Carte blanche de Suzanne de Lannoy, avocate :
"Ceci n’est peut-être pas une fiction"
Le Soir - 23 novembre 2007

ndlr : un docu-fiction supplémentaire probablement téléguidé par le Cdh mais très pédagogique au sujet d’une certaine stratégie du mouvement flamand.

Suzanne de LANNOY - Le présent document est parvenu par erreur sur mon fax. Les noms des émetteurs et des destinataires n’étaient pas précisés. Une rapide enquête a cependant permis de conclure qu’il s’agirait d’une note secrète adressée par un coordinateur des politiques « nationalistes » flamandes à ses membres. Je l’ai traduite en français et je l’ai envoyée au Soir.

« Geachte Collegas,

Comme nous en étions convenus lors de notre dernière réunion, je vous fais rapport sur l’état d’avancement de notre stratégie destinée à doter notre futur Etat flamand des meilleurs atouts en vue de la proclamation de notre autonomie.

1. Je m’attarderai particulièrement sur notre préoccupation actuelle, qui porte sur le meilleur moyen de nous approprier définitivement Bruxelles. Il est clair que nous ne pouvons avancer à visage découvert. Nous devons adopter un double langage, qui nous permettra d’engranger des accords définitifs sur des points essentiels… sans que cela n’apparaisse fondamental aux yeux des francophones.

Ainsi, BHV a été présentée comme une question « symbolique », alors que la longue absence de gouvernement qui en a découlé laissait apparaître l’enjeu – réel, pour nous – de BHV. De même, afin d’endormir la méfiance des francophones, nous avons laissé dire qu’il ne s’agissait que d’un vote en commission, sans effet juridique réel à long terme. En réalité, cette première étape, la plus difficile (ces « cinq minutes de courage politique »), mènera au vote définitif de cette disposition. La procédure en conflit d’intérêts et la sonnette d’alarme ne feront que retarder le processus, qui aboutira en 2009.

Le gouvernement si péniblement mis en place ne refusera pas d’entériner un vote légal du Parlement.

Le dernier recours serait la Cour constitutionnelle – mais elle sera alors présidée par Marc Bossuyt, lequel a fait des déclarations sur BHV lors de sa nomination, dont on peut tirer toutes les garanties que la Cour constitutionnelle présidée par un Flamand ira dans le même sens que la chambre flamande du Conseil d’Etat pour la périphérie.

Dès que l’uniformité de notre « territoire » sera acquise par le vote définitif sur BHV et la suppression, dans les faits, des facilités, Bruxelles sera en Flandre. Nous proclamerons alors notre indépendance, en 2009, à l’occasion des élections régionales, date à laquelle notre budget sera en équilibre.

Cette situation nouvelle devra être prise en compte par les autorités internationales qui auront à arbitrer le conflit qui nous opposera alors aux francophones quant à l’attribution de Bruxelles à l’une ou l’autre des régions. Nos arguments sont prêts : Bruxelles sera totalement enclavée en territoire flamand ; elle est la capitale de notre région depuis de nombreuses années et est habitée, la journée, à parité entre francophones et néerlandophones : elle doit donc être reconnue au niveau international comme capitale de la Flandre.

Quand ce sera chose faite, nous accorderons aux francophones de Bruxelles des facilités équivalentes à celles de la périphérie, mais avec un délai d’adaptation qui sera clairement limité dans le temps.

2. Le double langage actuel sur BHV est donc clairement destiné à nous assurer les meilleures chances d’aboutir à nos fins. Nos membres le comprendront d’autant mieux que c’est également sur la base de la désinformation que nous avons acquis notre statut d’acteur politique privilégié actuel. Depuis de longues années, nous avons véhiculé des idées fausses sur notre histoire et sur les francophones afin de créer dans la population flamande un sentiment de victimisation, et de fédération contre les francophones, qui fait le lit électoral de tous les partis flamands actuels.

