Echos de Flandre - octobre 2004
Steve Stevaert (De Morgen, 13/09/04) est plus pressé que Geert Bourgeois de scinder Bruxelles-Hal-Vilvorde!
"Je veux le scinder le plus vite possible. Je veux même encore aller plus vite que Geert Bourgeois. Quand nous aurons ce problème derrière nous, nous pourrons nous atteler aux choses sérieuses. Mais, ce qui m'angoisse le plus, c'est de constater que nous aussi nous avons un mur de Berlin. Pas entre l'Est et l'Ouest comme en Allemagne, mais entre le Nord et le Sud. Tant que ce mur existera, il y aura toujours des gens qui penseront que la seule solution consiste à retirer des moyens à la Wallonie. Ceux qui rêvent d'un big-bang socio-économique se trompent. Ce n'est pas ainsi que nous sauverons notre sécurité sociale".
Le rédacteur en chef adjoint du Morgen s'est toutefois penché sur le réel caractère flamand du SP.A.
« Alors que le cartel CD&V-N-VA remplit l'écran TV de drapeaux flamands, il se laisse régulièrement battre par le tandem SP.A-Spirit en matière d'initiatives flamandes. Ce cartel est presque aussi flamand que la N-VA, mais reste silencieux à cet égard. Là où le cartel flamand pavoise à l'envi, les socialistes ne pipent mot. Vous ne trouverez pratiquement rien concernant leur stratégie flamande dans leurs grandes déclarations doctrinales. Littéralement pas un mot à ce sujet dans l'ouvrage Het derde Contract (1999) de Vande Lanotte, ou dans Open brief aan de Vlamingen (2000) de Patrick Janssens, ni dans Steve op de rooster (2003). Correction: presque rien. Dans Steve gratis (2004), on trouve un passage où l'auteur laisse transparaître tout son programme flamand et ce n'est pas la faute de Stevaert si personne n'a remarqué ce passage. Nous le citons en l'accompagnant d'un commentaire: J'entends marquer des points importants en matière de réforme de l'État. Pour moi, tout est négociable. Cette dernière phrase est cruciale. Tout, déclare Steve, donc également tout ce qui touche à la sécurité sociale. Je ne sais pas si un président du CD& V a déjà déclaré être éventuellement disposé à «tout" scinder. La structure de management des Mutualités socialistes n'est par ailleurs pas éloignée du modèle confédéral que le CD& V prône pour la Belgique. C'est pourquoi Stevaert ne s'en prend jamais au cartel flamand comme tel et qu'il l'a baptisé cartel conservateur. Stevaert a en effet compris que l'unitarisme n'est plus un thème mobilisateur et qu'il ne fallait plus remettre en question les exigences flamandes. »
La presse du Nord est persuadée que l'autre figure de proue du SP, Frank Vandenbroucke, a dû abandonner les affaires sociales à Demotte pour avoir osé demander un plus grand contrôle des chômeurs wallons.
Wim Winckelmans (Nieuwsblad, 20/10/04) ajoute à ce propos: "Vandenbroucke est de plus en plus isolé. C'est à ce moment qu'un président de parti doit intervenir. Mais Stevaert est lui-même sur le retour. Son programme `Tout est gratuit" (gratis-verhaal) est de plus en plus critiqué. Il est en butte à des problèmes d'ordre privé et il a perdu le contrôle du parti. Le résultat renvoie l'image d'un parti divisé. »
Et Bart Brinckman de conclure sur le même thème dans le Standaard (20/10/04): "Le rêve d'un parti socialiste populaire est mort. La Flandre est tout simplement trop à droite. »
En Wallonie, c'est une autre affaire. "Comment Elio tient le pays en main", "Le Régent de Belgique", "L'Empereur de Wallonie", tels sont les titres du Knack (05/10/04). Elio contrôlerait tout (c'est vrai!) grâce à la structure pyramidale du PS, une véritable machine de guerre. Et sur Stevaert, l'homme possède un avantage berlusconien: les médias sont à sa botte. Grâce à son ami Philippe Delusinne, le manitou de RTL, et au conseil d'administration de la RTBF où le PS possède la... majorité. Elio rêve bien sûr de la rue de la Loi, mais sait-il que les Flamands n'en veulent pas (ou alors pas longtemps, comme pour Leburton); tous les sondages nordistes le relèguent au bas de l'échelle de popularité des hommes politiques du pays...
