Les Wallons, Boat people » politique ? L’axe London-Antwerpen-Brussel interpelle !

La diplomatie anglaise, experte depuis des siècles en affaires continentales, a compris que la Belgique, comme Etat, se porte mal, ne connaissant que des gouvernements de rencontre depuis 2007. Certains faiseurs d’opinion et même quelques politiciens adeptes de l’autodérision comme mode de  pensée semblent se féliciter de la performance belge : « Enfin un vrai record à notre actif ! » Un record de non-gouvernance ! Leur besoin de consolation est tel qu’ils en sont venus à ressentir de la fierté : « Grands dieux, il y a un projet de budget, c’est que M. Leterme a quelque chose du génie… » Tant mieux pour eux : tant qu’à dépérir, mieux vaut y passer dans l’inconscience et dans la torpeur routinière de l’enlisement irréversible.

Entretemps, ce qui passionne les médias et une bonne partie de l’opinion wallonne, c’est le sort de la majorité dans la brillante municipalité d’Ans-les-Liège, sans parler des prestations ludiques et télévisées du Ministre-réviseur Daerden. A vrai dire, l’événement des derniers jours aura été la réception offerte par M. Cameron à M. De Wever, au 10, Downing Street, le siège prestigieux du gouvernement de sa Gracieuse Majesté.

Avec un sens aiguisé de la « real politik », le Premier ministre anglais apporte sa reconnaissance officielle à un parti d’opposition qui prépare ouvertement l’après-Belgique. Voici un grand voisin européen qui ne craint pas, en fonction de ses intérêts, de faire savoir qu’il est disposé à contresigner l’acte de décès de l’Etat belge. L’affaire est significative : elle en dit long sur l’état d’esprit qui règne dans les chancelleries quant à la survie, à court ou à moyen terme, de « l’homme malade de l’Europe ». Principale garante de la stabilité européenne issue du Traité de Vienne, Londres fut « l’inventeur » de l’Etat belge en 1830-1831. Aujourd’hui, les Anglais considèrent de plus en plus que la Belgique a fait son temps, qu’elle a perdu l’utilité qui fut la sienne autrefois.

The job is done...

« The job is done », comme l’écrivait récemment un hebdomadaire britannique influent (The Economist, 6.9.2007). Moins réservée que la France ou l’Allemagne, la Grande-Bretagne se montre en tous cas informée des rapports de force politiques à l’intérieur de la société flamande. Elle prend les devants, se plaçant en posture avantageuse vis-à-vis de ceux qui dirigeront demain la République de Flandre. Elle sait aussi l’importance d’une coopération intense, sur tous les terrains, avec la Flandre. La position traditionnelle et historique de Londres ne varie pas : s’assurer un maximum de têtes de pont politiques et économiques sur le continent. Albion a toujours eu plusieurs fers au feu : actionner continûment la balance entre Paris et Berlin, introduire des leviers, partout où cela se peut, dans les failles de la relation franco-allemande. La Flandre est l’un de ces leviers potentiels.

Pendant que M. De Wever construit l’avenir flamand, tout va très bien pour madame la marquise wallonne. Ecoutez-la, musant sa chansonnette comme la cigale :
« Profitons des derniers bons moments de l’Etat Providence belgo-flamand, attendons le faux-pas de la N-VA et son départ. D’ailleurs, M. De Wever est de plus en plus isolé en Flandre ; Nous l’allons bientôt démontrer… »

C'est Di Rupo qui est isolé...

La bonne question n’est-elle pas celle-ci : « Qui est le plus isolé en Europe : M. De Wever ou M. Di Rupo ? » La N-VA, comme la fourmi de la fable, s’active ; elle prend en temps utile les dispositions internationales nécessaires dans la perspective d’une prise de pouvoir en Flandre. Rien de surprenant à cela : on connaît l’ambition du mouvement flamand : « Een Vlaamse Staat in Europa », un Etat flamand dont le chef pourra enfin s’asseoir à la table du Conseil européen, aux côtés de Mme Merkel, de M. Cameron et M. Sarkozy, sans passer par les services d’un intermédiaire belge superfétatoire.

Nos braves autruches francophones officielles devraient oublier leurs vaines illusions. On n’étouffera pas la révolution tranquille de la Flandre. La Wallonie – et Bruxelles avec elle – doit cesser de se confiner dans l’anecdote et dans l’immédiat. Elle ne peut pas indéfiniment supplier la Flandre sur l’air pitoyable du « Ne me quitte pas ! » Nous autres Wallons et Bruxellois, nous avons besoin d’une politique, c’est-à-dire d’un cap et d’une stratégie. Nous ne les apercevons pas.

Prévoir c'est gouverner !

Il serait temps que les plus responsables et les plus lucides, dans notre classe politique, se mettent à l’ouvrage et préparent l’internationalisation de la crise belge et de la succession d’Etat. Si nous ne nous y employons pas, alors la Wallonie risque de devenir un « boat people » politique, naviguant à vue près d’une côte parsemée de récifs et infestée de pirates. Il est urgent pour elle de s’extraire de son provincialisme à courte vue et de sa dépendance systémique à l’égard d’une Flandre qui veut de plus en plus la souveraineté. La négociation ou plutôt la pseudo-négociation actuelle pour réformer l’Etat est une tragique humiliation pour les partis francophones. Pourquoi s’y résignent-ils ?


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