Echos de Flandre - avril 2006

Un Morgen (08.04.06) dépité a consacré deux pa­ges à l'attrait que le Vlaams Belang exerce auprès des jeunes Flamands (1 8-20 ans). Ce dernier re­cueillerait 26,7 % de leurs suffrages et devancerait largement les autres partis (CD&V/NVA, 23,7 %; SP.A/ Spirit, 16,9% ; VLD/ Vivant, 12,8 %, et Groen 1, 4,1 %). On le voit, un beau potentiel de

progression... «La rébellion contre l'establishment et l'insatisfaction sociale dans le contexte électoral ac­tuel sont canalisées par la droite et donc par le Vlaams Belang», précise Anton Derks, chercheur à la VUB. Et plus du tout par l'extrême gauche. Contrairement à d'autres formations, le Belang ne cher­cherait pas à nier les problèmes liés à l'insécurité, à la société multiculturelle ou à un État belge déglingué. Et cela séduit les jeunes. Peeter De Roover, Prési­dent d'honneur du VVB (associations du mouve­ment flamand), dans le Morgen (18.02.06), constate quant à lui, non sans amertume, que «le Vlaams Be­lang est devenu lentement mais sûrement un nou­veau CVP. Une pieuvre qui grappille toutes les voix possibles dans tous les groupes sociaux possibles.» Dans le même numéro, on apprend que le Stem­menkampioen du Laatste Nieuws envoie les politi­ques francophones dans le fond du panier. Si on lit entre les lignes, essentiellement de par leur qualité de ... francophone et non de gestionnaire.

Suite à la publication du rapport de l'ICN (Institut des Comptes Nationaux) qui détaille les mauvais indica­teurs économiques de la Wallonie, le Tijd (01.04.06) constate que «l'écart se creuse toujours plus entre les économies flamandes et wallonnes».

À la perspective d'une nouvelle réforme de l'État, que d'aucuns au Nord espèrent décisive, les médias ne cessent de sortir des chiffres favorables à leur thèse, à savoir que la Flandre maintient en vie Bruxelles et la Wallonie. Ainsi le Nieuwsblad (04.04.06) tente-t-il de démontrer que Bruxelles est mortellement malade comme le prouveraient les chif­fres croissants du chômage, des jeunes en particu­lier, et le nombre de faillites. Il en appelle Charles Pic­qué à un peu plus d'humilité, lui qui devra sans doute tendre la sébile à la table des prochaines négociations. Semblable exercice pour le Standaard (07.04.06) qui titre «La Wallonie est trop chère». Pour les mêmes raisons que celles énumérées plus haut, mais aussi parce que les salaires wallons sont trop élevés si l'on tient compte d'une productivité supposée plus faible qu'en Flandre. La FGTB wal­lonne a donc raison quand elle écrit récemment que « le concept de nation belge sonne de plus en plus creux. »

Le Laatste Nieuws (04.04,06), comme le Nieuwsblad, pointe du doigt, chiffres à l'appui, le fait que les huissiers sont plus rarement envoyés au do­micile des mauvais payeurs en Wallonie qu'en Flan­dre: 6,6 % au sud contre 19,9 % au nord. L'arrondis­sement de Huy détient le record absolu en la ma­tière: aucun huissier n'a été envoyé en 2004 et 2005 pour réclamer des amendes impayées! Le Standaard (22.03.06), lui, publie des chiffres du mi­nistère des Finances. Ceux-ci montrent que les Wal­lons demandent beaucoup plus souvent que les Flamands des facilités de paiement ou une diminu­tion de leur amende fiscale. Pour 2005, les statistiques parlent d'elles-mêmes : 56 % des demandes proviennent de Wallonie pour 26 de Flandre et 18 de Bruxelles.

La méconnaissance du néerlandais des politiques wallons énerve au plus haut point les Flamands : Di Rupo qui balbutie dans l'espoir de devenir Premier ministre, Laurette Onkelinx qui baragouine (elle avait promis un jour que tous les Wallons seraient bilin­gues en 2006). Mais aussi Marie Arena. Lors d'une tournée Com (Com pour communication), à Gand où elle rendait visite à des professeurs wallons plongés dans un bain d'immersion linguistique d'une se­maine (sic) à charge du Plan Marshall, un de ceux-ci, plus impertinent que les autres, lui aurait demandé quand elle comptait s'y mettre. La réponse de notre Ministre: «De nexte keer» (pour «De volgende keer»), une phrase incongrue qui a fait rire, ou pleu­rer, la presse flamande.

Les apparitions et l'interview (factice) du Prince Phi­lippe, surnommé en Flandre le «Prins der Walen » (Prince des Wallons) ou encore le «Gaston Lagaffe de Laeken», n'en finissent pas de diviser Flamands et francophones. Ce qui fait dire à Rik Vancauwelaert (Knack, 29.03.06) : «Avec la monarchie constitu­tionnelle, la mystique de la royauté a clairement dis­paru. La monarchie comme ciment de l'unité de la Belgique ne prend plus, car le pays n'a jamais été aussi divisé sur le plan communautaire qu'aujourd'hui».

Un sondage RTL-TVI et VTM nous apprend que 56% des Flamands se disent d'abord flamands. 53,3 d'entre eux ne sont plus attachés à la monarchie. Pire, pour 65 % des sondés, Philippe n'est pas prêt à régner.