Parlons un peu de la calamiteuse affaire DHL. Luc Van der Kelen (Het Laatste Nieuws, 30/09 04) estime que "l'establishment politique a subi une défaite comme il n'en a plus connu depuis longtemps. Tout le bonus du gouvernement fédéral est réduit à néant. Le nouvel espoir que les gens avaient placé dans le gouvernement flamand est entamé et le Premier Ministre a perdu sa réputation de trouveur de solution."
Pour Paul Geudens (Gazet Van Antwerpen, 22/09/04), "Di Rupo a laissé Picqué monter au créneau tout en sachant fort bien que, de cette manière, il étranglait lentement Verhofstadt. La réputation du pays, et de Zaventem en particulier, est entachée de façon irrémédiable. Nous ferions mieux de rebaptiser l'aéroport Brussels international Flanders Régional Airport."
A ce propos, Luc Van der Kelen s'est inquiété du fait "que des hommes politiques issus de partis démocratiques utilisent le langage du Blok. Ainsi Stevaert quia menacé de couper le robinet si le gouvernement bruxellois ne se rangeait pas à son avis. C'est la première fois qu'un grand parti en place brandit l'arme de la solidarité. Stevaert (ndlr:on vous le disait, un Flamand avant tout!) envisage donc la solidarité comme un mécanisme entre États-régions et non entre citoyens."
Hugo Coveliers sera le rival de Bart Somers pour la présidence convoitée du VLD. Encore plus flamand et plus à droite que Somers, l'Anversois s'est confié au très populaire Dag Allemaal (28/09/04): "Bien sûr, je ne me réveille pas chaque matin en me demandant comment je peux faire crever la Belgique! Mais je refuse en tout cas de continuer à payer un prix déraisonnable pour la maintenir. Je refuse de concéder encore quoi que ce soit à nos voisins du sud. En fait, nous devrions parler avec l'ancien président Vaclav Havel. Il pourrait nous raconter comment s'est déroulée la partition tranquille et pacifique de la Tchéquie et de la Slovaquie. Les deux pays comptent moins d'habitants que la Flandre et ils sont aujourd'hui membres à part entière de l'Union européenne. Et personne ne fait un problème de cette séparation qui s'est passée voici quelques années".
A propos de la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde, Yves Desmet (De Morgen , 11/09/04) rapporte les propos d'un homme politique flamand très en vue (et donc toujours anonyme dans ces circonstances): "Nous cracherions (sic) bien de l'argent pour acheter un accord mais de l'autre côté il n'y a pas de partenaire intéressé à se laisser acheter". Ou "corrompre", selon l'une ou l'autre traduction.
Il ne s'est bien sûr pas trouvé grand monde pour envisager que cet empressement unanime à scinder l'arrondissement représentait la réponse flamande à l'adoption quasi unilatérale du droit de vote des étrangers par les partis francophones en fin de législature.
Luc Van der Kelen l'avait pourtant promis: "Nous ferons payer les Wallons".
Le Standaard (15/09/04) a publié une enquête indiquant que 19% des électeurs du CD&V auraient bien vu leur parti former un gouvernement avec le Blok. L'Institut de sondage a tenu compte des déplacement de voix tous azimuts lors du 13 juin.
Le Blok, désormais n°1 en Flandre, a piqué 86.000 voix au CD&V, 82.000 au VLD... et 60.000 au SP.A de Stevaert. Comme quoi, le Blok drague de la Maas à l’Ijzer.
