Echos de Flandre – février 2004

Le 8 février dernier, le Congrès du VLD a décidé de rester au gouvernement même en cas d’octroi du droit de vote aux étrangers. Ce qui fait dire à Luc Standaert (Belang van Limburg, 9.2.2004) : « Le droit de vote des étrangers va poursuivre le VLD tout au long de la campagne. L’opposition flamande, avec le Cd&V, la N-VA et le Vlaams Blok se chargeront bien de lui rappeler son attitude hypocrite dans ce dossier ».

Paul Geudens (Gazet van Antwerpen, 13.2.2004), n’hésite pas à parler de putsch en évoquant l’éviction de Karel De Gucht de la présidence du VLD : « Le programme du VLD doit passer à la trappe afin de sauvegarder la paix au sein du gouvernement. Nous le savions déjà, et c’est une fois de plus confirmé, Elio Di Rupo est le véritable chef du pays (« baas »). Pour rester son ami, Guy Verhofstadt est  même prêt à sacrifier son propre président de parti. »

Le Laatste Nieuws du même jour prétend que la vraie cause du départ de De Gucht réside dans un sondage secret qui indiquait que le VLD avait perdu un tiers de ses électeurs sur la question du droit de vote des étrangers et que le parti se trouvait désormais sous la barre fatidique des 20 %. Chose remarquable, la presse flamande n’a pratiquement pas évoqué la démission impromptue de Daniel Ducarme. Elle s’est focalisée sur les querelles de ménage du VLD. Dans le même esprit, les sondages préélectoraux du Standaard n’évoquent ni Bruxelles ni la Wallonie. Cette attitude unilatérale confirme que la presse du nord considère que seule l’actualité de la Flandre est digne de l’intérêt des Flamands.

Derk Jan Eppink, interviewé par le magazine Menzo de février dernier, est journaliste politique au Standaard. Il travaille également pour le NRC handelsblad des Pays-Bas. Cet observateur privilégié de l’actualité politique belge se risque à comparer la situation belge et celle des Pays-Bas : « Le deuxième gouvernement violet hollandais n’était pas bon. C’est dans ce contexte qu’a émergé Pim Fortuyn.  Maintenant, la Flandre possède naturellement un Fortuyn, le Vlaams Blok ». Et de prophétiser : « L’électeur trouve le cordon sanitaire injuste. Le Flamand s’identifie toujours à « l’underdog ». La Flandre a connu elle-même la position de minorisé. Ce sentiment est profondément ancré dans la culture flamande. Dès qu’apparaît un « underdog », le Flamand se dit : « Je trouve cela admirable. Et je vais l’utiliser pour balayer ces salauds d’en haut (sic). La Flandre vote à 40 % à droite. En Wallonie, c’est précisément le contraire, 60 % à gauche et 40 % à droite. Le VLD se situe à gauche (resic). Et il n’y a personne pour offrir un toit aux électeurs de droite. Même  Louis Tobback a dit que quelqu’un devait jouer le rôle d’un parti de droite. » Il y voit un potentiel de croissance énorme pour le Blok.

La Gazet van Antwerpen des 23 et 26.1.2004 critique vertement la (non-)politique de la Ministre Laurette Onkelinx : « La Ministre a peu d’intérêt pour la Flandre. Elle cultive parfois  une politique scandaleuse de La Wallonie, d’abord. Cela ne doit pas surprendre car le PS est une des partis les plus nationalistes de Belgique. Les affectations de personnel supplémentaire à la prison d’Ittre, au Tribunal du Travail de Mons et de 3 magistrats supplémentaires à Charleroi se font très vite. Même si elles ne sont pas indispensables tandis qu’en Flandre, on attend pendant des années du renfort ». Le journaliste flamand lui reproche également de détricoter les projets de son prédécesseur flamand Marc Verwilghen, d’avoir modifié d’urgence la loi  pour favoriser le retour en politique de Guy Coëme et de fermer les yeux sur les fondamentalistes musulmans tout en s’acharnant sur le Blok.

L’ancien commissaire européen Karel Van Miert (Knack, 22.1.2004) prédit que le gouvernement va mourir de ses promesses intenables et de son manque de cohésion. Il rappelle que, « contrairement à ses voisins (ndlr : dont la France), la Belgique, qui pensait pouvoir échapper à des mesures draconiennes, n’a rien décidé en matière d’économie et de sécurité sociale. Elle devra improviser, avec toutes les incertitudes que cela suppose. »

Le cardinal Joos a fait des déclarations fracassantes au P-Magazine du 21.1.2004. Le vieil ami de Jean-Paul Il condamne en vrac l’homosexualité, l’utilisation du préservatif et le suffrage universel (un homme, une voix), tout en jetant l’opprobre sur l’ensemble de la classe politique ! Eric Donckier (Belang van Limburg, 23.1.2004), qui a déjà été mieux inspiré, conclut son éditorial par ces mots : « 95 % de ce que le cardinal Joos a dit était extrêmement intéressant. Ce ne serait pas plus mal que de nombreuses personnes le lisent et y réfléchissent ».

