Echos de Flandre – février 2006.

Des Flamands parlent aux Flamands.

 Yves Leterme a accordé un entretien remarqué à l’hebdomadaire Dag allemaal (24.12.2005). Après avoir comparé la Wallonie à un sac de cailloux sur le dos d’une Flandre lancée dans une course cycliste de montagne, il confie n’avoir pas d’état d’âme par rapport à la Belgique et à la Maison royale. Celles-ci survivront pour autant qu’elles acceptent une plus grande autonomie de la Flandre (lisez « confédéralisme »). Plus loin, il se déclare en grande partie d’accord avec le Manifeste de la Warande : la prospérité de la Flandre ne peut être prise en otage par la Belgique.

Le Standaard (16.2.2006) revient sur le projet de constitution flamande introduit au Parlement flamand ce même jour. Chaque parti y est allé de son texte martyre. Comme le VLD et le S-pa qui, précaution oratoire oblige, prétendent s’inscrire dans le cadre institutionnel belge. Il n’en va évidemment pas de même du projet du Vlaams Belgang. Son article 1er évoque une « république démocratique (sic) flamande » et l’octroi d’office de la nationalité flamande à tout enfant dont un des parents serait flamand.

Le Tijd (14.2.2005) dénonce le manque de contrôle des déchets en Wallonie par rapport à la Flandre alors que la problématique concerne les deux régions dans la même proportion. Ainsi, selon une étude du Service central de la police fédérale de l’environnement, sur 844 contrôles, seulement 13,5 % le seraient en Wallonie Conclusion : le sud du pays se révélerait une fois de plus laxiste et déficient.

Het Laatste Nieuws (23.1.2005) constate pour sa part que les infractions dans le secteur de la construction sont nettement moins poursuivis en Wallonie qu’en Flandre. Un exemple, le  parquet de Bruges traite en moyenne 103 dossiers par mois et celui de Charleroi 98 en deux ans et demi !

Le Nieuwsblad (3.2.2006) a réalisé un sondage après le discours controversé du Roi devant les corps constitués qui mettait en garde contre le séparatisme feutré ou déclaré. Il n’y aurait plus que 56% de Flamands à soutenir la monarchie. Plus grave, à peine 46% estiment que Philippe est apte à monter sur le trône. Et Gunter Vanpraet de conclure : « Tout le monde sait que le prince n’est pas prêt à remplir sa tâche de chef d’Etat et qu’il existe peu de chance de voir cette réalité changer à court terme. C’est un brave type (sic) mais pas un leader possédant une capacité de mobilisation. C’est ainsi. Auparavant, on en faisait des gorges chaudes mais maintenant que la vérité approche, cela devient douloureux ».

Selon le politologue Carl Devos (Laatste Nieuws, 1.2.2006), Albert «  est désormais nerveux à la perspective des élections de 2007. Il se bat tout naturellement pour sa propre survie. » Pour le Standaard, (1.2.2006) le Roi pense que le renouveau économique va sauver le machin « mais la constatation que le fédéralisme binaire est condamné si les prestations socio-économiques de la Wallonie restent aussi loin derrière celles de la Flandre est tout aussi incontestable. Il ne serait donc guère intelligent que la presse du sud ne retienne que la réprimande royale adressée aux séparatistes flamingants ».

Les éditions flamandes du 2.2.2006 ont largement répercuté, via le courrier de ses lecteurs, les réactions indignées de la Flandre profonde au discours royal. En résumé, Albert II est devenu le Roi des Wallons. Il a prononcé le discours le plus antiflamand de l’histoire de la monarchie. Mais après tout, il ne ferait que protéger son job. Un lecteur résume ainsi un sentiment qui semble général. Le Roi aurait dit implicitement aux Flamands : « Fermez-la, soyez soumis, apprenez le français et payez (ndr : pour les Wallons) !  »

La scission des Métallos (FGTB), à l’image du secteur amateur de l’Union belge de football, préfigure peut-être un jeu de dominos aux conséquences imprévisibles. Herwig Jorissen, le président flamand démis, officiellement pour avoir flirté avec le VMO dans sa jeunesse, confie au Standaard (3.2.2006) : « La fracture communautaire est inévitable et irréversible mais je refuse de  parler de divorce ».

Le bouillant judoka VLD Jean-Marie Dedecker vient de publier un livre (Rechts voor de raap) qui, selon Filip Dewinter en personne, risque de rendre les idées du Belang acceptables pour le Flamand moyen. Ce dernier penserait tout bas : « Dedecker a raison, donc nous voterons Vlaams Belang. Nous ne voterons sûrement pas pour le VLD car c’est un parti de la coalition violette que Dedecker lui-même ne cesse d’attaquer. » Toujours selon Dewinter, Dedecker est un pantin et le Belang son ventriloque. Le CD&V Pieter De Crem suit également les traces du Belang. Dans une interview accordé au Metro flamand (31.1.2006), il fustige le fait que « 250.000 étrangers sont naturalisés en un tour de main pour leur permettre de voter massivement socialiste. »

Sur le même ton, Mark Grammens (Journaal, 19.1.2006) s’en prend à l’intérim de l’unilingue (!) Faouzia Hariche à la tête de la Ville de Bruxelles. C’est la conséquence de la stratégie du PS qui utilise l’islam pour accaparer un maximum de voix. Il ne rate pas l’occasion de rappeler une phrase d’Anne-Marie Lizin remontant aux années 80 : «  La Belgique doit faire venir le plus d’étrangers possible afin de briser la majorité flamande dans ce pays ».

