Echos de Flandre – décembre 2005.

Des Flamands parlent aux Flamands.

Bref retour sur l’entartage de Di Rupo à Gand, au café Le Charlatan où il devait participer à un débat avec Freya Van den Bossche (Laatste Nieuws, 21.10.2005). Même si l’auteur de l’attentat pâtissier  est un militant fasciste, le Flamand moyen partage largement son commentaire d’après-coup : «  Nous nous marrons de l’offensive de charme de Di Rupo.  Vous pensez bien que ce n’est pas pour nos beaux yeux qu’il apprend le néerlandais. Ou qu’il est vraiment venu ce mercredi soir pour débattre avec les jeunes socialistes flamands. Ce type n’a qu’un objectif en tête : devenir Premier Ministre. Et le pire c’est qu’il est assez arrogant pour croire qu’il l’est. ». Dans le même journal, le calamiteux Noël Godin déplore qu’il s’agisse d’une victime « de gauche » (sic) et non de droite ! Merci pour Jean-Pierre Chevènement…

« La Wallonie continue à ployer sous le flot des scandales », c’est le titre que le Standaard étalait dans son édition du 18.10.2005. Le journaliste Steven Samyn n’y voit que la partie visible de l’iceberg. Le journal ne manque pas de relever que Mons, le fief du Premier wallon, est lui-même touché via Raphaël Polet qui s’était octroyé un plantureux salaire dans la société de logement Toit et Moi. Dans une tribune libre (Knack, 19.10.2005), Derk Jan Eppink souligne que « tous les dix ans, le PS assure qu’il va se moderniser et chaque décennie nous sommes trompés. Le PS ne résout aucun problème, il les laisse en l’état ». Marc Grammens (Journaal, 24.11.2005) y va d’un commentaire acide : « Quelque chose doit changer en Wallonie. Et pour commencer, la Flandre doit arrêter de galvauder sa prospérité au travers d’une solidarité financière avec la Wallonie qui conduit au comportement irresponsable des politiciens locaux et forme le terreau de la corruption wallonne. Il est désormais clairement établi que les transferts n’améliorent pas les conditions de vie de l’homme de la rue mais bien celles d’une classe politique corrompue, qui va jusqu’à piller les fonds destinés aux logements sociaux.  »

Dans son éditorial du 23.11.2005, Rik Van Cauwelaert, le rédacteur en chef du Knack cite longuement l’article de Paul-Henry Gendebien paru dans la Libre Belgique (18.11.2005). Sa conclusion : les affaires égratignent aussi la réputation de Di Rupo.

 

Dans le Standaard (15.10.2005), un tableau démontre que la part de l’impôt des sociétés payé par la Flandre est passée de 48,20 à 52,12% en 10 ans alors que celle de la Wallonie dégringolait de 16,61 à 13,55 ! Ludo Verhoeven, président du Voka (patronat flamand) a saisi l’occasion pour réclamer avec force la régionalisation de l’impôt des sociétés. Notamment pour pouvoir le baisser de façon à attirer de nouveaux investisseurs en Flandre. Le Tijd (28.11.2005) ne rate jamais non plus l’occasion de stigmatiser les transferts de la Flandre vers la Wallonie et Bruxelles : « La contribution de solidarité nationale avoisine le milliard d’euros ». Depuis l’instauration en 1989 de cette cotisation obligeant la région la plus riche à soutenir les plus pauvres, le montant a plus que doublé.

 

Le Morgen du 22.11.2005 a interrogé Wilfried Martens sur l’avenir de la Belgique, au lendemain d’un colloque remarqué sur le sujet qui s’est déroulé au Parlement flamand. Et ce fidèle serviteur du Palais est plutôt pessimiste : « La Belgique court à l’implosion. » L’ancien Premier Ministre envisage deux scénarios pour l’avenir : « Soit une séparation de corps et de biens, soit une période de transition trouble (quoi que cela puisse signifier) qui débouchera peut-être sur le séparatisme ».