Le fondateur du site Politicsinfo, Jurgen Verstrepen, s’est confié au périodique satirique 't Pallieterke du 24.12.2003 : « L’observateur politique voit ce qui se passe en Flandre et en Wallonie. Un exemple : la Flandre possède 645 radars et la Wallonie seulement 2. Mais l’argent va dans les caisses du fédéral alors que la plus grande partie des rentrées est fournie par la Flandre. Il faut trouver un équilibre. Il faut arrêter par tous les moyens les transferts vers la Wallonie. » En butte au Commissariat flamand des Médias, le journaliste a dû abandonner son projet de site internet indépendant. Ce qui le pousse à cette constatation, plus valable encore pour la partie francophone du pays : « Une poignée de gens décide de l’actualité politique en Flandre. Les dernières élections ont été déterminées par la télévision ». Revenons sur les radars électroniques. Le Belang van Limburg du 8.1.2004 titrait en gras « La Flandre contrôle et la Wallonie encaisse ». Karel Pinxten (VLD) a introduit un projet de loi portant sur la régionalisation du fonds des... amendes. Selon l’ancien ministre de Jean-Luc Dehaene, « ce sont principalement les autorités wallonnes qui ne font pas d’effort pour promouvoir la sécurité routière » alors que le produit des amendes est redistribué au prorata des communes.

Dans son communiqué du 14.2.2004, la N-VA se réjouit de la création du Vlaams kartel, avec le CD&V. Un « anti-Di Rupo Blok », selon la formule de Paul Geudens (Gazet van Antwerpen, 16.2.2004). Notons que l’exécutif du CD&V a approuvé l’accord à 91 % (à bulletin secret) ! Cela signifie en clair que les deux partis s’engagent à ne pas entrer dans un gouvernement sans la garantie formelle que les cinq résolutions du Parlement flamand de mars 1999 seront mises en oeuvre. Pas de chance pour l’ancien Président Stefaan De Clerck qui réclamait le départ de Luc Van den Brande, d’Eric Van Rompuy et de Miet Smet afin d’assurer le renouveau du parti (Standaard, 24.1.2004). Dans les archives du site du Parlement de la Communauté française, on trouve une répartie de Luc Van den Brande qui résume bien la mentalité de l’élite flamande : « Qu’il s’agisse de mobilité, d’emploi, d’organisation judiciaire, d’aide à la santé, d’allocations familiales, de développement économique ou de qualité de la vie, il se trouvera toujours un homme politique qui estimera nécessaire d’étendre les compétences flamandes.» (Doc. Vlaams Parlement 1573 – année 2002-2003). Un joli pied de nez à Van Cauwenberghe qui rêve béatement d’un statu quo institutionnel !

Que le CD&V ait conclu cet accord solennel constitue aux yeux des héritiers de la Volksunie un incroyable pas en avant vers l’indépendance de la Flandre. On ne résiste pas au plaisir de resservir la litanie des revendications de la N-VA. Elle montre que les réunionistes avaient raison en prédisant que le communautaire reviendrait immanquablement au galop, quelles que soient les circonstances :

« Des compétences sans partage de la Flandre en matière de soins de santé et d’allocations familiale, de politique de l’emploi, de mobilité (SNCB inclue),  de télécommunication, de politique scientifique… Une politique flamande de l’impôt sur les personnes physiques. Une autonomie accrue en matière d’impôts sur les sociétés. La régionalisation partielle de la justice et de la police. A propos de Bruxelles : la représentation garantie des Flamands à tous les niveaux de pouvoir bruxellois, le transfert des institutions biculturelles, la diminution du nombre de communes bruxelloises, le bilinguisme obligatoire des fonctionnaires bruxellois ».

Le même jour, le CD&V s’est fait (évidemment) plus sibyllin : «  Ensemble, nous voulons une Flandre avec plus de compétences afin de trouver une meilleure solution aux problèmes des Flamands. En quelque sorte, une variation du « Ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux ! » Conclusion d’une journée peut-être historique : le mot « séparatisme » n’effraie plus les caciques du CD&V. Il s’agit d’une victoire personnelle de Luc Van den Brande qui a forcé l’accord avec Geert Bourgeois la veille... de son débat au Sénat parisien avec son « ami » Robert Collignon. Signe des temps : l’ACV, le puissant syndicat chrétien du nord, un des derniers garants flamands de la sécurité sociale fédérale, suit l’évolution du CD&V avec attention, sans faire trop de vagues. De son côté, des rumeurs annoncent l’arrivée au SP-a de Mia De Viets. La raison ? La présidente de la FGTB-ABVV en aurait marre de s’éreinter à concilier des points de vue flamands et wallons totalement divergents en matière de politique sociale.

C’est André Monteyne, collaborateur de la revue Meervoud et candidat du Cd&V aux dernières élections, qui donne le mot de la fin (Tijd, 13.2.2004) : « Il est clair que les Wallons voient leur position dominante en Belgique et le système des transferts financiers menacés. L’establishment belge a également peur. La prochaine progression du Blok pourrait donner le coup de grâce à un état belge déjà si fragile. C’est pourquoi les partis officiels essaient par tous les moyens de faire taire le Blok, notamment en le privant de subsides ».

Et si c’était ce vieux briscard de Luc Van den Brande qui, en portant le coup fatal, brûlait la politesse à Filip Dewinter ?


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