêche pas d’affirmer dans la foulée : L’avenir de Bruxelles est en Flandre. Il envisage deux formules possibles : une ville bilingue dans une Flandre indépendante ou une ville européenne sur le modèle de Washington DC.

Et si Bruxelles optait pour la Wallonie ? Impossible, selon lui. Bruxelles se trouve là où elle se trouve : insérée dans la Flandre, même si les Bruxellois se prononçaient pour une alliance avec la Wallonie. Bruxelles ne peut pas déménager : elle est en territoire flamand.

Le Vlaams Belang est-il un parti nationaliste flamand ou un parti hostile aux étrangers ? Très clairement un parti nationaliste flamand, répond-il. Mais il ajoute aussitôt : Mais cela a des conséquences. La Flandre est un Etat en devenir, avec sa propre langue et une très vieille culture, influencée par des valeurs humanistes chrétiennes occidentales. Cette langue et cette culture, nous voulons les conserver. C’est pourquoi nous disons que l’immigration de masse sans intégration, assimilation ou adaptation est néfaste.

Ces prises de position sont-elles le fait d’une minorité  d’extrême-droite (plus de 20 % de l’électorat, tout de même) ? Que nenni !

Le Mouvement populaire flamand (Vlaamse Volksbeweging - VVB), une des innombrables composantes du Mouvement flamand, a depuis peu un nouveau président en la personne de l’historien de gauche Eric Defoort.

Le nouveau président a une ambition : débarrasser le Mouvement flamand de l’image de droite qui lui colle à la peau, estimant que cette image lui est nuisible. Le style « België barst » ne relèvera bientôt plus que du folklore, affirme-t-il.

Rappelant que le Vlaamse Volksbeweging (qui compte la bagatelle de 6000 membres répartis dans une centaine de sections) s’est fixé pour but l’indépendance de la Flandre, il déclare que son association veut être pluraliste, regrouper tous les sympathisants de la cause flamande (« alle Vlaamsgezinden »), s’ouvrir à tous les partis, fermer la porte à toute récupération belgiciste et être une organisation qui prône l’indépendance.

Le répétera-t-on jamais assez ? Les francophones, en s’enfouissant la tête dans le sable pour ne pas voir ce qui crève les yeux, préparent leurs capitulations de demain et se résignent à être des citoyens de seconde zone. Et pourtant, on connaît l’antidote à ce poison qui « corrompt les sens et la raison » de nos concitoyens …

"Le roi se meurt" 

Le 11 février, De Standaard annonce, sur toute sa première page, que, pendant la crise du deuxième semestre de 2007, le roi a défendu l'idée d'une circonscription fédérale et a demandé au CD&V de lâcher la NVA. 

A cette occasion, Peter Vandermeersch, le rédacteur en chef du journal, a rédigé un éditorial féroce, dont le titre, "Albert, la marionnette royale", donne une idée du mépris que suscite la monarchie en Flandre. 

Peter Vandermeersch commence par affirmer que, pendant la crise politique, le roi et son chef de cabinet, Jacques Van Ypersele de Strihou, n'ont jamais eu prise sur les événements. L'image qui émerge de la reconstitution de ces longs mois est, dit-il, une image d'impuissance. Retranchés derrière les murs de Laeken, le roi et son entourage ont subi la crise, à certains moments terrifiés par son dénouement, se cramponnant tantôt à Reynders, tantôt à Van Rompuy, tantôt enfin à Verhofstadt. 

Un des symptômes de cette impuissance royale est le fait que, depuis quelques mois, la discrétion qui entoure habituellement le colloque singulier n'est plus respectée. Pire encore : lors de la formation du gouvernement Verhofstadt III, Albert II a été parmi les derniers à être informé de qui occuperait quel poste ministériel. 

Et pourtant, il serait inexact de dire que le Palais est resté passif : le roi a essayé de défaire le cartel CD&V-NVA et il s'est opposé à l'entrée des socialistes dans le gouvernement. 

Mais il n'a jamais véritablement exercé de poids. Cela montre à quel point le Palais est faible et impuissant. En temps normal, le roi fait office de notaire du consensus de l'élite politique. Or, ce consensus n'existe plus. Il apparaît alors - fort heureusement - que le pouvoir de la monarchie est très limité. Et il ne reste plus guère que l'image assez pitoyable d'un vieillard (aidé d'un autre vieillard issu d'un passé qui n'existe plus) se lamentant parce qu'il veut partir en vacances et à qui son valet de chambre n'apporte même plus son petit verre de porto. 

Dans la pièce d'Ionesco, le pays ne résiste pas à la disparition de Bérenger Ier …

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Les Flamands et les Wallons portent un regard totalement différent sur la publicité, selon les conclusions d’une étude de l’agence de publicité McCann Erickson rapportée par le quotidien gratuit Metro. Les francophones aiment les publicités qui jouent sur l’émotion et font appel à l’imagination, alors que les Flamands préfèrent la communication rationnelle et directe. Il est donc rare, conclut l’agence, qu’une campagne soit aussi efficace en Wallonie qu’en Flandre.


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