Echos - décembre 2004

Interviewé en français à la télévision flamande au mois de novembre dernier, Elio Di Rupo a joué le jeu habituel de l'homme qui est arrivé au sommet par ses propres moyens. Révélatrice de l'esprit florentin qui anime le numero uno de la Wallonie, ces petites phrases adressées à son public nordique d'un jour: "La Flandre constitue un modèle pour la Wallonie" ou encore "Je sais que les francophones ont, par le passé, fait beaucoup de tort aux Flamands» Le plus amusant, c'est que la journaliste de la VRT a conclu cet entretien onctueux à souhait par un cinglant "OK, c'est ça!"

Suggestion: changer le nom du premier parti d'une Wallonie bien malade en MSF (soit Monarchiste, Socialiste et Francophone).

Évoquant l'affaire Arena, le Standaard (14.12.04) a titré sobrement: "Les cabinets flamands coûtent deux fois moins que ceux de Wallonie". La réalité brutale des chiffres: 64 collaborateurs pour Leterme et ... 120 pour Arena. A ce propos, remarquons que la belle Maria, après avoir pris connaissance du rap­port PISA sur le piteux état de notre enseignement, prétend qu'il y a beaucoup de choses à retirer du modèle pédagogique flamand. Apparemment, au PS, il ne vient à l'idée de personne de regarder ce qui se passe en France et de s'en inspirer. Le VLD l'a échappé belle! Jean-Marie Dedecker a remporté près de 40% des voix à l'élection pour la présidence. Sans s'épancher sur ce phénomène du populisme, retenons que le judoka avait déclaré, lors d'un Mise au point mémorable auquel, pour une fois, participait Paul-Henry Gendebien, qu'il était séparatiste et que beaucoup pensaient comme lui au sein de son parti. N'est-ce pas, M. Hugo Coveliers?

Ébranlé par le beau score de son rival flandrien, Bart Somers, le nouveau président officiel du VLD, a annoncé qu’il allait réfléchir sur l'avenir du cordon sani­taire (Standaard, 14.12.04). Il ne s'agit donc pas d'un refus catégorique comme présenté dans la presse.

Les déclarations de Philippe (Story, 02.12.04) ont été abondamment commentées. Le Volk et le Nieuwsblad doutent de l'aptitude du Prince à monter sur le trône. Matthias Danneels, du Nieuwsblad, ce­lui du sondage sur la Belgique qui a fait pousser des cris d'extase au rédacteur en chef de Vers l'Avenir, y va même d'une phrase assassine: "La Belgique s'évapore, Monsei­gneur, votre pays se morcelle, il s'effrite, il part en lambeaux Même les hôpitaux catholiques en ont marre de payer la facture belge. Si vous n'y prenez garde, les Flamands émettront bientôt leurs propres timbres".

Eric Donckier (Het Belang van Limburg, 30.11.04) estime que ce n'est pas malin de la part de celui qui deviendra un jour le Roi des Belges. Le Tijd, plus modéré, pense qu'une monarchie perçue comme plus francophone que flamande ferait mieux de ren­forcer son assise en Flandre, si elle veut survivre.

Toujours perspicace, Yves Desmet, l'éditorialiste du Morgen, fustige le fait que le Prince a attaqué le Blok pour son séparatisme et non pour le slogan "Eigen volk eerst' (notre peuple d'abord !).

Luc Van der Kelen, l'éditorialiste du très populaire Laatste Nieuws — mais aussi la bonne conscience de la presse francophone! — tient des propos sévè­res: "Il n'a pas compris la règle numéro un de la mo­narchie constitutionnelle: se taire à propos des man­dataires et des partis politiques".