Pas contents, les Flamands de la plainte déposée contre le Vlaams Belang pour « islamophobie » par le milieu socialiste, à la suite d’une interview de Filip Dewinter accordée à un journal juif américain. Carl Devos, politologue à l’Université de Gand, se pose des questions (Nieuwsblad, 30.11.2005). : « C’est assez curieux qu’un parti puisse décider de traîner un autre parti devant les tribunaux. Normalement, c’est la tâche de la magistrature. Ici, il s’agit  d’un autre parti politique, d’un concurrent. » Le très éclairé Luc Van der Kelen se fend d’un commentaire critique (Laatste Nieuws, 30.11.2005) : « Les partis démocratiques doivent répondre à leurs adversaires par des arguments et des faits politiques. Pas en muselant la liberté de pensée. ». Et de conclure que ce comportement autoritaire ne fera que renforcer le sentiment d’une population inquiète qui partage cette « crainte de l’Islam » (l’étymologie du mot « islamophobie »). Le débat se déplacera alors dans les clubs sportifs, les cafés, les Lions-Clubs et autres associations. Et cela, aucune action en justice ne pourra l’interdire, poursuit l’éditorialiste. Le sondage Stemmentkampioen (Laatste Nieuws, 12.12.2005) montre que 61% des Flamands verraient d’un mauvais oeil une condamnation du Belang sur ce thème.

La possibilité de la scission de la Croix-Rouge a fait couler beaucoup d’encre. Ainsi le Belang van Limburg (12.12.2005) écrit : « Certains membres de la section flamande en ont marre de combler sans fin le puits wallon ». Le Morgen du même jour critique le fait que, malgré les 30 millions d’euros du fédéral, les dettes de l’aile francophone sont passées de 10 à 15 millions d’euros. De plus, ces derniers font davantage appel à du personnel rémunéré qu’à des bénévoles et les hauts mandataires s’octroient des salaires plantureux. Les responsables flamands évoquent la possibilité d’un curieux troc : le paiement des dettes de la Croix-Rouge francophone contre l’autonomie complète de l’aile flamande ! Une préfiguration de l’avenir de la Belgique ?

Réactions sévères suite à la démission forcée de Herman De Bode, manager de Mc Kinsey qui a avait eu l’audace de signer le manifeste pour l’indépendance de la Flandre (voir ci-dessous). Le Belang van Limburg (9.12.2005) estime qu’on en revient au temps du prêtre ouvrier Daens. Le directeur de KPMG Belgium a pour sa part déclaré au Standaard (9.12.2005) : « Nous ne sommes pas dans une société communiste qui essaie de museler les gens ». Matthias Danneels (Nieuwsblad, 9.12.2005) se fait encore plus virulent : « La liste est sans fin. Que le B de Belgique serait utilement remplacé par le A d’Absurdistan se trouve une fois de plus prouvé ».

Toujours plus fort, le Stemmenkampioen, (Laatste Nieuws, 3.12.2005) auprès de 10.000 ( !) lecteurs, révèle qu’une majorité de 51 % se déclare en faveur de l’indépendance de la Flandre. Commentaire de Luc Van der Kelen : « Le sondage démontre qu’il ne manque plus grand-chose pour faire pencher la balance et que l’unité de la Belgique est plus fragile en Flandre qu’annoncé ». Les affaires wallonnes auraient particulièrement marqué l’opinion flamande. Plus anecdotique, un sondage de VTM (15.12.2005) constate qu’un quart des Flamands (on doute que des francophones aient été interrogés !) estime que Philippe n’est pas prêt à succéder à Albert. Mais alors quand le sera-t-il ! Plus grave, il ne s’en trouve que 5 % à le trouver sympathique, la plupart lui préférant Laurent (le côté Coluche plaira toujours au bon peuple). Gageons que le Palais n’en parlera pas dans son message de Noël…

Extraits (trad. Han Renard pour Trends, www.trends.be) de l’interview de Remi Vermeiren, ex-patron de la KBC (Knack, 30.11.2005) à l’occasion  de la publication du Manifest voor een zelfstandig Vlaanderen in Europa (Ed. Denkgroep In de Warande, rue Zinner 1, 1000 Bruxelles, 252 p.) :

REMI VERMEIREN : Nous avons voulu énoncé un certain nombre de données socio-économiques concernant la Flandre, Bruxelles et la Wallonie mais sans trop montrer du doigt les autres compatriotes.

