Paris Match Belgique – 6 décembre 2007
Entretien avec Jean-François Kahn (extraits)

Essayiste, fondateur et directeur du journaliste, Marianne, Jean-François Kahn commence enfin à comprendre ce qui se passe en Belgique…

Paris Match Belgique (entretien : Frédéric Loore). Après six mois de négocia­tions, le pays est dans l'impasse. Dans la presse française d'une manière générale - et aussi dans Marianne - l'éclatement de la Belgique apparaît désormais comme un scénario possible, en l'occurrence celui du pire. Quelle est votre analyse ?

Jean-François Kahn. Ce serait de fait le pire des scénarios. A l'instar de l'éclatement de l'ex-Yougoslavie, les conséquences seraient désas­treuses. Pour la Belgique d'abord ; pour l'Europe ensuite. Comme ce fut le cas dans les Balkans, cette explosion se ferait sur une base ethnolin­guistique et constituerait une formidable régres­sion, car elle ferait resurgir les concepts de pri­mauté du sang, du sol et de la langue. Des concepts que l'Europe s'efforce de remplacer par ceux qu'inspirent les valeurs humanistes. (ndlr : L’Europe de la mondialisation, des délocalisations, des quotas agricoles, de la directive Bolkenstein, sans doute ?)

(...)

Vous évoquez le statut de Bruxelles. Voyez-vous la capitale transformée en district fédéral européen comme d'aucuns le projettent?

Si jamais la Belgique devait éclater, ça me semble être la seule solution envisageable. Faute de quoi, toute proportion gardée, le statut de Bruxelles deviendrait comparable à celui de Jérusalem. Vous verriez s'affronter durement la logique du sol et celle de la langue.

Cet affrontement a déjà commencé...

C'est ce que j'observe. Je m'étonne d'ail­leurs de voir à quel point les Flamands peuvent être radicaux. Pour reprendre l'exemple des Kosovars, là où ils invoquent le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes aux fins de justifier leur indépendance, les Flamands vont plus loin si j'ai bien compris. Puisqu'ils enten­dent imposer leurs vues dans les endroits où il y a pourtant une majorité francophone, non ?

Ce raidissement des positions flamandes, le per­cevez-vous au travers de vos contacts avec le personnel politique belge ?

J'ai toujours entretenu des contacts avec l'ensemble des représentants politiques belges. Mais aujourd'hui, j'en conserve uniquement avec les francopho­nes. Je perçois mon incapacité à parler le néerlandais comme un obstacle. Quant au raidissement dont vous parlez, je le ressens éga­lement. Il y a six mois, je me trou­vais à Anvers. En parlant avec les gens, j'ai eu le sentiment que cer­taines personnes se vivaient comme des exilés de l'intérieur (sic) ! Et ça, c'est nouveau pour moi.


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