Que penser de la « Belgique française » de Ducarme ? - 12 août 2008

Carte blanche d’Arnaud Pirotte - Historien-enseignant et Vice-président RWF Namur

L’heure n’est pas à ironiser sur les capacités de Daniel Ducarme, démonétisé par son comportement fiscal, à convaincre ses pairs. Reconnaissons que sa réflexion est utile pour un temps de rupture.
Sa « Belgique française » est sans doute un scénario pis-aller pour désamorcer dans certains milieux la méfiance endémique vis-à-vis de la France. Par ailleurs, il est peut-être temps, comme le fait Ducarme, de dresser l’inventaire  de ce qui dans notre arsenal juridique ou notre vécu au sein de l’Etat belge pourrait être conservé. L’autonomie dont jouissent nos universités en fait sans doute partie.

Le danger de la formule Ducarme viendrait de la stabilisation.

À l’instar de ce qui se passe aujourd’hui dans certains pays d’Europe qui rejettent volontiers les pilules les plus amères sur le dos des directives européennes, le gouvernement de la « Belgique française » coiffée d’un roitelet protocolaire confronté à des politiques moins populaires pourrait utiliser ce type d’expédient… Au risque d’alimenter un contre-pouvoir et un esprit ancien belge,  ferment de division au sein de la République.

La « Belgique française » contribuerait immanquablement à la persistance d’imaginaires positifs de l’expérience belge au sein des sociétés wallonne et bruxelloise.

Comment pourrait-elle assumer l’indispensable travail de mémoire pour dénoncer ce qui dans l’expérience belge a été aliénant tant pour la Flandre que pour la Wallonie et Bruxelles, dès lors que son nom même y consacrerait la volonté de pérenniser quelque chose de la Belgique d’hier ?
La « Belgique française » reprendrait le rôle de la Communauté française dans ce qu’elle a de plus étouffant pour la Wallonie : contrairement aux autres régions de France, la Wallonie n’exercerait donc pas directement de compétences culturelles.
Les Wallons ont-ils besoin du filtre bruxellois entre eux et Paris ?
Gageons que la RTBF continuerait  de brandir l’étendard d’une belgitude revisitée en cultivant ce qui dans l’espace Wallonie Bruxelles est le plus exotique, le plus « zinneke » (note : bâtard en dialecte bruxellois).

Le choix de la France s’est aussi construit chez certains dans cette volonté d’affranchir la Wallonie non seulement d’une Flandre dominatrice, mais aussi de l’étreinte du nationalisme belge qui se nourrit du poids déterminant de Bruxelles dans l’espace francophone belge.

Au final, ce projet ne rend pas justice à l’histoire. Il serait le stigmate d’un demi- affranchissement. Il constituerait une prime à une Communauté française responsable en partie de la dénationalisation des Wallons, mais aussi une prime à une classe politique incapable d’anticiper et de préparer l’après-Belgique.

Reconnaissons également que la présence, fût-elle symbolique, d’un roi protocolaire cadre mal avec les principes républicains.

Notre cause n’a rien à gagner à se laisser étourdir par des formules peureuses et alambiquées.
Le combat reste bien la réunion de deux régions à part entière à la République française et non d’une Belgique par soustraction avec ses oripeaux monarchistes.

Le quotidien L'Humanité évoque la Belgique française de Ducarme


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