La « Belgique française » de Ducarme : sur les pas de Jean Gol et Louis Michel

Le Soir – La Libre – Libération – 15 décembre 2007

Daniel Ducarme : le premier des trois pas ...

L'ancien président du MR et Ministre Président de la Région de Bruxelles-Capitale Daniel Ducarme, qui s’est sans doute souvenu de son passage au Rassemblement wallon, estime qu'il est temps « d'anticiper l'avenir francophone » et plaide, dans Le Soir, La Libre Belgique et Libération, pour un renforcement des Régions - et de Bruxelles en particulier -, sans quoi il faudrait militer pour « un système d'association avec la France ».

Et de conclure « dans l'hypothèse où la Flandre freinerait ce dessein régional et continuerait à faire se dégrader les rapports nord-sud, alors « je militerai en faveur de la création d'un système d'association avec la France ».

Jean Gol, Wallon et Français de coeur !

Dans son livre « Splendeur de la Liberté » (Quorum, 1999), Paul-Henry Gendebien, Président du R.W.F., a évoqué son dernier entretien avec Jean Gol (1942-1995), ténor du parti libéral dans les années 80 et 90, et « père spirituel » de l’actuel Président du MR, Didier Reynders :

« Quand Jean Gol était de bonne humeur, et il l'était autour de cette petite table, son rire était communicatif et chaleureux.

Nous en vînmes à nos affaires. Je le félicitai d’avoir vu tout l'intérêt de répandre chez nous le concept de «nation francophone», réduit ensuite par son parti à celui d'«espace francophone» avant d'être passé sous silence. Il me fit entendre que dans son chef l'idée de nation francophone n'était pas un slogan. Il m'avoua qu'il ne croyait plus à la nation belge ni même à l'Etat. Un long éloignement du pouvoir avait à nouveau aiguisé son esprit critique et surtout, il avait été ulcéré par les « avancées » du nationalisme chez les libéraux flamands, auxquels s'étaient d'ailleurs rallié l'une des ailes marchantes de la Volksunie.

Manifestement, le virus de la séparation avait atteint le libéralisme flamand. Il était clair désormais que l’aile libérale belge n'avait plus le droit de s'appeler ainsi dès lors que son versant flamand se mettait à réclamer, lui aussi, la scission de la sécurité sociale, de la dette publique et de la fiscalité.

Je fis valoir que si l'hypothèse d'un retour au pouvoir se précisait à nouveau pour lui, il lui faudrait en l'occurrence gouverner la Belgique avec M. Verhofstadt (ndlr : très flamingant à l’époque) et ses amis. Et j'ajoutai : « Veux-tu vraiment encore gouverner la Belgique ? » Réponse un peu sibylline : « Plus rien ne sera comme avant. Préparons l'avenir ! » Plus que jamais, ses yeux étaient emplis de malice.

Ce qui me frappa alors dans cet entretien avec l'ancien ami-ennemi (ndlr : le départ de Jean Gol du Rassemblement wallon présidé par Paul-Henry-Gendebien), ce fut la sympathie sans façons des retrouvailles. En nous-mêmes, nous n'ignorions pas nos diver­gences considérables. Cependant l'éloignement que nous avions commencé de prendre par rapport à nos passés res­pectifs et peut-être même en regard des choses du pouvoir, l'amour commun que nous n'avions jamais cessé d'éprou­ver pour la France et cela depuis notre jeunesse et enfin, la grâce d'un lieu à la fois historique et désuet aussi légère­ment et intimement parisien que ces jardins du Palais-Royal, tout cela nous fut donné par un hasard qui fit bien les choses et, heureusement, puisque souvent ce sont les derniers souvenirs qui demeurent.

Je lui sus gré de sa confiance, que je n'aurais pas révélée si le destin qui le frappa trop tôt ne nous avait pas privés de sa perspicace et vivante intelligence. Ainsi m'avoua-t-il qu'il ne croyait plus en l'avenir de l'Etat belge. Il m'exposait cela sans esprit de vindicte ni de regret résigné, avec une séré­nité qui me surprit. Il semblait encore hésiter à me livrer soit une évidence lumineuse soit une confidence encore secrète. Je le laissai donc parler. C'est alors qu'il ajouta, et ceci compta, ce que j'avais déjà deviné sans difficulté : à savoir qu'il pensait que notre avenir, à nous autres Wallons et Bruxellois, serait français. Dans quelles circonstances, sous quelle forme, à quelle date ? Nul ne pouvait encore le conjecturer avec précision, sinon par une hardiesse exces­sive et prématurée. »

Louis Michel, Français par défaut ?

Le R.W.F. ne résiste pas au plaisir de rappeler également une déclaration francophile (extrait du Figaro du 28/10/1996) de Louis Michel, ancien Président du MR et actuel Commissaire européen par intermittence, avant que l’appétit du pouvoir ne lui fasse manger cette profession de foi politiquement non rétributrice :

- Quelle est votre attitude en face de cette idée folle du rattachisme dont tout le monde parle aujourd'hui dans la communauté wallonne ?
- Je n'ose plus dire que le rattachisme soit une idée folle. Si l'espace francophone ne devient pas une réalité, si le séparatisme est inéluctable, alors les Wallons diront : je préfère être Français plutôt que Wallon. Moi, personnellement, si je dois choisir entre être Wallon dans un Etat socialiste ou être Français, je préfère devenir Français.

Louis Michel poursuit en précisant :

Entre un Etat wallon replié sur lui-même et la France, je choisis la France car la Wallonie c'est un cul-de-sac économique, social, culturel. (ndlr : le R.W.F. ne partage pas cette analyse pour le moins sommaire...).
L’interview se termine sur ces mots de Louis Michel :
- Croyez-vous que la France accepterait de récupérer ainsi les francophones belges?
- Nous avons des contacts avec Paris et je suis sûr que Paris ne ferait pas longtemps la fine bouche.

Conclusion : Daniel Ducarme, et son idée de « souveraineté-association » avec la République, se trouve presque en phase avec celle de ses parrains en politique, même si Louis Michel, par pur opportunisme carriériste, l'a mise sous l'éteignoir. Quant à Olivier Maingain, Président du FDF, nous le laissons seul, face à sa conscience.


© R.W.F. Dernière mise à jour le samedi 28 août 2010 - Ce site est le seul officiel du R.W.F.