Echos de Flandre - juin 2003

Après le 18 mai,  le parti indépendantiste flamand  est devenu le plus grand parti de Flandre : le Vlaams Blok et la NV-A frôlent à eux deux le million d’électeurs ! Notons au passage les 189.944 et 145.225 voix de préférence de Frank Vanhecke et de Filip Dewinter, respectivement Président et leader anversois du Vlaams Blok. Ce résultat, qui ne relève plus de l’accident de parcours, les place en 6ème et 7ème position au hit parade flamand, devant Patrick Dewael et juste après Bert Anciaux. Enfin, la gauche flamande dans son ensemble (Agalev, SP-A et Spirit) a subi un échec, passant en quatre ans de 30 à 26 %. C’est clair, on se dirige tout droit vers un système bipolaire : une Flandre de droite conservatrice contre une Wallonie libérale sociale ou socialiste. Le syndrome tchécoslovaque, en quelque sorte !

Sur son site, Vlaanderen Onafhankelijk nuance le vocabulaire qui alimente les conversations des élites du nord du pays : « Certains hommes politiques flamands comprennent bien que l’indépendance de la Flandre constitue la meilleure solution mais cependant ils n’osent pas le dire haut et clair : l’indépendance représenterait un saut dans l’inconnu ou serait nuisible à leur carrière au sein de l’Etat belge. C’est pourquoi la confusion est entretenue de manière intentionnelle. On jongle avec des termes ambigus comme « l’autonomie la plus poussée », « le confédéralisme », « l’autonomie maximale », « l’indépendance interne » (sic).

Le 22.4.2003, le Standaard a répercuté les réactions indignées au « Doe de stemtest », une émission de la VRT qui sous forme de jeu politique était censée évaluer la popularité des partis politiques flamands. Les critiques déploraient que la télévision d’Etat avait cru bon d’éviter les thèmes communautaires, avantageant ainsi le SP.A, Spirit et Agalev. Un des concepteurs du produit médiatique, le professeur Stefaan Walgrave, s’est justifié en déclarant que les électeurs ne votent pour un parti que sur la base de 3 à 5 thèmes au grand maximum. Et de citer en exemple le fait que le « Stemtest » a montré que 35 % de Flamands (resic) sont en faveur de l’indépendance : « Cela peut sembler beaucoup mais peu de gens choisiront un parti en fonction de cette conviction. »

Par son communiqué de presse du 27.4.2003, la NV-A, qui selon Karel De Gucht lui-même a obtenu un score plus élevé qu’attendu, se réjouit que le VLD, le CD&V et le SP.A, lors de l’émission De Zevende Dag (chaque dimanche à partir de 11 h 15, l’équivalent de Mise au point, en moins soporifique) ont répondu positivement à une intervention de sa députée Frieda Brepoels. Celle-ci réclamait la régionalisation de la Justice. Les partis flamands invités ont sauté sur l’occasion pour fustiger l’opposition (tegenwerking) des francophones dans de nombreux dossiers (snelrecht, centres fermés pour jeunes délinquants…), ce qui empêche la mise en œuvre d’une politique efficace. « Cela ne sert à rien de pinailler encore quatre ans avec les francophones : les divergences sont permanentes et les solutions tangibles inexistantes » résume Geert Bourgeois.

Karel De Gucht était l’invité d’honneur du Liberaal Vlaams Verbond le 4 juin dernier à l’Hôtel Métropole. Interrogé sur une nouvelle réforme de l’Etat, le Président du VLD a répondu : « La Wallonie a un réel besoin d’argent, même dans des dossiers qui relèvent du Fédéral : les soins de santé, la SNCB, La Poste, Kyoto sont des dossiers à forte charge communautaire. Ne vous attendez pas à de nouvelles réformes institutionnelles (ndlr : jusqu’aux élections régionales de 2004) mais surtout à des étapes pratiques sur le chemin d’une plus grande défédéralisation de toutes sortes de services et de mécanismes ». Il a conclu la soirée en déclarant que l’extrême-droite réussit moins bien en Wallonie pour deux raison principales : les fascistes francophones sont des amateurs par rapport à la machine bien huilée du Blok et la culture politique wallonne basée sur le clientélisme donne à la population un plus grand sentiment de protection

Les éditorialistes flamands ont condamné avec une touchante unanimité les deux « Lettre aux Flamands » de Di Rupo (surnommé « Monsieur Non » en Flandre) et de Michel. Le CD&V n’a pas du tout apprécié l’appel du chef MR à voter contre lui. Qui s’étonnera dès lors de la radicalisation communautaire de ce parti. Pour la presse flamande, ces appels (pathétiques, en quelque sorte) s’apparentent à un emballage soyeux du « non » francophone à toute nouvelle régionalisation. Ils relèveraient de la méconnaissance totale de l’adage flamand « Ce que nous faisons nous-mêmes, nous le faisons mieux ». Le Tijd du 9.5.2003 précise même que « Di Rupo fait comme si la solidarité de la Flandre envers la Wallonie ne posait aucun problème aux Flamands ».

