Préparer l’après-fédéralisme pour éviter la balkanisation - 28 juillet 2008

Carte blanche de Paul-Henry Gendebien publiée dans Le Soir du 30 juillet

Le sondage publié ce mardi par Le Soir confirme l’analyse récente de ce même journal qui annonçait « l’émergence » de la tentation française en Wallonie. Il ne faut pas s’en étonner : la déliquescence accélérée du régime belge conduit logiquement l’opinion wallonne et bruxelloise à rechercher la sécurité et la stabilité dans le cadre d’un véritable Etat, celui de la République française.

Sans doute la France est-elle encore repoussée par l’élite politique wallo-bruxelloise tétanisée, à tort, par la crainte de perdre son statut social, ses pouvoirs, ses clientèles, si l’Etat belge venait à disparaître. Jusqu’à présent, nombre de responsables francophones avaient cru devoir flatter un électorat wallon qu’ils jugeaient unanimement belgiciste. Le moment est venu pour eux de reconnaître la montée en puissance du courant pro-français en Wallonie populaire. Ils devront changer leur fusil d’épaule et donc précéder les événements plutôt que de se mettre à la remorque.

Quant à la Flandre, non contente de se refuser à toute ouverture, elle réclame aujourd’hui, par la voix du Premier ministre en personne, des « garanties » de bonne fin pour une réforme de l’Etat, sans même préciser leur nature. L’autre surprise est venue du Roi, a quia devant un CD&V-NVA qui a voulu  l’instrumentaliser et qui semble l’avoir contraint d’avaliser la manœuvre tortueuse de M. Leterme. Mais qui peut sérieusement croire au succès de la mission des « trois rois mages » désignés comme facilitateurs, sauf à souscrire d’avance à un futur Munich communautaire ?

La dernière dérobade de M. Leterme n’a été orchestrée que dans le but de donner une brève rémission à son gouvernement mort-né. Et de fournir à son cartel un thème facile de propagande électorale : « C’est la faute aux francophones ! ». Par conséquent, les Wallons et les Bruxellois auraient tort de se bercer d’illusions. Ils sont piégés dans l’auberge de plus en plus mal famée d’un fédéralisme belge qui ressemble à un coupe-gorge. C’est le moment de chercher la bonne voie pour en sortir. Car nous ne sommes pas, comme on l’a dit, devant une « nouvelle crise » : c’est la même crise qui se poursuit et s’amplifie depuis plus de 400 jours. Et ce n’est pas non plus une « simple » crise de régime, mais une crise existentielle de l’Etat belge.
Enfin, certains évoquent un nouveau placebo en forme de trompe-l’œil : un confédéralisme imaginaire, mystérieux radeau de la Méduse politico-juridique dont l’insaisissable définition navigue entre le séparatisme masqué et le fédéralisme régénéré. Laissons là cette fausse bonne idée et cessons de nous voiler la face. Convenons-en, le fédéralisme belge est frappé d’un mal incurable d’autant plus qu’il se fonde sur un mécanisme de scissiparité. C’est un échec historique.

Si l’on veut rendre un mauvais service à la population, il suffit de lui faire miroiter la possibilité de réformer le régime belge de manière harmonieuse. Toute nouvelle « avancée » fédéraliste engendrerait des dysfonctionnements et des frustrations en chaîne, impropres à stabiliser l’édifice car débouchant sur d’autres crises et d’autres dépeçages. Toute prolongation du « déséquilibre stable » et du « chaos durable » actuels pourrait se traduire par un immense gâchis : temps perdu, ressources gaspillées, nouvel abaissement de notre crédit international, report de la décision économique et sociale, mutation de la violence politique rampante en violence tout court.

Dans le chef des derniers défenseurs du régime, gagner du temps c’est en perdre. Il vaudrait mieux mettre un terme aux inutiles et coûteuses palabres en cours. Il serait démocratique de permettre aux populations de s’exprimer à travers un scrutin fédéral anticipé. La classe politique pourra ensuite prendre acte de ce qui s’est déjà produit et qui sera d’ailleurs confirmé par les urnes, à savoir la séparation de fait du couple belgo-belge. Alors pourra s’entamer, à brève échéance, un véritable processus de divorce civilisé dont les conclusions seront soumises à des référendums distincts dans chacune des régions.

Il ne s’agit pas en l’occurrence d’une fuite en avant mais de réalisme lucide, préférable en tout état de cause à une fuite en arrière vers un improbable néo-fédéralisme. Avoir le courage de préparer en temps utiles un autre avenir, c’est également se prémunir contre une très sérieuse menace de désordre politique, voire d’anarchie. Parallèlement aux pourparlers sur le partage des actifs et des passifs, il conviendra d’internationaliser la question des frontières entre Etats successeurs.
On songera, à cet égard, à une supervision par l’Union européenne des consultations populaires d’autodétermination qui auront lieu dans les diverses communes faisant l’objet d’une contestation significative. Dans le même temps, les pouvoirs régionaux légitimes et représentatifs, confortés par les élections de juin 2009, seront habilités à choisir des destins conformes aux aspirations respectives de leurs populations, en Wallonie, à Bruxelles, en Flandre.

Il va de soi qu’à nos yeux le meilleur avenir pour les Wallons et pour les Bruxellois consistera à se tourner sans délai vers la France, surtout s’ils veulent éviter tout à la fois le désordre post-belge, l’insécurité financière, sociale, politique, et le huis clos.
Cela dit, c’est notre population et elle seule qui sera amenée, en définitive, à faire le bon choix : c’est elle qui se prononcera démocratiquement, en dernier ressort, et par voie référendaire.


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