Regard sur l'actualité politique de Paul-Henry Gendebien
27 novembre 2007

Paradoxe dramatique : sauver la Belgique en la dépeçant !

Chaque journée de pseudo négociations « orangistes » enfonce un clou supplémentaire dans le cercueil belge. Fidèles à leur cahier revendicatif de 1999, les partis flamands s’activent non pas à construire un quelconque projet pour l’avenir de l’Etat belge mais à « achever », à l’étouffée, un pays qu’ils n’aiment plus. Qu’on ne s’y trompe pas : la nouvelle génération politique flamande est largement « débelgifiée ». Les Geert Bourgeois et autres nationalistes présents dans les trois formations traditionnelles ne se laisseront plus fléchir par des compromis auxquels l’ancienne Volksunie finissait par se rallier. Ces Messieurs ont déjà un pied hors de la Belgique et le peuple flamand les soutient, comme on s’en apercevra au scrutin régional de 2009 pour autant que des élections se déroulent encore dans un cadre belge…

Nous l’annonçons depuis des années en nous fondant sur des analyses rigoureuses : un Etat émergent tel que la Flandre ne peut pas cohabiter indéfiniment avec un Etat agonisant. Refusant nos avertissements répétés, la classe politico-médiatique francophone s’est voulue belgiciste jusqu’à l’absurde. Aujourd’hui, voici nos dirigeants dépourvus de stratégie, de vision, de volonté. Quoi qu’ils fassent pour sortir de leur labyrinthe infernal, ils n’échapperont pas au plus dramatique des paradoxes : pour sauver une Belgique qui demeure leur seul et indépassable horizon, ils sont contraints d’accepter la « technique du salami » imposée par la Flandre, à savoir de dépecer de nouvelles compétences régaliennes de l’Etat central.

Le temps des monologues de sourds est arrivé. Les contradictions produites par notre conflit de nationalités sont telles qu’un gouvernement fédéral actif n’est plus possible en raison même de ces contradictions fatales. Rappelons-les brièvement.

  1. Pour les partis flamands, il n’y a aucune différence entre l’institutionnel et le socio-économique. Pour eux, c’est justement au nom des « vrais problèmes des gens » qu’il convient d’obtenir de nouvelles avancées autonomistes. Et c’est au nom de la cohérence gestionnaire qu’ils exigent des blocs de compétences homogènes.

  2. La Flandre et la Belgique francophone affichent des interprétations divergentes du droit, notamment en ce qui concerne le statut des communes à facilités. Le rétrécissement de l’espace juridique commun et les atteintes à l’Etat de droit conduisent à l’obsolescence de l’espace politique commun, prélude à la partition.

  1. En Flandre, l’interface dynamique et permanent qui unit la société civile et la société politique engendre un projet à la fois national et sociétal. Après une phase culturelle et une phase politique, le mouvement flamand opère aujourd’hui une convergence avec le monde des affaires. C’est la phase économique de l’émancipation flamande. L’objectif est clair : c’est la Flandre elle-même qui doit organiser sa propre adaptation aux défis de la mondialisation dès lors que l’Etat belge est jugé inapte à y répondre lui-même. Il va de soi que la Wallonie pense le contraire.

La conséquence évidente de ces contradictions fondamentales, c’est que l’échec menace n’importe quelle formule gouvernementale, qu’il s’agisse de l’orangisme, de la tripartite, de Verhofstadt III ou encore d’une équipe de faux sages ou de vrais « hommes en colère »… Et c’est aussi une illusion de penser que tout irait mieux sans la N-VA, ou grâce à une rupture du cartel CD&V-NVA, car elle donnerait immédiatement naissance à un autre cartel nationaliste encore plus puissant.

L’autre illusion francophone est de raisonner comme s’il existait encore un CVP qui aurait seulement changé de nom. L’ancien CVP n’est plus. Le vieux « parti du trône et de l’autel », pilier de la monarchie et du royaume, est mort. A preuve, les initiatives du Roi sont désormais contrariées. Il y a quinze jours, un communiqué du Palais Royal demandait un gouvernement dans un délai rapproché ainsi que l’instauration d’une convention institutionnelle. C’est un double échec.

Quant au contentieux communautaire lui-même, il s’est lourdement aggravé depuis six mois, dans un climat de méfiance encore plus orageux. L’arrondissement électoral BHV, la (non)nomination des trois bourgmestres, les nouvelles contraintes annoncées à l’encontre des écoles primaires francophones de la périphérie, voilà autant de bombes à retardement et à fragmentation.

Se croyant obligés d’encaisser des gifles à répétition pour sauver leur Belgique, les partis francophones orangistes deviennent pathétiques. Leurs gesticulations querelleuses démontrent que le front des francophones n’était pas fondé sur une véritable stratégie. Ce n’était qu’un faux-semblant à vocation publicitaire et électoraliste.

Il faudrait avoir le courage de le reconnaître : s’il n’y a pas de stratégie ni d’union francophone, c’est parce qu’il n’y a pas de consistance nationale ni de véritable société politique wallo-bruxelloise. Mendier la charité politique à la Flandre au nom d’une belgitude dépassée constitue un leurre. La dégradation accélérée de la crise de régime en crise existentielle imposerait plutôt des réunions immédiates de nos Parlements régionaux à Namur et à Bruxelles. Qu’ils débattent de l’avenir de nos populations et se concertent ensuite pour assumer leurs convergences.

Les Wallons, mais aussi les Bruxellois, ont besoin à tout prix d’un Etat respecté et responsable, qui ne peut plus être l’Etat belge. Ils ont besoin, tout autant, de retrouver le sens de l’Etat, les valeurs citoyennes et donc républicaines, la cohésion nationale qui serait le socle d’une société politique digne de ce nom.

Cette cohésion, ces valeurs, cet Etat, c’est dans le cadre de la République française que nous pourrions les obtenir, et nulle part ailleurs.


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