Echos de Flandre – août 2006

La classe politique flamande démocratique n'est ja­mais la dernière à semer la confusion dans les esprits. La revue nationaliste de gauche Meervoud (06­2006) a répercuté les propos inquiétants de la minis­tre flamande CD&V de la Santé Inge Vervotte, une ancienne syndicaliste. À la question de savoir si le Belang était indirectement responsable du double crime d'Anvers, elle a répondu : «Cela dépend de la personne du Belang que tu as en face de toi. C'est pourquoi je trouve que cette question n'est pas évidente. Si les militants du Belang dressent les gens les uns contre les autres, alors, je dis : "Oui, ils en sont responsables". S'ils représentent une canalisation du mécontentement et un appel à affronter les problèmes, je réponds "non" Voilà la différence» Et d'ajouter : «Je ne peux que constater que le Vlaams Belang fait du bon travail à la Commission de la Santé ( …) ils disposent d'une connaissance de terrain. Je me rends compte que nous tombons souvent d'accord à l'issue d'un débat mené en profondeur et dans la sérénité. Je n ÿ entends pas de déclarations populistes. Je mentirais si je disais autre chose".

Stéfan Huysentruit (De Tijd, 07.07.06) estime que Norbert De Batselier, le Président sortant du Parlement flamand, a donné un bien mauvais signal à la population en acceptant la charge plantureuse de Directeur de la Banque Nationale. Tout en continuant à percevoir ses émoluments liés à son mandat de député. Le comble ? Norbert n'aurait accepté de quitter le perchoir qu'à la condition d'être "recasé". Voilà qui est fait ! Le journaliste note d'autre part que ce bon Flamand, partisan d'une autonomie accrue de sa région, et signataire d'un manifeste progres­siste, Sienjaal, va occuper un des postes les plus prestigieux de l'establishment belgicain.

Rik Van Cauwelaert (Knack, 02.08.06) s'étend sur la crise qui couve au SP-A. En cause, fin juin, la menace de démission du ministre flamand de l'Emploi et de l'Enseignement Frank Vanden­broucke. Il ne supporte pas que le Fédéral prenne en charge le coût de la prime de rentrée scolaire, en réalité un cadeau électoral, tout en négligeant le problème des pensions lié au vieillissement de la population, bien plus pressant. À ses yeux, une Communauté française désargentée contraindrait le PS à présenter la note de son "retour du cœur" au gouvernement fédéral, c'est-à-dire à la Flandre, la ré­gion la plus riche. Ce qui reviendrait à un nouveau transfert déguisé du Nord vers le Sud. Vanden­broucke pourrait bien avoir raison en 2007 lorsque le gouvernement fédéral constatera sa propre insolvabilité, faute de l'apport financier des communautés.

À noter que le SP-A est également en butte à une dissidence sur son flanc gauche. Le sigle Links vient de faire son apparition sur l'échiquier politique.

L'appel de Fons Borginon (Nieuwsblad, 17.07.06), chef du groupe VLD à la Chambre, à former un "Vlaams Front", lui a valu une volée de critiques des autres partis flamands. Plus que jamais, le parti de Verhofstadt est victime d'un... cordon sani­taire dans le sérail politique flamand. On lui reproche essentiellement la débâcle de BHV et son refus solitaire de revendiquer la régionalisation de la politique de l'emploi. Se voir traiter de mauvais Flamand, Borginon, le dernier président de la Volksunie, doit la trouver bien saumâtre.

Le meurtre d'un passager roué de coups par une bande de jeunes allochtones dans un autobus De Lijn a secoué la Métropole. Lex Molenaar (Gazet van Antwerpen, 27.06.06) résume le sentiment des Flamands : "Un certain nombre de jeunes à Anvers ne connaît plus la différence entre le bien et le mal. En bande, ils n'ont plus le moindre respect pour les au­tres et sont prêts à tout. Leur mentalité est pervertie et pour remédier à cette situation, il n'existe que des méthodes radicales."

Paul Geudens (Gazet van Antwerpen, 18.07.06) dénonce l'irresponsabilité de la ministre Onkelinx dans les dossiers Erdal, Murat Kaplan et l'affaire Stacy et Nathalie. Il se demande si la ministre est vrai­ment apte à exercer ses fonctions. Peter Vander­meersch (Standaard, 18.07.06) pense que le VLD paiera la note au moment des élections pour avoir couvert les errements de la première socialiste au sein du gouvernement Verhofstadt. Le courrier des lecteurs des grands quotidiens flamands renvoient largement ce sentiment d'indignation qui parcourt le nord du pays. En résumé : "Combien de fautes Laurette Onkelinx peut-elle se permettre ? Et combien de victimes devront encore tomber à cause de son laxisme ?».