Les chiffres sont-ils suffisamment éloquents ?

En fait, oui. Les différences sont devenues tellement gigantesques qu'une seule politique socio-économique - car le niveau fédéral est encore toujours très important en cette matière - ne se justifie plus. (…)

Pourquoi ne croyez-vous pas (ou plus) en un processus progressif de transfert de compétences aux Communautés et Régions ?

Cela fait déjà 35 ans que nous suivons cette voie et la réforme de l'Etat n'est toujours pas terminée, loin s'en faut. Et pour chaque pas vers une plus grande autonomie, la Flandre doit payer un prix élevé. De plus, les accords communautaires successifs ont abouti à une répartition entièrement chaotique des compétences et à un appareil étatique inefficace. (…)

Les flux d'argent, les fameux transferts, de la Flandre vers Bruxelles et la Wallonie sont un autre argument en faveur de l'indépendance. Ils constituent une menace pour la prospérité de la Flandre, dites-vous.

Ces transferts constituent vraiment un handicap pour la Flandre. On pourrait à juste titre défendre l'idée qu'ils doivent cesser du jour au lendemain parce que la Flandre a elle-même besoin de moyens, par exemple, pour pouvoir supporter les frais liés au vieillissement de la population. Mais d'un autre côté, il n'y a pas de société qui ne soit jusqu'à un certain niveau solidaire des autres. C'est pourquoi nous proposons de mettre progressivement un terme à ces transferts, une sorte de tarissement étalé sur une période de dix ans.

Mais cela entraînerait néanmoins une baisse considérable du niveau de vie en Wallonie.

La Wallonie devra en effet consentir de sérieux efforts. Mais il faudra tout de même que cela arrive un jour. Sinon, la Wallonie restera dépendante de la Flandre - ce qui n'est tout de même pas une situation enviable - car ces transferts peuvent tout au plus permettre une sorte de redistribution des revenus mais pas un redressement économique. De plus, à la longue, ils risquent de pénaliser la Flandre et l'entraîner dans un déclin ; alors les transferts s'arrêteront de toute façon, simplement parce que la Flandre n'aura plus les moyens de les réaliser. (…)

Qu'est-ce qui tient encore la Belgique ensemble ?

Principalement des arguments sentimentaux. La majorité des Flamands n'est pas acquise à l'indépendance mais cette réticence est sans nul doute liée à la crainte de l'inconnu. Il y a naturellement encore l'establishment belge, les avantages financiers de la structure étatique belge pour la Wallonie et puis encore, certaines organisations de milieu de terrain comme les syndicats. La solidarité est leur core business et ils ne veulent donc rien savoir d'une éventuelle scission de la sécurité sociale. Mais les syndicats sont-ils bien honnêtes vis-à-vis de leurs membres et sont-ils tellement certains que les charges qu'impliquent les problèmes de la Wallonie, reposent sur les bonnes épaules ? Via la sécurité sociale, elles pèsent en effet très lourdement sur les épaules des travailleurs flamands. Et on peut tout de même aussi se demander à quel point une politique est sociale quand elle accepte 20 % de chômeurs.

Quel est le soutien dont bénéficie l'idée d'une Flandre indépendante dans le monde des affaires ?

Je peux difficilement en dire quelque chose en termes généraux. Un nombre surprenant de personnes s'avère favorable à l'idée bien qu'il y en ait naturellement aussi qui considèrent que ceci va trop loin. Et puis, il y a un grand groupe de personnes qui ne se prononcent pas. Elles éprouvent bien une attirance pour cette idée mais craignent que leur image et leurs affaires en souffrent.


© R.W.F. Dernière mise à jour le Sunday, December 14, 2008 - Ce site est le seul officiel du R.W.F.