Echos de Flandre - août 2005

Actualité communautaire calme durant la période estivale. Seuls la fête nationale de la Flandre et le rachat probable d’Electrabel par Suez ont donné de la matière aux journalis­tes. Le Tijd (10.08.05) a titré en manchette: "La Belgique perd son dernier joyau de la couronne". Les milieux nationalistes flamands sont furieux, comme le Belang qui parle d'une "départementalisation" de la Flandre.

"L'infanterie bleue en panique", c'est le titre d'un article du Knack (15.06.05) abordant le désarroi qui règne au sein du VLD. Herrman De Croo estime que le parti ne survivra pas à une (probable) déroute électorale en octobre 2006. Pour contourner celle-ci, de nombreuses sections locales songent à se présenter au scrutin sous le sigle "Intérêts communaux" (ce qui, de façon cocasse, donne en néerlandais Gemeente­belangen) ou encore sur une liste neutre du bourgmestre. De grandes sections, comme celle d'Anvers, sont tellement divi­sées sur la stratégie à adopter que nul ne sait ce qu'il en ad­viendra. Et Derk Jan Eppink de conclure: pour le reste, cha­que mandataire local essaiera de sauver sa peau, quitte à s'acoquiner avec le Vlaams Belang. Pauvre VLD ! Voilà ce qui arrive quand on abandonne son étiquette flamande, n'est-ce pas Messieurs Verhofstadt et Dewael ?

À l'occasion du 11 juillet, le Standaard a interviewé quelques personnalités francophones. La dernière question visait à savoir si les deux groupes linguistiques évoluaient séparément ou non.

Le 'Nombril dort" (comme le surnomment ses adversaires), Jean-Claude Van Cauwenberghe — qui soit dit en passant séjourne régulièrement à La Panne, qui apprécie la gastro­nomie du Hof van Cleve de Kruisthoutem (sic) mais qui ne connaît toujours pas le chanteur Clouseau et la championne Kim Gevaert - remarque une amélioration des relations en­tre les gouvernements régionaux. Belle analyse! Normal de la part de quelqu'un qui avoue ne jamais regarder la télévision flamande.

Marc Uyttendaele pense que, malgré le fait que les deux com­munautés vivent repliées sur elles-mêmes, il existe des points de rencontre qui font que, sans se parler, elles se connaissent mieux que supposé.

Henri Mestdagh, patron de l'Union Wallonne des Entreprises, estime que le gouffre s'est creusé. Ce descendant de Bru­geois parle également d'un esprit revanchard de la Flandre vis-à-vis des francophones.

Michel Scheuer, recteur des Facultés de Namur, pense que le fossé s'élargit indubitablement. Il en veut pour preuve que de moins en moins de Flamands viennent étudier à Namur. Enfin, il déplore qu'il n'y ait pas de collaboration structurelle avec les universités flamandes.

Dans l'éditorial du même jour, Peter Vandermeersch écrit qu'il faut dépasser les clichés du Wallon "paresseux et profiteur» (ah bon!) et responsabiliser davantage les entités régionales en leur donnant plus de compétences, avec comme objectif sous-jacent une solidarité transparente. Dans sa lettre aux francophones du 11 juillet, Yves Leterme ne disait pas autre chose en détournant la devise du Brugeois Louis de Gruuthu­se: "Plus est en vous!" (1). Dans un touchant parallélisme, Di Rupo, avec son idée (?) de Plan Marshall — il aurait dû dire "la Wallonie mise sous la curatelle de la Flandre" — a commis la bévue monumentale de se placer dans la position du qué­mandeur, dans un royaume où tout s'achète. Une intervention pour le moins intempestive au seuil de négociations portant sur une énième réforme de l'État... Mais peut-être que la réali­té de "sa" Wallonie ne lui laisse pas le choix. Rik Van Cauwe­laert (Knack, 15.06.05) parle d'un aveu d'impuissance (de) ce Di Rupo dont le district électoral compte près de 25% de chômeurs".

Luc Van den Brande, qui reste l'éminence grise du CD&V, a ressorti son antienne: pas un centime de plus pour la Wallonie. Depuis 1992, l'Europe a donné 50 milliards d'euros. Si la situation ne s'est pas améliorée, c'est la faute du PS. "Que les Wallons, pour une fois, essaient de sortir de l'im­passe par leurs propres moyens", conclut-il, non sans ironie.

Le courant orangiste au sein du mouvement flamand est trop souvent sous-estimé. Et pourtant, Filip Dewinter lui-même mul­tiplie les contacts avec ses amis hollandais. Ainsi veut-il créer une Fondation Guillaume d'Orange (Willem van Oranje Stichting) pour discuter des questions liées à l'immigration. Rêvant d'un grand espace pan-néerlandais au sein de l'Eu­rope, le leader du Belang est d'avis que "Ia Flandre et les Pays-bas ont de nombreux intérêts communs à défendre".

Son correspondant néerlandais ne serait personne d'autre que le le Ministre de l'immigration Hilbrand Nawijn. Sur le site de NV-A, Kris Van Dijck, qui a remarqué la "prépondérance des drapeaux français lors de la manifestation antiflamande orchestrée par Maingain" à Linkebeek, est de plus en plus convaincu que l'avenir de la Flandre réside dans l'Europe et non dans la Belgique. Une Flandre comme État membre à part entière, associée aux Pays-Bas avec qui elle forme depuis longtemps déjà une "Taalunie", une union linguistique.

Paul Belien vient de publier A Throne in BrusselsBritain, the Saxe-Coburgs and the Beigianisation of Europe (éd. Imprint Académic) où il montre que l'Europe, construite sur le modèle belge, est vouée à l'échec. Point commun: le caractère artifi­ciel de la construction, des nationalités, des religions et des cultures différentes, voire opposées, que l'on tente de fédérer et, en toile de fond, une quête éperdue d'identité, de citoyen­neté et de légitimité. Pour Belien, les Français et les Néerlan­dais ont voté contre la "belgianisation" de l'Europe.

"Un gouvernement totalitaire sélectionne à sa guise les jour­nalistes". Nous ne sommes pas en Amérique latine. Il s'agit du titre d'un communiqué du 5 juillet dernier de l'association des journalistes flamands fustigeant le comportement du Ministère de l'Intérieur qui a sélectionné les confrères autorisés à assis­ter à l'inauguration royale du Deurganckdok à Anvers.

Pour terminer sur une note d'humour, le magazine Deng (juin 2005), qui a la cote auprès des jeunes Flamands, a fêté son 25e numéro. En couverture, un photomontage de Mathilde portant une tarte et un bâton de dynamite en guise de bougie. En page 3, la pâtisserie lui explose en pleine figure. À l'inté­rieur, Deng cite le Prince Philippe, membre du "spermaclub de Laeken" (sic), parmi les 100 Belges les plus "graves", au sens de pesant et lourd, "avec son charisme de tapis routé laissé pendant six mois dans une cave humide". Pas sùr que Phi­lippe soit bien accepté en Flandre comme prétendant au trône...

Au fait, dans le Standaard (20-22.07.05), je n'ai pas trouvé trace du discours royal.

(1) "Plus est en vous" : la devise s'adressait en réalité à... ses canons, armes redoutables au XVe siècle.


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