Peter Vandermeersch (Standaard, 27.03.06) pré­cise que «paradoxalement, les réponses du Prince Philippe prouvent à suffisance que celui-ci — et son entourage qui fourmille de diplomates surdiplômés — n'est pas capable d'établir une relation normale avec un média moderne. Parce que, si c'était le cas, le média le prouverait trop bien : il ne peut pas le faire» (ndlr : jeu de mot sur « Hij kan het niet» : «il est incapable d'affronter les médias» et «il est incapable de régner »).

Luc Van der Kelen (Het Laatste Nieuws, 27.03.06) ajoute que la manière dont Philippe a réagi témoigne d'un doute personnel et même d'une certaine pani­que. Le rédacteur en chef du plus grand quotidien flamand y va d'une tirade irrévérencieuse : «Par son interview (d'excuses) publiée dans deux journaux, ce prince a donné l'image que les médias renvoient de lui : celle d'un maladroit, d'un personnage en­nuyeux qui, dans les médias, apparaît toujours dans l'ombre de sa femme. En français, tout cela passe plus ou moins. Mais quand le prince doit parler néer­landais, il perd la spontanéité de sa langue mater­nelle». Deviendra-t-il un jour le roi des Belges. «Mieux vaut pas» (Beter van niet), conclut Van der Kelen.

Le Standaard (13.04.06), sous le titre «L'élite fla­mande veut absolument plus d'autonomie», évoque le second Lentemanifest (Manifeste du Printemps) qu'il reproduit sur deux pages, soit une version "soft"du Manifeste de la Warande. On y plaide un «élargissement drastique des compétences des Régions». En substance, «le statu quo institutionnel ne sert pas les chances de survie de la Belgique». On connaît la chanson : ce serait également tout bé­néfice pour la Wallonie. 75 personnalités du monde économique, culturel et universitaire ont signé ce précieux document de travail. Ils en appellent à ne pas conclure d'accord gouvernemental tant que des réformes importantes ne sont pas programmées. Le nombre des signataires a doublé par rapport au pre­mier Manifeste de 2004. Tous les présidents de parti ont applaudi à cette initiative, même si le SP.A, favo­rable à des compétences socio-économiques ac­crues, souhaite ne pas s'étendre sur les autres vo­lets (sécurité sociale) afin de... ne pas dévoiler ses cartes avant 2007.

Dans le Standaard (27.03.06), Robert Senelle, pro­fesseur à l'Université de Gand, estime qu'il faut évo­quer l'avenir de la Flandre au sein du cadre belge lors du prochain round communautaire en 2007 : «En cas de mauvaise volonté des francophones, les Flamands devront se placer en dehors du cadre de la Constitution belge et, à partir du Parlement fla­mand, proclamer la Flandre région autonome comme cela s'est fait récemment en Catalogne». Et d'ajouter froidement: «Les autres suivront bien ! ».

Dans le Tijd (13.03.06), Manu Ruys, un monument du mouvement flamand, analyse la situation actuelle. Rien de bien neuf si ce n'est l'idée d'abandonner Bruxelles dans la mesure où cela pourrait servir l'indépendance de la Flandre. Le Belang n'a pas du tout apprécié...

Yves Leterme est bien embêté avec le cordon sani­taire: certains mandataires CD&V — beaucoup n'osent pas encore dire ce qu'ils pensent vraiment ! — sont tentés de «parler» avec le Belang après les élections communales. Pas question, dit le Prési­dent du CD&V, alors que le Stemmenkampioen (Laatste Nieuws, c. 21.02.06) montre qu'une majori­té de ses électeurs est favorable à une rupture du cordon (52,5 % contre 32,9).

Le séparatiste sans complexe Jean-Marie Dedecker poursuit son petit bonhomme de chemin dans les li­brairies de Flandre. Il bat même tous les records de vente avec son Rechts voor de raap. 20.000 exem­plaires sont déjà partis. Du jamais vu pour un homme politique flamand.

Un grand émoi s'est emparé des forums flamands après l'assassinat à la Gare centrale d'un adolescent refusant de donner son lecteur mp3. Il se mêle d'incompréhension après qu'un juge d'Oudenaarde ait proposé de ne plus punir les petites infractions, celles qui renforcent le sentiment d'insécurité de la population. Le Belang a fait de son thème de cam­pagne... la sécurité !

En ce week-end pascal, je me suis promené du côté de Cassel et de Bergues, soit la Flandre gallicane. Et quelle ne fut pas ma surprise de voir au Mont Noir, le lieu d'enfance de Marguerite Yourcenar, des inscriptions touristiques unilingues flamandes, des lions

noirs et des Tavernes Bruegel en veux-tu, en voilà. Cette infime partie du département du Nord joue avec le feu en avançant la carte de l'identité fla­mande et en se montrant perméable à leurs voisins de Diksmuide. Les nationalistes flamands, ces Ser­bes du nord, seront toujours tentés d'y éradiquer une culture française que les autochtones sont bien loin de rejeter !

Enfin, pour l'anecdote, depuis l'annonce de la délocalisation de la brasserie d'Hoegaarden vers Jupille (Liège), la célèbre Blanche serait boudée par les Flamands (Métro, 12.04.06). Ah, protectionnisme, quand tu nous tiens !


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