De Tijd (08.08.06) fustige le coûteux ouvrage de Strépy-Bracquenies dont le savant mécanisme recèle pourtant un vice de conception. Selon le quotidien financier, il s'agirait d'un dossier typiquement belge : en 1982, en échange du développement du port de Zeebrugge, la Wallonie a exigé un joujou qui se révèle au bout du compte somptuaire. On se souvient que, lors d'une manifestation ludique, la N-VA en avait fait le symbole du gaspillage sudiste. À l'origine, le projet était évalué à 170 millions d'euros. Nous en sommes aujourd'hui à... 647 millions !

La crise des logements sociaux en Wallonie a inter­pellé la presse flamande. Le Metro flamand (26.06.06) a titré en manchette : «La mauvaise gestion semble constituer la norme dans les sociétés de logements sociaux en Wallonie». Le Morgen du même jour estime que «le rapport d'audit pose une bombe sous le logement social en Wallonie. Celui-ci est chroniquement malade. L'enquête a mis en lumière que deux sociétés sur trois avaient de mauvai­ses pratiques, allant du remboursement tardif de garanties locatives au favoritisme dans l'attribution des logements et des contrats». D'autres journaux évoquent également les salaires élevés des gestionnaires (?), la corruption et les factures trop élevées. Les Flamands s'étonnent que leurs voisins semblent parfaitement ignorer les règles d'une saine concurrence. Et de pointer du doigt le monopole du PS qui a gangrené toute la société wallonne, rebaptisée "Belgarie" dans les fumoirs des chancelleries.

J’ai déjà eu l'occasion de l'écrire dans cette rubrique : l'élite des Pays-Bas, moins frileuse que d'autres voisins, ne se fait pas beaucoup d'illusions sur l'avenir de la Belgique. comme ce Carl Huybrechts, présentateur de l'émission Zomeravondca proclamant que la Belgique est un État artificiel et que la Flandre ferait mieux de prendre rapidement son indépendance. Il s'étonne également de la connaissance aléatoire du néerlandais de Philippe, Mathilde et Laurent alors que la princesse Maxima des Pays-Bas, d'origine argentine, l'a appris à la vitesse de l'éclair. On se souviendra que, tout récemment, la reine Beatrix, en visite officielle à Bruxelles, a rappelé la nécessité, vitale pour la Belgique, d'une nouvelle réforme de l'État. La presse francophone s'est bien gardée de relever cette conviction qui va à l'encontre du discours d'Albert Il de janvier dernier qui, en prêchant le statu quo institutionnel, avait choqué la Flandre unanime. Dans le même contexte, la presse flamande s'est déchaînée contre le prince Laurent qui connaîtrait des difficultés financières. Prenons par exemple la Gazet van Antwerpen (28.07.06) : «Pour une famille flamande moyenne,une somme de 295.000 euros suffirait peut-être pour vivre royalement durant un ou cinq ans. Mais cela ne se passe pas ainsi si tu dois encore payer un parc de voitures flambant neuf, une école privée coûteuse pour ta fille et, en sus, du personnel d'en­tretien»

Le Knack (09.08.06) a rendu un vibrant hommage à Hugo Schiltz qui vient de décéder. L'homme du Pacte d'Egmont constatait avec une pointe d'amertume qu'un mouvement flamand négligeant les grandes valeurs humanistes ne pouvait que se re­croqueviller. Il déplorait également que le nationalisme flamand était une fois de plus tombé entre de mauvaises mains, celles du Vlaams Belang. Lors d'un de ses derniers grands entretiens, Hugo Schiltz a confié à Trends (04.12.03) : «La Belgique constitue un boulet pour quiconque tend vers une gestion efficace. Maintenir une Belgique artificielle conduit à une perte de rendement, aussi bien pour la Flandre que pour la Wallonie. (…) La Justice, la Défense, la politique sociale et économique, ainsi que la diplomatie ne sont pas réformables parce que le Nord et le Sud raisonnent selon des schémas de pensée totalement différents».

Selon lui, la seule chance de survie de la Belgique résidait dans l'intégration européenne, une intégration dont il a eu le loisir d'entrevoir l'échec après l'enlisement du projet de Constitution.


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