Echos de Flandre – décembre 2003

Le 12 décembre dernier, l’AMSAB, l’équivalent de l’Institut Emile Vandervelde, a organisé un colloque intitulé « L’héritage d’Hendrik de Man », avec la participation des trois principales université flamandes et de Karel Van Miert. Rappelons aux plus jeunes de nos lecteurs que l’ancien président du Parti Ouvrier Belge (depuis lors scindé en SP-A et PS) prônait dans les années trente un « socialisme national ». Dès la capitulation, de Man promeut une Belgique unie autour de la personne du Roi Léopold III. Avec au bout du raisonnement, la collaboration avec l’occupant nazi et, en 1943, l’exil en Suisse. Il n’est évidemment pas interdit au SP-A de se pencher sur la vie d’un ancien dirigeant mais l’invitation et la présentation du colloque anversois ont de quoi inquiéter. Ainsi de Man est-il présenté comme « le penseur socialiste le plus important après Marx » (sic). Sans aucune allusion à sa dérive fasciste. L’inculture politique de l’agent publicitaire Patrick Janssens et du bistrotier Steve Stevaert aurait-elle permis à des intellectuels nostalgiques d’honorer la mémoire d’un éminent collaborateur léopoldiste ?

Luc Van den Brande ne se tient plus de joie (communiqué CD&V, 3.12.2003). Le parlement flamand a voté à l’unanimité une résolution exigeant la présence de députés flamands lors du prochain tour de négociation institutionnelle qui s’imposera inévitablement après le scrutin régional du 13.6.2004 La Flandre abordera une nouvelle réforme de l’Etat sur la base des cinq résolutions que son Parlement avait adoptées en mars 1999. En résumé, la scission des derniers bijoux de famille. Et Van den Brande de lancer : « Cette résolution est extrêmement importante. Grâce à la représentation garantie de députés flamands, le Parlement flamand opte pour la méthode de la Convention, comme pour ce qui se passe à l’Union européenne. Le CD&V est heureux que le Parlement flamand a repris cette idée à son compte. (…) C’en est fini des rendez-vous secrets dans l’arrière-salle des châteaux et les QG des partis ».

Hugo Schiltz, qui s’est retiré des affaires, s’est confié à Trends (4.12.2003) : « La Belgique constitue un boulet pour quiconque tend vers une gestion efficace. Maintenir une Belgique artificielle conduit à une perte de rendement, aussi bien pour la Flandre que pour la Wallonie. (…) La Justice, la Défense, la politique sociale et économique, ainsi que la diplomatie ne sont pas réformables parce que le Nord et le Sud raisonnent selon des schémas de pensée totalement différents. ».

Dans le dossier des chèques service, Luc Van der Kelen (Laatste Nieuws, 22.11.2003) fustige l’arrogance d’un PS impérialiste : « Depuis la Wallonie, il veut dominer toute la politique belge ». Sur le même thème, Eric Donckier (Belang van Limburg, 25.11.2003) estime que le PS privilégie des emplois moins flexibles, plus stables, afin de favoriser ses cohortes de « clients ».

La Gazet van Antwerpen et le Standaard du 28.11.2003 ont totalement réprouvé la séquestration des patrons de Sigma à Manage. Selon eux, le fait que ce type d’action syndicale se déroule pour la troisième fois en Wallonie n’est pas dû au hasard.

L’émission dominicale De Zevende Dag du 14.12.2003 a convié avec le sourire le représentant de « Vlaanderen vlaagt ». Vous savez, cette sympathique association qui distribue des drapeaux frappés du Lion des Flandres lors des manifestations sportives. Selon son promoteur, les téléspectateurs du monde entier ne doivent y voir qu’un seul message : « La Belgique disparaît ! ». Et d’inciter ses « amis wallons » à sortir eux-mêmes leur coq hardi. L’honorable flamingant avoue quand même que, le long du mur de Huy, il s’est fait conspuer par une partie de la foule. Appelé à voter, le public de l’émission, composé de Mijnheer tout-le-monde, a approuvé l’initiative à une belle majorité de… 79 % !

La populaire émission de fin de soirée De Laatste Show invite depuis peu des « célébrités francophones ». Le chanteur Jean-Luc Fonck, tout étonné de cette première sur un plateau du nord en 25 ans de carrière, a bien dû avouer que, hormis « Pas op ! » et autres zwanzes, il ne connaissait pas le flamand. Le présentateur prenait un malin plaisir à traduire les inepties de Fonck, tout en glissant des commentaires ironiques, incompréhensibles pour l’invité tristement unilingue. Ah, jouer la carte belge par opportunisme carriériste et snober la langue de la majorité de ses compatriotes, quel splendide paradoxe ! Que l’histrion bruxellois se rassure, la Présidente fransquillonne du Concours de Miss Belgique a subi le même sort la semaine suivante.

Evoquant le reportage poussif sur la morne vie de Philippe et Mathilde, Yves Desmet (De Morgen, 6.12.2003) a dénoncé une « servilité des médias qui n’était plus de mise depuis la cour du Roi Soleil », ainsi que l’absence de questions dérangeantes pour le brave prince. On retiendra que pour 100 minutes à RTL et 55 à la RTBF, la télévision flamande, plus respectueuse de son public, n’a passé qu’une demi-heure du belgian soap.

