Gouvernement provisoire - 27 novembre 2010
Editorial (extrait) de Rik Van Cauwelaert, rédacteur en chef du Knack

Quel bonheur que la télévision n’existait pas pendant les journées de septembre et d'octobre 1830. Sinon, Charles Rogier, Alexandre Gendebien, Louis de Potter et Félix de Mérode auraient dû s’expliquer publiquement au sujet de leur Plan B visant à séparer la Belgique des Pays-Bas.
« Ces Messieurs comprendront aisément que les provinces flamandes, donc la majorité des Belges, sont opposées à cette scission. » Telle eût été l’une des questions qu’un journaliste de l’époque n’aurait certainement pas manqué de poser. Avaient-ils bien pensé à ce que cela allait coûter à tout le monde ?
Et ces transferts financiers du Sud vers le Nord (ndlr : Pays-Bas) étaient-ils aussi grands ?
Le Nord s’appauvrirait sûrement après cette scission. Ce serait un recul de la civilisation.
D’autre part, la petite Belgique serait-elle été viable ?
Ne pouvaient-ils pas concevoir qu’une sécession se heurterait à la résistance de la conférence des grandes puissances qui lors du Congrès de Vienne avaient péniblement bâclé la question du Royaume des Pays-Bas ?
Et quid d’Anvers, le moteur de notre prospérité belge ? C'est quand même impensable que les Hollandais abandonnent le port d’Anvers !

Suite à ce qui précède, un grand expert aurait conclu l’émission sur une possible indépendance de la Belgique par cette sentence : « Aucune personne sensée n’y croit. »

Parce que les séparatistes du Gouvernement provisoire en ont eu la volonté, l’indépendance de la Belgique fut reconnue à la Conférence de Londres le 20 novembre 1830 par les puissances européennes.

Dans une publication, restée confidentielle à l’heure actuelle, Le prix de la séparation (De prijs van de scheiding, Pelckmans, 2007), d’éminents historiens se sont penchés sur les conséquences financières et économiques de l’éclatement du Royaume Uni des Pays-Bas. Et celles-ci ont été positives tant pour le nord que pour le sud, en particulier. En 1840, le rétablissement économique d’Anvers et de son port était déjà perceptible (ndlr : grâce à l’appui militaire de la France en 1832).

La mise en place de la liaison ferroviaire avec Cologne avait plutôt accéléré l’essor du port d’Anvers. Comme conséquence également de l’innovation technologique, l’industrie belge arriva à cette époque au sommet.

Sur les marchés internationaux, la Belgique, malgré une lourde dette, bénéficia du réseau financier des Rothschild. A la fin du 19ème siècle, la Caisse de l’Etat avait absorbé les coûts financiers de la séparation.

Entre les deux, le Gouvernement provisoire rédigea une Constitution qui fut reconnue comme un chef-d’œuvre dans toute l’Europe.

Aujourd’hui, il existe un gouvernement provisoire, composé de sept présidents de parti, qui se concertent depuis six mois pour modifier une nouvelle fois la Constitution, la sixième réforme de l’Etat en ligne. Le PS liégeois et régionaliste Jean-Maurice Dehousse l’avait prédit : «  Je crains que si la boîte de Pandore sous forme d’une réforme de l’Etat imposée était ouverte, nous serions confrontés à nous-mêmes d’une façon douloureuse. »
La boîte de Pandore est pour le moment largement ouverte. Le conciliateur royal Johan Vande Lanotte formulera l’énième proposition de compromis, avec quelques modifications de la loi de financement à la marge – celles qui donneront un espace insuffisant en matière d’autonomie fiscale des entités - et quelques concessions flamandes pour la scission de BHV.

Pendant le débat qui a suivi l’émission de la VRT (ndlr : dimanche 21 novembre) au sujet du Plan B, le PS Paul Magnette a laissé entendre que la Wallonie avait encore besoin de 10 à 15 ans pour se relever sur le plan économique et financier. Jusque là – mais cela n’a pas été dit – la caisse fédérale belge doit être maintenue en l'état. En conséquence, c’est du temps gagné. Voilà la stratégie des partis francophones. Malheureusement, la caisse fédérale est vide et il n’y a plus de temps à perdre […]

Traduction libre de F. Delaulnaye

Belgium : les caisses sont vides et les marchés sont suspicieux


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