Gerolf Annemans (Het Nieuwsblad, 21/10104), l'un des trois leaders du Blok mais aussi l'un des anciens commissaires de l'affaire Dutroux, est plus que menaçant dans la perspective de la disparition de la Belgique: "il n'est pas dit qu'une séparation des biens se passera dans le calme. Il y aura des vases puants ("stinkende potjes") qui remonteront à la surface au sujet desquels il faudra dire la vérité. Mais mieux vaut une période de transition difficile pour donner de l'oxygène à la Flandre que cet éternel et paralysant statu quo belge."
Nul ne sait si ce sont les relais du Blok qui sortent les dossiers glauques de la Métropole, mais toujours est-il que le Morgen (16/10/04) a bien dû titrer: " La comptabilité du Cpas d'Anvers était un chaos total!".
On en parle assez peu chez nous, mais il manque tout de même 22,5 millions E dans les caisses! Malversations, incompétence, les deux à la fois? L'enquête est en cours. Après l'affaire des cartes visa, voilà qui risque de doper un peu plus un Viaams Blok qui rêve de faire en 2006 une OPA sur la véritable capitale de la Flandre.
Refrain connu: la Wallonie constitue un boulet pour la Flandre. Elle ressemble à l'Europe de l'Est! C'est en tout cas ce qu'a dit Bart De Wever, le nouveau président de la N-VA au Nieuwsblad (21/10/04).
Selon le département budgétaire de l'Administration flamande, les transferts s'élèveraient à 6,6 milliards E en 2003. Si l'on tient compte des transferts liés à la dette publique, on atteindrait 11,3 milliards, soit 2.000 euros par Flamand. Et, si rien ne change, ils ne feront qu'augmenter.
Durant la période 1995-2001, la croissance économique, les investissements, la productivité et le taux d'activité ont, en effet, évolué négativement en Wallonie par rapport à la Flandre.
Bart De Wever cite comme exemple de mauvaise gestion wallonne, la nouvelle gare TGV de Liège, à la nécessité douteuse, alors que la gare d'Anvers a été simplement rénovée (ndlr : pourtant Le Soir, dans son édition du 06.10.2004, prétend que la gare de Liège coûtera 300millions et celle d’Anvers 675 millions d’euros !).
Le quotidien Vers l'Avenir a plongé dans une niaise béatitude en relevant l'attachement apparent des Flamands à la Belgique. Mais les bonnes questions n'ont peut-être pas été posées ni aux Flamands ni aux francophones. La bonne question à poser aux Flamands: "Voulez-vous payer de votre porte-monnaie 2.000f euros à vos voisins wallons?". Autrement dit, 7% de vos revenus de base. La bonne question à poser aux Wallons: "En cas de disparition de la Belgique et de création d'une Wallonie indépendante, êtes-vous d'accord de voir chuter votre niveau de vie de 20%?"
Le plus amusant, c'est que le Nieuwsblad (18/10/04), partenaire des sondages, intitule son éditorial: "Twee landen, één koninkrijk" (Deux pays, un royaume selon la formule de Stevaert, toujours lui!).
Tout en répétant sa profession de foi flamande, le journal constate que "la séparation des esprits est un fait". Et il retient surtout que seulement 55% des Flamands restent attachés à la monarchie et qu'une majorité n'a pas peur de l'indépendance.
Passés inaperçus les 19% en faveur d'un rattachement de la Flandre aux Pays-Bas en cas de disparition de la Belgique. Pourtant, parmi d'autres, le très populaire animateur de télévision Sigfried Bracke (De Zevende dag et les magazines du JT) se déclare orangiste. La plupart des observateurs négligent le fait que les dirigeants du Blok, ces Serbes du Nord, gardent à l'esprit le projet d'une Grande-Néerlande, de la Frise à Dunkerque.
Enfin, grâce à une question posée au Parlement flamand, on apprend que, depuis 1993, 7.140 Flamands (sept mille cent quarante!) s'installent chaque année en Wallonie. Principalement au Pays des Collines et en Brabant wallon.
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