« Les Flamands donnent 3,6 % de leurs revenus aux Wallons et aux Bruxellois ». C’est ce qu’affirme le Standaard (5.11.2003) en parlant des « transferts nord-sud ». Régulièrement, la presse flamande fait passer les Wallons pour de vulgaires profiteurs… La veille, le Tijd avait déjà consacré une page à ce thème éminemment communautaire, avec force chiffres à l’appui. Comme tout est homogène en Flandre, le Tijd s’appuyait sur une étude de la Kredietbank (ces responsables impunis d’une fraude fiscale massive au Luxembourg…). A l’en croire, les fameux « transferts » ne cesseraient d’augmenter. Ce qui fait dire à Roger Van Houtte (Gazet van Antwerpen, 7.11.2003) : « Les Flamands sont les champions du monde aveugles de la solidarité ».

L’an dernier, la revue Wallonie-France rapportait les déclarations musclées du patron des patrons flamands Jef Roos. Son successeur Ludo Verhoeven n’a pas baissé la garde. Au Congrès du 18 novembre dernier, il a prononcé un discours choc (www.vev.be) : « L’ampleur des transferts de la Flandre vers la Wallonie, comme ils se présentent aujourd’hui, est comparable à ceux de l’Allemagne de l’Ouest vers l’Allemagne de l’Est, un pays qui a connu 50 ans de régime communiste. Mais en Allemagne, il y a un point positif : sur la fiche de paie de chaque Allemand de l’Ouest, on peut lire Solidaritätszuschlag  (cotisation de solidarité). Une inscription visible, claire et limitable dans le temps. Dans une période de basse conjoncture où l’on évoque le coût de la sécurité sociale et la baisse du taux d’emploi suite à un manque de compétitivité, ces transferts, sans explication et sans responsabilisation de la région la plus faible, sont absolument inacceptables ».

La revue Doorbraak de novembre 2003 estime que « les francophones, qui basent leur puissance sur les syndicats et les mutuelles, restent allergiques à toute forme de régionalisme, de confédéralisme ou de nationalisme. Les barons salonards de la FEB refusent aussi toute forme de régionalisation, notamment en matière de soins de santé. « Parce que c’est le meilleur garant de l’unité belge », commente Pieter Timmermans dans le Trends du 18.9.2003.

« Le cordon sanitaire s’effrite peu à peu », c’est un des grands titres du Standaard du 12.11.2003. Dans le Morgen du lendemain, Yves Desmet considère que le CD&V se trouve à la croisée des chemins. Yves Leterme, le nouveau président, et Piet De Crem, en termes plus francs, ont déploré le maintien du cordon sanitaire autour du Blok. Desmet estime que l’hostilité du monde syndical chrétien flamand (ACV) à ces prises de position a le mérite de clarifier la situation : « Soit le CD&V choisit le centre, soit il opte sans réserve pour la droite conservatrice du revenant Leo Delcroix et de ses amis ». Hugo Coveliers, qui s’est vu privé de son salaire de chef de groupe VLD au sénat (Christine Defraigne sait ce que cela représente…) pour avoir traité le SP-A de kollaborateur des francophones après le débat sur le droit de vote des étranges, estime également que le cordon sanitaire est contreproductif : « Le PS a de grandes idées sur le Vlaams Blok mais en réalité il n’y comprend rien. Il ne connaît pas le phénomène et beaucoup sont encore convaincus que tu dois avoir un passé nazi pour voter pour ce parti. Ils ne peuvent pas croire que des gens votent pour le Blok simplement par mécontentement. » (P-Magazine, 4.12.2003). Au VLD, annoncé en perte de vitesse, on redoute que Coveliers ne fortifie une section anversoise proche de Ward Beysen et du Blok.

Le Standaard (18.10.2003) évoque les thèmes qui motivent les choix électoraux des Flamands. Dans l’ordre croissant, l’emploi, la sécurité sociale et les soins de santé. Trois thèmes éminemment communautaires… Durant les six mois écoulés, le thème de l’autonomie de la Flandre est passé de la 14ème à la 10ème place, soit la meilleure progression après celui  de la sécurité alimentaire.

Esquissant un parallèle entre le débat sur le droit de vote des étrangers et le sondage de La Libre qui montre l’énième progression du Blok et l’accession de Filip Dewinter à le 3ème place des hommes politiques les plus populaires en Flandre, Luc Van der Kelen (Laatste Nieuws, 12 et 15.12.2003) conclut que l’approbation de la loi donnera une nouvelle impulsion aux fascistes du nord. Le fait que la Wallonie a voté à l’unanimité contre la majorité de la Flandre rompt pour la première fois (sic) le contrat social qui unissait le nord et le sud du pays. Cela laissera sans nul doute des traces profondes.

L’abondant courrier des lecteurs flamands sur le sujet atteste cette analyse.


© R.W.F. Dernière mise à jour le Thursday, November 22, 2007 - Ce site est le seul officiel du R.W.F.