3. Afin d’endormir les francophones sur notre but réel, nous avons lancé le leurre des négociations de l’Orange bleue, alors que la formation du dernier gouvernement fédéral de notre histoire est le cadet de nos soucis… La résistance de Joëlle Milquet n’était pas prévue. Dire « non » comme elle l’a fait était la parfaite attitude à adopter pour bloquer le processus que nous avons engagé. Nous avons tenté de lui faire lâcher prise, en vain. Nous avons donc dû utiliser le plan B, en votant en force la scission de BHV, et en refusant la nomination des bourgmestres de la périphérie, pour fragiliser les facilités appelées, à terme, à disparaître.

Nous prenions ainsi le risque que ces deux coups de force donnent lieu à une réaction de défense des francophones, vis-à-vis de l’étranger, dont il aurait fallu tirer les conséquences, à savoir la séparation de la Belgique à nos torts… et nous aurions perdu Bruxelles.

Cependant, plus de cent soixante jours de négociations de l’Orange bleue avaient épuisé les négociateurs et les observateurs, qui n’y ont vu que du feu. Une petite rumeur lancée dans la presse selon laquelle Didier Reynders et Yves Leterme s’étaient mis d’accord sur le vote de BHV pour écarter la question, a suffi à mettre le feu aux poudres entre MR et PS. Aveuglé par la nécessité temporaire de mettre sur pied un gouvernement fédéral, Didier Reynders fait l’impasse sur les deux coups de force flamands et est prêt à céder sur les réformes institutionnelles.

4. On aborde ici un nouveau point de notre stratégie de désinformation. Nous avons fait croire que la réforme de l’Etat fédéral que nous sollicitions était nécessaire pour renforcer notre Etat fédéral, dans le respect de chacune des communautés. En réalité, nous avons absolument besoin d’un maximum de transfert de compétences de l’Etat fédéral à la Région flamande afin qu’en 2009, notre Région ressemble déjà, légalement, à un quasi-Etat. Ces transferts de compétences nous permettront de transformer la frontière linguistique en frontière d’Etat.

Il n’existe actuellement juridiquement qu’une terre belge, un seul territoire belge. La frontière linguistique ne sert qu’à définir la limite territoriale dans laquelle s’exercent les compétences régionales… Par contre, dès que les compétences de la Région flamande seront majoritaires par rapport aux compétences de l’Etat fédéral, nous pourrons prétendre que ces frontières purement linguistiques doivent devenir des frontières d’Etat. Les frontières d’Etat étant tracées, toute idée d’un référendum populaire organisé par une autorité internationale sera obsolète.

5. Notre stratégie a jusqu’ici été très fructueuse. Mais nous ne devons pas nous voiler la face sur les dangers que nous aurons encore à surmonter.

– Si Madame Milquet devait maintenir son « non », nous perdrions la possibilité de transférer les compétences de l’Etat fédéral vers la Région et, dès lors, de faire valoir, à l’égard des autorités internationales, que la frontière linguistique doit être considérée comme une frontière d’Etat. Un référendum serait alors organisé, notamment dans les communes à facilités et à Bruxelles.

– Si les deux réconciliateurs, MM. Armand De Decker et Herman Van Rompuy, devaient organiser au Parlement un débat ouvert à la société civile et aux experts sur notre histoire réelle et sur la réalité des transferts, et si la presse francophone et la presse néerlandophone donnaient écho à ces débats, la volonté même de sécession disparaîtrait auprès des électeurs flamands…

Tous les indicateurs actuels sont cependant très positifs : rien ne permet de croire que notre manipulation puisse être mise au jour. Je me permets dès lors d’insister pour que vous gardiez parfaitement secret ce P-V d’état des lieux de notre stratégie et vous fixe rendez-vous, victorieux, en 2009. »

Signé : X.


© R.W.F. Dernière mise à jour le jeudi 29 novembre 2007 - Ce site est le seul officiel du R.W.F.