Les partis croient-ils aux sondages ? - 31 mars 2009

par Vincent de Coorebyter, Directeur général du Crisp - Le Soir du 31 mars 2009

Le Directeur du Crisp (Centre de Recherche et d’information socio-politiques) est sans doute le meilleur observateur de notre actualité politique agitée.

Il s’étonne de l’importance croissante des sondages - nous avons déjà dénoncé la déontologie  plus que douteuse de Dedicated Research - sur les états-majors en campagne.
A chaque scrutin, les erreurs sont pourtant nombreuses.
On se souvient de la triste percée du FN qui passa au premier tour des présidentielles françaises alors que les sondages annonçaient Jospin.

Extrait de la carte blanche de Vincent de Coorebyter parue dans Le Soir :

[…] Il n’est pas sûr, pourtant, que les partis croient aux sondages, même et surtout quand ils ajustent leurs listes en fonction des derniers mouvements de l’opinion. Même si elle peut paraître un peu compliquée, on peut faire l’hypothèse inverse : les partis tiennent compte des sondages, non pas parce qu’ils croient que les intentions de vote affichées se concrétiseront le jour dit, mais parce qu’ils ont appris à ne pas y croire, parce qu’ils ont compris que les résultats effectifs risquent d’être plus décoiffants encore que les sondages. Ils ne croient pas, naïvement, que tel ou tel chiffre précis livré par un sondage se vérifiera le jour du scrutin : ils anticipent la surprise à venir en amplifiant les tendances indiquées – surtout si elles sont inquiétantes –, voire en essayant de deviner l’événement qui risque de démentir les sondages.

(Le politologue rappelle le score surprenant de Jean-Marie Dedecker en 2007, la déroute d’Agalev en 2003, la razzia du Vlaams Belang en 2004, trois événements non prévus par les sondeurs)

Il reste donc de la marge avant d’arriver à de véritables surprises, qui viendront d’ailleurs peut-être d’où on ne les attend pas. Comme le commentaire politique en général, les sondages concentrent l’attention sur les cinq partis francophones (note : quatre partis en réalité  puisque le FN n’apparaît que dans… les sondages) qui possèdent une représentation parlementaire, alors que la crise communautaire d’une part et la crise économique et financière d’autre part pourraient conduire à des scores inattendus en faveur des « petits partis », qu’ils soient rattachistes, de gauche radicale ou, à Bruxelles, régionalistes ou de tendance islamiste.

A moins bien sûr que la surprise soit qu’il n’y ait pas de surprise, que chaque parti obtienne un score qui se tient dans les limites de ses résultats antérieurs.

Comme l’ont montré André-Paul Frognier et son équipe à propos des élections de 1995, un scrutin peut se caractériser par de vastes déplacements de voix en sens divers qui s’annulent partiellement les uns les autres, et qui amènent chaque parti, malgré un électorat renouvelé, à décrocher un score assez habituel.
Raison de plus pour se méfier des sondages, pour s’abstenir de leur donner une valeur prédictive et pour ne jamais qualifier une élection, comme on le fait parfois, de sondage grandeur nature. Entre les deux, ce ne sont pas seulement la taille de « l’échantillon » ou les procédés de collecte des chiffres qui diffèrent, c’est la nature même de l’acte posé par le citoyen – qui, lui, ne s’y trompe pas.

Sujet signalé par Anne P.


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