Kris Hoflack, rédacteur en chef lucide de la VRT - 21 novembre 2010

Le très belgicain Kris_Hoflack est le maître d’œuvre de l'émission de la VRT consacrée au Plan B. Son entretien accordé au Soir ce samedi est plus éclairant que son émission confinée au consensuel, conformément à notre culture politique...
Si même Hoflack se met à douter !

« Qu'il est difficile d'organiser un débat en même temps sur les chaînes flamande et francophone, peste-t-il. Cela montre que quelque chose ne fonctionne pas dans ce pays ! » Au cœur des difficultés, la présence du Vlaams Belang sur le plateau. « Je ne comprends pas l'attitude de la RTBF. C'est un combat symbolique... Et le Vlaams Belang était partie prenante du Bye Bye Belgium... On n'arrivera jamais à avoir un débat commun, alors ! Or, il me semble que l'enjeu est quand même très important. Mais même au-delà de la question du Belang, il est tellement compliqué de savoir qui peut-être présent, comment. Je comprends pourquoi on n'arrive plus à conclure un accord dans ce pays... Alors, autant se séparer. Je me fais vraiment du souci... »

Les deux chaînes diffusent ensemble un débat consacré à la scission du pays ? Surréaliste, non ? La mort du pays en direct ?

On sent que nos deux mondes se séparent de plus en plus. Il y a dix ans, on ne parlait pas de ce plan B. Mais aujourd'hui, nous ne sommes plus en état de conclure un accord, même si les relations personnelles restent bonnes. Et ce n'est plus un tabou.

Une telle émission alors que Johan Vande Lanotte mène sa mission de conciliation...

Je ne pense pas que les médias influencent à ce point la politique. Et les politiques eux-mêmes parlent du plan B, les socialistes francophones sont les premiers à le faire. Il est légitime que nous faisions une telle émission. C'est un sujet dont tout le monde parle.

Pour dire que la séparation semble inévitable ?

Notre approche est extrêmement nuancée, sérieuse, ce sont douze experts qui évoquent toutes les dimensions de la discussion. Il ne s'agit pas de dire que c'est inévitable.

Nous avons fait l'exercice auparavant, nous aussi. La séparation semble tellement compliquée à réaliser qu'elle serait impossible ?

Oui, enfin... Le résultat de ce travail sérieux que nous avons mené est nuancé : c'est compliqué, oui, c'est très compliqué, mais c'est possible ! Au bout du compte, ce serait une décision politique. Ce sont eux qui doivent savoir s'ils consacrent leur énergie à cela ou à ce qui se trouve aujourd'hui sur la table.

L'émission « Bye Bye Belgium » de la RTBF, en 2006, ce fut un tournant ?

Pour nous Flamands, ce fut la démonstration que l'on en parlait de façon ouverte du côté francophone. C'était certainement excessif, ce n'était pas très nuancé, mais cela était bien le signal de quelque chose qui vit dans la société. Je suis dans le journalisme depuis vingt ans, c'était alors totalement inimaginable d'en parler.

La séparation du pays figure au menu du principal parti flamand. Mais ce sont les francophones qui en parlent. Étrange, non ?

Il y a une rupture de confiance des deux côtés du pays. On pourrait se dire qu'il suffit de se mettre autour de la table et de conclure un bel accord. Mais les francophones craignent de s'appauvrir, les Flamands ont peur d'un mauvais accord. Le cœur du problème, c'est que les partis ne sont plus en état de s'entendre. Je constate qu'il y a deux grands partis autour de la table avec des mandats clairs de l'électeur, et ils peinent à se comporter en adultes. Di Rupo est amer parce qu'il n'a pas réussi, De Wever est las. Mais comment est-ce possible ? Nous parlons quand même de l'avenir d'un pays, non ? Si ce n'est plus possible, séparons-nous...

Cette émission est-elle un signal d'alarme ? S'il n'y a pas d'accord, alors, séparons-nous ?

C'est un sujet dont il est légitime de parler, voilà notre intention. Mais ce n'est pas simple de scinder ce pays, hein ! En en parlant, je me dis que c'est peut-être inconsciemment un moyen de mettre les politiques devant leurs responsabilités.

Personnellement, comment vivez-vous cela ?

Je trouve cela dommage qu'on ne soit plus en état de comprendre l'autre comme avant, de faire un pas dans sa direction. Or, la confrontation de deux cultures est toujours un enrichissement. Que faut-il faire ? Une réforme de l'État, j y suis favorable, devrait donner plus d'autonomie, tout en renforçant le fédéral. Mais je ne sens plus la volonté d'arriver à quelque chose. D'aucun des deux côtés. Je comprends les réticences du PS et de la N-VA, mais il faut faire des concessions. Sans confiance, nous n'irons nulle part.

Vous parliez des difficultés de collaborer avec la RTBF pour réaliser le débat ? Mais vous essayez pourtant de développer ces collaborations ?

Celles qui fonctionnent, ce sont celles qui concernent l'étranger, des échanges d'images. Sur le plan de la politique intérieure, nous aimerions le faire, mais cela ne réussit pas. Les relations personnelles sont excellentes, les intentions réelles, mais à la fin du chemin, cela ne fonctionne pas. Parce que l'on a peur, que nos visions sont différentes. C'est étrange.


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