Pour témoigner de la liberté de ton qui dynamise la presse flamande et d'un certain état d'esprit qui pourrait régner à Laeken, ne résistons pas au plaisir de citer Pol Van Den Driessche, journaliste à VTM et auteur d'un livre sur les dix ans de règne d'Albert II. L'entretien a paru dans le Morgen (04.12.04) et a été traduit dans l'hebdomadaire satirique Pan (15.12.04) au tirage confidentiel: « Le Roi Albert et son fils Phi­lippe ne se parlent plus beaucoup, et cela depuis plusieurs années déjà. Il y a un désaccord profond entre eux. Philippe estime que son père ne prend pas son rôle au sérieux. Il le trouve trop pépère. Et surtout aveugle devant les catastrophes qui vont lui tomber sur la tête. Philippe craint que le Vlaams Be­lang devienne très bientôt un parti tout à fait accep­table en Flandre et qu'il n'ait plus rien à attendre de ses parents dans leur mission de sauvegarde du Royaume (sa mère a même laissé tomber ses cours de néerlandais). Il a 44 ans et ses conseillers esti­ment que la situation du pays est dans une phase très critique. Ça l'inquiète beaucoup, il prend cela très à coeur et est convaincu qu'un complot flamand prépare la fin de l'institution royale. Il en est même venu à les détester, ces Flamands. Il les met tous dans le même panier, celui du nationalisme et du sé­paratisme. Et ce qui l'énerve par-dessus tout, c'est l'apathie de son père Albert Il qui est le plus souvent en vacances à Châteauneuf de Grasse qu'au Palais. »

 Tiens, voilà déjà un rattaché à la France !

Après la première déclaration maladroite du Prince Philippe concernant le Commerce extérieur, qu'il souhaite voir redevenir unitaire, le Laatste Nieuws (02.12.04) rapporte que notre ami Luc Van den Brande (eh oui! il est toujours actif) a recueilli une salve d'applaudissements au Parlement flamand après avoir fait voter, par tous les partis (à l'exception de Groen! et du SP.A), une motion exigeant que tout accord relatif au commerce extérieur mentionne expressément le caractère fédéral de la Belgique et que cette matière constitue une compétence exclu­sive des Régions.

Condamné pour racisme, le Blok s'est donc transfor­mé en Vlaams Belang. Ainsi que l'indique le manifeste de la "nouvelle" formation, le parti nationaliste n'a pas renoncé à ré­cupérer les territoires qui ont été volés (sic) à la Flan­dre (Bruxelles, Mouscron, la Flandre française...) Il paraît que la Légion étrangère est déjà prête à dé­fendre Dunkerque.

Pour lancer sa campagne, ce parti a bénéficié de la complaisance du groupe de presse flamand VUM (Standaard, Nieuwsblad, Het Volk, De Gentenaar) qui a diffusé sur une large page les publicités du Vlaams Belang. Peter Vandermeersch, rédacteur en chef du Standaard, en a même remis une couche: « Certains points du programme de Groen! sont d'ex­trême gauche et nous ne refusons pas ses encarts publicitaires. » Sans commentaire.

Dans le Morgen (12.11.04), les VLD-Jongeren (jeunes VLD), par la voix de sa présidente Dewi Van de Vyver, tiraient cette conclusion hâtive et sim­pliste: puisque le Blok est enterré, on peut conclure des accords avec le Belang!

Le Viaams Belang s'est emparé (site VB, 10. 12.04) d'une enquête internationale à grande échelle du Bureau d'Études GFK portant sur l'attitude des Occi­dentaux face à l'islam. On y découvre que les Sué­dois, les Flamands et leurs cousins néerlandais (sans doute après l'assassinat de Theo Van Gogh) sont les plus hostiles aux musulmans. La principale source de ce rejet? Non pas le terrorisme mais bien l'augmentation de la criminalité. Le plus inquiétant dans cette enquête? 78% des électeurs de Groen! et 77% du SP.A partagent cet avis. Soit quasi la même proportion que ceux du Belang (84%). Curieusement, ce sont surtout les jeunes et les diplô­més qui partagent cette vision des choses. On le voit, le parti raciste a un beau potentiel électoral à portée de la main.

