Un journaliste flamand dénonce une certaine Flandre - 13 mars 2009

Billet d’Olivier

Comme je l'explique dans une précédente note, le Gouvernement Flamand a récemment publié une offre d'emploi pour un "manager de l'image" ("imagomanager").
Le candidat aura la lourde tâche de donner une image positive de la Flandre auprès de la communauté internationale. En particulier, il devra expliquer les pratiques flamandes qui sont sévèrement critiquées par la presse internationale et qui ont été condamnées par les plus hautes instances européennes et mondiales.

La Flandre engage un manager de l'image

Ce matin, le journaliste (ndlr : de gauche) Douglas De Coninck du quotidien De Morgen a publié une lettre de motivation factice et ironique pour dénoncer l'attitude de l'autorité flamande qui préfère mettre sur pied un véritable service de propagande plutôt que d'abandonner enfin sa politique sectaire et discriminatoire à l'encontre des francophones de Belgique.

La lettre de Douglas De Coninck

Cher Monsieur, Madame,

Comme vous l'avez déjà probablement appris, ce journal doit subir une cure d’amaigrissement et nous ne savons toujours pas qui doit rester et qui devra partir. Vous comprendrez que dans ces circonstances, je préfère garder plusieurs options ouvertes.

J'ai près de vingt ans d'expérience dans un journal flamand de qualité, je vis et je travaille à Bruxelles, je peux dire que je suis ici beaucoup en contact avec la communauté internationale. Je connais de nombreux correspondants étrangers, votre groupe-cible. En toute modestie: je ne pense pas que vous allez trouver aussi vite un meilleur candidat pour le poste de fonctionnaire de l’image flamande. Mais avant que je signe, je voudrais faire sept petites suggestions. Un rendement optimal pour cette rémunération de 43.284 euros brut par an.

1. Peignez les poteaux de circulation à nouveau en rouge et blanc. Vous ne pouvez pas exiger d’un manager de l’image qu’il explique au monde que le premier acte politique de la Flandre autonome a consisté à peindre les poteaux en jaune et noir (ndlr: les couleurs du drapeau séparatiste flamand) et qu’il annonce sans une pointe d'ironie que des études ont montré que le jaune et noir est mieux pour la sécurité (ndlr: explication officielle du gouvernement flamand). Je préfère vous le dire de première main: They won’t buy it (en anglais dans le texte, "Ils ne vont pas l'acheter", signifie "Ils ne vont pas avaler cela").

2. Nommer les maires dans la périphérie bruxelloise. Vous le savez aussi bien que moi que, une fois en poste, le manager de l’image recevra beaucoup de questions sur ce sujet. Eh bien, ce n'est pas pour expliquer que Marino Keulen trouve génial que des bourgmestres flamands de BHV abusent de leur fonction, élection après élection, pour l'action politique, mais plutôt pour réagir à cette rage incandescente qui sévit quand trois bourgmestres francophones font quelque chose de semblable. Les bourgmestres flamands ont refusé d’envoyer les convocations électorales aux citoyens. Les francophones l’ont fait, bien que n'étant pas en pleine conformité avec la circulaire Peeters. Je le regrette, défendre cette forme d’indignation sélective à l’encontre d’un étranger (ndlr: un belge francophone!), cela ne va pas. Grâce à une habile stratégie de marketing qui reviendrait à vendre des boîtes de conserve pour chats comme de la bonne viande de ragoût, cela pourrait fonctionner. Mais pas ce que vous faites.

3. Enlevez tous ces panneaux "Ici on parle uniquement néerlandais" des maisons communales de la périphérie bruxelloise. Cela n’a pas de sens de mettre au travail un manager de l’image quand les nouveaux expatriés subissent massivement des actes d'intimidation. Vous le savez aussi bien que moi qu'ils vont se plaindre auprès du manager de l'image: l'anglais des globe-trotters qui connaissent six langues est parfaitement compris au guichet, mais ils sont ignorés avec un sourire hautain parce qu'ils ne parlent pas flamand. Au milieu se trouve Bruxelles, la capitale de l'Union européenne, , le moteur de notre économie belge, où Hillary Clinton a fait sa première visite. Nous devons nous profiler au maximum comme des gens accueillants.

4. Supprimez tous les règlements qui lient le droit à acheter un terrain et un logement bon marché à la langue. En plus d’être énormément injustes, ils sont particulièrement nuisibles à notre image.