Toujours De Crem, cette fois dans le mensuel Menzo (janvier 2006) : « la prochaine coalition sera la dernière à pouvoir combattre le Vlaams Belang ». Il ajoute que le cordon sanitaire constitue une assurance-vie pour les socialistes. Dans les états-majors de tous les partis, hormis au S-pa, le scénario d’une coalition avec le Belang est envisagé mais le bourgmestre d’Aalter reconnaît qu’une telle alliance pourrait conduire le CD&V et le VLD au bord de l’implosion.

Pour d’aucuns, le pas est déjà allègrement franchi. Ainsi le Laatste Nieuws (24.1.2006) a relaté la réunion de nouvel an de la section VLD de Schoten, la banlieue huppée d’Anvers. Les mandataires locaux n’ont pas hésité à inviter en bonne et due forme Marie-Rose Morel, la diva du Belang. A la grande fureur de Bart Somers, le président du VLD qui, une fois son discours terminé, a quitté immédiatement la salle sous les sarcasmes de l’assistance libéralo-fasciste.

En 2004, le site du Vlaams Belang a reçu la visite de 2 millions de visiteurs uniques. En 2005, le nombre a atteint 2,7 millions de visiteurs ! Les pointes de consultation : les émeutes en France, le rejet français de la Constitution européenne et l’attaque contre la dotation du Belang.

Le périodique Res Publica nous apprend que le nombre des adhérents stagne, voire baisse (CD&V, 6,1% en moins), dans tous les partis mais que le Belang, lui, a engrangé 1.032 nouveaux membres en 2005. Principales motivations des néophytes ? Dans l’ordre d’importance : l’immigration, les émeutes en France, l’extrémisme islamique et le terrorisme, le congrès économique du Belang, l’indépendance de la Flandre, le manifeste de la Warande et les scandales du PS. Mais, ô surprise !, en tout premier lieu, la nouvelle procédure entamée contre la dotation du Belang. Ce qui fait écrire en français à l’éditorialiste du Laatste Nieuws Luc Van der Kelen : « Merci, Lambert ». Une allusion au soutien de Geert Lambert, président de Spirit, à la plainte déposée par les francophones pour cause d’islamophobie du parti nationaliste flamand…

Le Nieuwsblad (7.2.2006) a rapporté des incidents qui ont opposé des supporters de La Louvière à des journalistes de VTM. Insultes (« Retournez en Flandre ! ») et pneus crevés. Le tout sur fond d’affaires de corruption. Durant la même période, l’Union Belge a été saisie de faits qui se sont déroulés au Cercle de Bruges lors du déplacement de La Louvière. « Pourris de Wallons ! » telle était l’insulte préférée des noyau dur west-flandrien durant tout le match. Après tout, l’éclatement de la Yougoslavie a commencé par des affrontements entre hooligans du Dynamo Zagreb (Croatie) et de l’Etoile rouge de Belgrade (Serbie). On le comprend, il est bien hasardeux d’affirmer que la fin de la Belgique se déroulera sans violence.

Dans la plus pure tradition des années trente, le site Flanders on line relaie un article du très sérieux Artsenkrant (Journal des médecins). En substance, l’Université d’Anvers a réalisé une étude génétique prouvant enfin de façon irréfutable l’origine germanique des Flamands. Qui en doutait ?

Dans la même veine, le Morgen (5.1.2006) titre en manchette que les cercles de mise en forme (fitness clubs) anversois font payer les allochtones plus cher que les Flamands. On poursuit. Le Knack (8.2.2006) a effectué une enquête sur le chômage des immigrés à Anvers. Elle révèle des chiffres effarants. Ainsi, sur 9.048 dockers, il n’y a que 2% d’étrangers, la plupart en provenance de l’UE. Le Havenbedrijf (entreprise portuaire) ne compte que 3 étrangers sur… 1.623 travailleurs ! Reste à voir comment le PS pourra continuer à collaborer, sans perdre son âme, avec un voisin toujours plus à droite !

 

Soirée débat du mercredi 25 janvier 2006 à Watermael-Boitsfort
avec Marc Platel, journaliste flamand, et Paul-Henry Gendebien, président fondateur du RWF.

 Une centaine de personnes ont assisté à la rencontre animée par David Coppi, journaliste au Soir. Celui-ci introduisit le débat en faisant remarquer que la fin de la Belgique n’était pas inéluctable puisqu’on en parle depuis des décennies sans que cela ne se produise.

Ensuite, Marc Platel, très attendu par le public, expliqua l’initiative du cercle de décideurs du monde économique « De Warande » et les conclusions de leur Manifeste. Les signataires sont d’avis que la Belgique, trop lourde, trop enchevêtrée, constitue un frein pour la Flandre. Le Royaume n’a plus de valeur ajoutée pour celle-ci. Tous les indices économiques belges et wallons le prouvent de façon brutale et criante. Ils proposent dès lors une séparation à l’amiable. Mais que faire de Bruxelles ? se demande le public. Marc Platel la voit transformée en « Washington DC » cogéré par les Flamands, les Bruxellois… et les Wallons si ces derniers le désirent. La périphérie serait purement et simplement flamande (c’est-à-dire sans facilités). Au fil de la soirée, on apprendra que certains milieux flamands ne s’accrocheront pas à tout prix à Bruxelles, surtout si celle-ci empêche l’indépendance de la Flandre. Pour l’anecdote, la Manifeste est d’ores et déjà un best-seller en Flandre (9.000 ex. vendus fin janvier).

Avec la pertinence et le brio qu’on lui connaît, Paul-Henry Gendebien souligna pour sa part que l’hypothèse réunioniste était passée sous silence dans le Manifeste. La France aux portes d’Anvers et de Gand ferait-elle peur à nos « beste vrienden » ?, conclut-il devant un public ravi de la qualité de la soirée.


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