La presse a passé sous silence la riposte rondement menée par le TAK (Taal Actie Komitee) le 14 mai dernier au… boulevard de l’Empereur, le siège de la « PS-mafia du Sud » ou du « Di Rupo Blok », comme on dit en Flandre. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, ils ont recouvert la façade flambant neuve de leurs charmants calicots. On ne sait pas si la police fédérale est intervenue…

On le sait, Kubla et Onkelinx ont intenté une action en justice contre la NV-A de Geert Bourgeois pour incitation à la discrimination. Ce parti a principalement fait campagne sur le thème des transferts nord-sud qui, selon la KBC (Kredietbank), s’élèveraient à 10 milliards €, soit 5.000 € par famille flamande. Le retour de flamme ne s’est pas fait attendre : peu avant le 18 mai, la NV-A a suggéré à Patrick Dewael de commander une étude à une ou plusieurs universités flamandes sur ces fameux transferts : « Les Flamands ont le droit de savoir ce que deviennent leurs impôts et pourquoi les Wallons ne se portent pas mieux malgré la solidarité de la Flandre ». Ce qui fut accordé !

Bart Somers vient de remplacer Patrick Dewael à la tête du gouvernement flamand. Le bourgmestre de Malines a un profil (encore) plus flamingant et droitier que Dewael. Quelques exemples : Bart Somers a été élevé dans le giron de la Volksunie. A l’heure actuelle, il ne parle pas français. Son père, Joos Somers, sénateur VU, a publié en 1962 un opuscule qui réclamait (déjà) l’amnistie pour les collaborateurs flamands. Au moins, Dewael, fils de résistant, a toujours été un libéral bon teint. Bart Somers dirige d’une main de fer la ville de Malines depuis octobre 2000, avec l’appui, entre autres, de ses comparses de la NV-A. Pour ses détracteurs, c’est un populiste pur sang qui privatise tout ce qu’il peut : « Nous menons une politique plus libérale que jamais » se plaît-il à répéter. Cet ambitieux sans borne gouvernera donc la Flandre, non sans déléguer la mairie de Malines à son ami du VLD Koen Anciaux, le fils de Vic et le frère de Bert ! En 2001, Johan Sauwens a dû démissionner pour avoir participé à une commémoration d’anciens du Front de l’est (Sint Maartensfonds). Et bien, en 2002, Bart Somers, a confié au Morgen qu’il ne regrettait en rien d’avoir pris la parole lors d’une commémoration malinoise du Guldensporencomité (Comité des Eperons d’Or) organisée par Ward Steffens, un sympathisant du Blok, le Sint Maartensfonds et le VJM (jeunes fascistes flamands) soutenant la manifestation. Pour Bart, l’opportunité d’affiner son profil de bon Flamand était vraiment trop belle ! Il est vrai que dans la cité du Cardinal le score du Blok avoisine les… 25 %.

On chuchote que Patrick Dewael, monté au Fédéral, ne dirait pas non au portefeuille de l’Intérieur : quel beau tandem il formerait avec Paul Van Grembergen, le Ministre de l’Intérieur Spirit du gouvernement flamand ! Tous deux sont en effet chaudement partisans de la suppression pure et simple des facilités dans les communes de la périphérie bruxelloise. Autant dire qu’avec ces deux hommes au gouvernail, Maingain peut dire adieu à son maigre lot de consolation qui a nom « rapport Nabholz-Heidegger » !

Norbert De Batselier, considéré comme l’idéologue du partis socialiste flamand, a publié récemment un essai sous le titre menaçant « Dynamiek of dynamiet ? » qui fait penser au « Eerst blabla en dan boem boem » (faut-il traduire ?) des ultranationalistes flamands. Le Président du Parlement flamand désire convaincre les francophones de la nécessité de négocier une nouvelle réforme de l’Etat. Notamment dans le domaine de l’autonomie fiscale et de la sécurité sociale. Mais que restera-t-il de commun, lui demande le Knack du 4.6.2003 ? : « Les affaires étrangères, la défense (ndlr : deux domaines convoités par l’Union européenne !), une grande partie de la Justice, le financement de la dette et le véritable fondement de la sécurité sociale : les allocations de remplacement comme les allocations de chômage, les pensions ou l’assurance maladie-invalidité ». Oufti ! Comme toujours, on ne parle pas d’indépendance mais d’une meilleure gestion de la Flandre, plus proche des citoyens. C’est sous ce même fallacieux prétexte que Johan Sauwens, tout comme le SP-A Renaat Landuyt, réclame la régionalisation de la politique des salaires qui s’adapterait de facto à la productivité des Wallons supposée plus faible.

En choeur, la presse flamande a condamné le parachutage de Ducarme au Parlement bruxellois. On ne sait trop pourquoi mais les gens du Nord décrivent comme un « Vlaamshater » (flamandophobe, pour rester poli) le maquignon qui a fait en sorte qu’un échevin flamand soit présent dans chaque commune bruxelloise. Toute la Flandre a d’ailleurs ressenti son unilinguisme naïf comme une provocation supplémentaire.

Dans le futur immédiat, Rik Van Cauwelaert, le rédacteur en chef du Knack (11.6.2003), dont Le Vif-L’Express chaperonné par les Flamands du Roularta Mediagroup n’est qu’une pâle copie, analyse la stratégie du VLD sous la houlette de Karel De Gucht. Elle consisterait à isoler Verhofstadt, qui lorgne un sofa européen en 2005. Cette alléchante et juteuse perspective couperait de plus en plus le Gantois de la réalité belge (sa promesse de créer 200.000 emplois !). Le machiavélique et peu fraternel De Gucht aurait prévu de substituer Dewael à Verhofstadt. Le remplacement de deux verhofstadtiens (Gabriëls et Vanhengel) par deux dewaeliens au gouvernement flamand en constituerait la preuve. Louis Michel, ce  triste « Nihil obstat » de Verhofstadt, a déjà laissé entendre qu’il faudrait lui passer sur le corps pour réaliser ce noir (et jaune) dessein.


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