Echos de Flandre - juin 2005

Le 3 mai, Steven Samyn résumait dans les colonnes du Standaard les enjeux de la scission de l'arrondissement électoral Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il rappelait, entre autres, que, pour les hommes politiques fla­mands, prévaut ce qu'on appelle le principe de terri­torialité, les francophones partent (en revanche) du principe de la personne. Le principe de territorialité implique que le territoire et les frontières d'une partie de l'Etat soient définis. En d'autres termes, qui ha­bite en Flandre doit en respecter le caractère flamand même s'il est d'une autre culture linguistique.

Rien de neuf sous le soleil si ce n'est que cela avait le mérite d'être rappelé au moment précis où les partis francophones du gouvernement avaient avancé, lors des négociations, qu'ils souhaitaient, en cas de scis­sion, obtenir, entre autres et à titre de compensation, une plus forte présence de la Communauté française dans l'enseignement dispensé aux francophones des six communes à facilités.

Au gouvernement flamand où ces mêmes négocia­tions menées au niveau fédéral par le VLD, le SP.A et Spirit créent des tensions avec les partenaires du CD& V et de la NVA, certains (Ludwig Caluwé, le chef de groupe CD&V au Parlement flamand sur les on­des de la VRT radio le 12 mai 2005) pensent déjà que cette concession éventuelle pourrait être contrebalancée : une des possibilités, a dit Caluwé, est de renforcer les inspections (linguistiques fla­mandes) des écoles des communes à facilités."

Les velléités francophones feront long feu. Spirit y oppose une fin de non-recevoir. La suite est con­nue: par un « coup de théâtre » bien préparé, Guy Verhofstadt met le problème momentanément au fri­go jusqu'en 2007 et obtient la confiance de la Cham­bre. Le lendemain, c'est d'autant plus l'amertume dans les rangs flamands que la presse francophone laisse à l'évidence transparaître la satisfaction non dissimulée des responsables politiques francophones.

Nous avons épinglé ces deux réactions symptomati­ques de deux représentants du parlement flamand, un du VLD et un du SP.A, alors que leurs collègues votaient la confiance à l'équipe Verhofstadt : « Les francophones payeront le prix pour leur comportement » promet la VLD Patricia Ceysens alors que de son côté la SP.A Caroline Gennez estime que « la non-scission de B-H-V est une victoire à la Pyrrhus pour eux » (propos rapportés par De Standaard et Het Belang van Limburg, 19.05.05).

Pour ceux qui , du côté francophone, nourrissaient encore des doutes quant aux véritables objectifs fla­mands, laissons le mot de la fin au ministre-président Yves Leterme s'exprimant devant le Parlement fla­mand (De Morgen, 19.05.05) : "Nous nous sommes heurtés aux limites du modèle belge de concertation et du fédéralisme de coopération.... Un des instru­ments importants pour prévenir la francisation de la périphérie flamande autour de Bruxelles n'est pas réalisable pour le moment. C'est une déception mais cela ne signifie pas que le point n'est plus à l'ordre du jour ou que la préoccupation, qui en est à la base, ne peut donner lieu à d'autres mesures ayant la même finalité."

Enfin, comment ne pas parler du départ du populaire Steve Stevaert de la présidence du SP.A. Si ce re­trait pour devenir gouverneur de la province du Lim­bourg n'a pas de lien direct avec la question de BH­V, il n'en demeure pas moins que l'inquiétude est de mise parmi les responsables politiques francopho­nes qui, comme Claude Demelenne (Le Journal du Mardi, 31.05.05) craignent que ce départ n'entraîne une radicalisation flamingante de ce parti. En effet, son successeur annoncé, Johan Vande Lanotte, ne s'est-il pas particulièrement montré acerbe dans les colonnes de l'hebdomadaire flamand Humo en esti­mant que «les francophones (étaient) en train de faire exploser le pays», car ils avaient privilégié dans le dossier B-H-V le sort des «bourgeois francopho­nes de la périphérie». Interrogé à ce sujet, lors de la conférence de presse annonçant sa candidature à la présidence du SP.A, il a reconnu que si ces propos ne devaient pas être considérés comme une prise de position de la future présidence du SP.A , ils n'en tombaient pas moins à pic. Nous voici prévenus !

Revue de presse de Marc Philippe – publiée dans la revue Wallonie-France.

Les raisons du succès du Vlaams Belang.

Stefaan Walgrave, politologue à l'Université d'Anvers, s'est penché sur les raisons de la popularité croissante du Vlaams Belang (De Morgen, 1.4.2005). Selon lui, ce succès est imputable à quatre facteurs : le parti en tant que tel, ses thèmes, son organisation et sa communication.

Le Belang a réussi à imposer SES thèmes sur la place publique : le nationa­lisme flamand, la criminalité, l'immigration et l'antipolitisme.

Et le boycott médiatique ne l'a pas affecté dans la mesure où ces thémati­ques s'imposent toujours plus dans l'actualité. Pire, cette mise en quarantaine renforcerait l'impression du Flamand moyen que le Belang n'est décidément pas un parti comme les autres et que pour ce simple motif il faut le soutenir !

Là où le politologue se trompe, c'est quand il dit que le nationalisme fla­mand est un facteur d'adhésion minoritaire. Une majorité de Flamands désire sans doute garder l'étiquette « belge » mais plusieurs enquêtes démontrent qu'ils veulent avant tout gérer comme des grands leur fiscalité, leurs soins de santé, leurs allocations familiales... Flamand et Belge, d'accord mais sans verser un centime aux Wallons ! L'establishment belge francophone a donc bien tort de crier béatement victoire sur la base d'un seul sondage récent.

En résumé, qui vote Belang veut voir s'appliquer une lutte intensive contre la criminalité et une politique migratoire plus restrictive. Walgrave ne prévoit pas la disparition (sic) à court terme du Vlaams Belang parce que ce parti n'a pas de concurrence sur son flanc droit. De plus, le maintien du cordon sani­taire renforce son statut de parti anti-establishment. Une voix pour ce parti ne signifie donc pas une attitude de rejet mais bien un soutien à un programme clairement à droite reposant sur la loi et l'ordre et sur une approche radicale de la problématique de l'immigration. C'est donc encore plus grave qu'un vote de défoulement. Les électeurs du Belang connaissent son programme, ils sont bien conscients de son projet populiste de droite !

Et si la fracture de la Belgique résidait en ce point précis : une Flandre qui aspire à une politique répressive et néo-libérale, privatisant, sur le modèle anglo-saxon, des pans entiers de l'économie. En face, comme gêneur, un PS, ravalé en façade, qui mise sur le statu quo dans tous les secteurs, un PS tout puissant qui étouffe l'initiative et qui gonfle le secteur public par pur clientélisme.


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