5. Supprimez la description de fonction. C’est qui celui-là, le Flamand très travailleur? Les Flamands qui décident de venir habiter dans la capitale de la Flandre (ndlr: la Flandre a choisit Bruxelles comme sa capitale sans consulter les Bruxellois et contre l'avis du Conseil d'Etat) - et donc moins de navettes, moins d'espace et plus de charges sociales - ils ne le sont pas? Qu’est-ce que nous sommes alors? Expliquez-moi pour que je puisse l’expliquer au monde. Quand on habite Bruxelles, on est donc un travailleur flamand paresseux ou un non-Flamand très travailleur? Je veux simplement vous mettre en garde: de telles questions seront posées au manager de l’image flamande. La plupart des correspondants étrangers vivent et travaillent à Bruxelles. Le sens de leurs questions sera: sang, sol, et l'honneur (ndlr: bloed, bodem, eer, en référence aussi au nom d'un groupe terroriste de l'extrême-droite flamande). Une telle description de fonction donne l'impression que la Flandre est un État-nation immature, où des hommes sont supérieurs à d'autres sur la base de leur code postal.

6. Changer le logo. Les derniers sondages nous le font oublier, mais le plus grand groupe du Parlement Flamand est encore toujours l’extrême-droite avec un quart des sièges. Le monde extérieur s’en préoccupe, et je comprends que ma tâche sera d’expliquer au reste du monde que "tous les Flamands ne sont pas comme cela". Je veux bien le faire mais ce drapeau est dans le chemin. Aucun parti ne prône une forme aussi pure de la croyance nationaliste flamande que le Vlaams Belang. Avez-vous déjà comparé leur logo avec le vôtre? Vous me rappelez quelqu'un qui prétend vouloir vendre du Pepsi et qui placarde l'ensemble du pays avec les affiches de Coca-Cola. Chaque lion flamand de quelque maison communale que ce soit est perçu, au moins par des visiteurs étrangers, comme une expression de sympathie avec ce parti. Si on me demande qui a utilisé le premier ce logo, ce parti ou cette communauté, que dois-je répondre? Comme vous le savez je l'espère, cette histoire sur le Lion de Flandre, Robrecht De Bethune (Robert de Béthune) et la bataille de Eperons d’or a été inventée de A à Z (ndlr: la fête de la communauté flamande célèbre le 11 juillet une victoire contre les troupes françaises). Cela ne peut quand même pas être pire si on prend ces distances avec un tel symbole?

7. Changer de nom. Comme vous le savez, Karel De Gucht a toujours raison, mais trop tôt. Flanders est le voisin de Homer dans les Simpsons (ndlr: jeu de mots, Ned Flanders est un personnage de la série américaine, et Flanders signifie Flandre). Le gouvernement flamand est riche, d'accord, mais est-elle une marque mondiale capable de rivaliser avec les Simpsons? Je pense qu'il est préférable de ne pas commencer avec cela. Lorsqu’on m’a enseigné pour la première fois la structure de l’Etat à l’école primaire, la Flandre était le nom de deux provinces. Si je répondais autre chose, je recevais un coup de règle du maître. Que dois-répondre si un correspondant veut subitement savoir pourquoi la province la plus à l’est de la Flandre s’appelle le Limbourg alors que la Flandre orientale se trouve à l'ouest de celle-ci? Lorsque j'étais enfant, les adultes m’apprenaient que de telles banderoles au lion jaune et noir installées à l’arrière de vélo signifiaient généralement que "ces gens se sont joints à la guerre avec les Allemands". Je sais maintenant que ce n'est pas toujours vrai - souvent même - mais permettez-moi de trouver que tout est allé très vite.

La première apparition de Ned Flanders dans Les Simpsons date du 17 décembre 1989. C'est plus d'un an avant que la Communauté flamande accepte le 2 janvier 1991 le lion aux griffes comme arme officielle. Tout d'abord il y avait les Simpsons, ensuite le premier signe "Flandre" est apparu le long de nos routes. Voyez-vous le tableau? Laissez-nous appeler ce morceau de terre Plat ou Ensor ou No Nation. Ou Cookie. Une chose à partir de laquelle on peut construire une image.

Douglas De Coninck

La faute aux francophones pour Jan De Troyer, chroniqueur de la... RTBF !