L'exacerbation est telle qu'on en vient presque aux agressions physiques entre hommes politiques flamands et wallons. Ainsi, après l'émission Controverse (05.12.04) sur les propos de Philippe, Bart De Wever et Rudy Demotte ont continué de s'insulter (en flamand!) dans les coulisses de l'avenue Ariane. Le nouveau président de la N-VA s'en est plaint amèrement dans les colonnes du Standaard. Et que dire de Pieter De Crem qui prend d'assaut la tribune du Parlement, tel un sous-lieutenant espagnol, pour contrer Didier Reynders sur la DLU (de toute façon ratée...).

Le 23.11.04, les éditorialistes du Nord ont fustigé les propositions de Demotte en matière de soins de santé. Ainsi que le patronat flamand qui prône de­puis longtemps la scission de ce secteur. Celle-ci permettrait, entre autres, de créer de l'emploi ... fla­mand. Ah! ces opérations qui coûtent deux fois plus cher en Wallonie. Et puis, ce classement qui montre que les 25 meilleures places sont occupées par les cliniques flamandes et les 35 plus chères par des Wallonnes. Inge Vervotte, la très populaire ministre CD& V de la Santé en Flandre, s'était également pro­noncée pour la scission urgente des soins de santé (Standaard, 22.11.04). Le Tijd (01.12.04) donne une des clés de la stratégie flamande en la matière: le financement des soins de santé et des allocations familiales ne proviendrait plus de la source classique (cotisations des employeurs et des travailleurs) et serait puisé ailleurs. Ce qui ferait baisser les charges patronales avec un impact bénéfique sur la compéti­tivité et l'emploi en Flandre. Une scission progres­sive de la dette publique offrirait également des perspectives de financement de la Sécurité sociale régionalisée. La Flandre proposerait parallèlement un plan d'aide financière temporaire à la Wallonie et à Bruxelles pour autant que ces Régions se montrent loyales (sic) vis-à-vis du Nord. Cette aide se réduirait progressivement. A ce moment, les Bruxellois de­vraient choisir entre la sécurité sociale flamande ou un autre système.

Un sondage paru dans De Hui­sarts de décembre, l'équivalent du Journal des Médecins, revèle que 7 docteurs flamands sur 10 sont favorables à la scission des soins de santé alors que 8 sur 10 praticiens francophones y sont opposés!

Depuis quelque temps, les nationalistes flamands se divisent sur le fait de savoir si Anvers n'est pas de facto la véritable capitale de la Flandre, comme le dit si bien son bourgmestre Patrick Janssens, et si Bruxelles ne constitue pas un frein à la création d'un État indépendant (revue Doorbraak, déc. 2004).

Mais beaucoup sont d'avis que Bruxelles doit deve­nir la capitale "bilingue" de la Flandre. Et qu'il faut la laisser se développer sous pavillon flamand. L'exem­ple du Flagey constitue une bonne illustration de cette option pragmatique. Les négociateurs franco­phones ignoraient probablement que Piet Van Wayenberg, le patron du Flagey, était aussi l'ancien patron des patrons flamands et le président du groupe De Warande qui étudie actuellement les modalités de la partition de la Belgique. En somme, un "Flamand modéré" comme l'écrit subtilement La Libre .

Voici des signes qui ne trompent pas. Yves Leterme a rejeté la proposition fédérale de faire flotter le dra­peau "175/25" le 11 juillet. Le Gouvernement fla­mand ne veut utiliser ses sous que pour mettre en valeur la Flandre et non pour fêter le jubilé du pays. Et son acolyte Geert Bourgeois propose que les fonctionnaires flamands ne prêtent plus serment au Roi et aux lois du peuple belge, mais bien au Gou­vernement flamand! Et ce Tom Deslagmeulder, élu Premier ministre du Parlement flamand des Jeunes, qui a reconnu, devant une télévision régionale fla­mande, avoir des sympathies pour la politique d'im­migration du Viaams Belang . Sous la pression, le ga­min de 11 ans a quand même dû démissionner.

Laissons le mot de la fin à Guido Fonteyn, expert en "wallologie" (De Morgen 06.12.04): "La génération Di Rupo-Michel est redevenue belge", ou encore "Les Flamands pensent maintenant que les Wallons leur coûtent trop cher et qu'ils seraient plus riches sans eux".


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