Paul-Henry Gendebien, l'invité de Jules Gheude : le discours - 27 juin 2008

Le 20 juin à Liège, une soirée-rencontre organisée par le biographe de François Perin, M. Jules Gheude, a eu lieu en présence d’une bonne cinquantaine de militants wallons et bruxellois.
Au menu, l’avenir de la Wallonie et l’éventuelle convocation d’Etats généraux.
Quatre thèses se trouvaient sur la table des intervenants vendredi dernier :

  • Une Fédération Wallonie-Bruxelles
  • Une Wallonie indépendante
  • Un rattachement de la Wallonie à une Entité (autre que la France)
  • La réunion de la Wallonie à la France

Le Président du R.W.F., Paul-Heny Gendebien, que M. Jules Gheude avait personnellement invité, a défendu la seule et unique thèse crédible à nos yeux, à savoir la réunion de la Wallonie à la France.
Il va sans dire que M. Jules Gheude, après avoir brillamment évoqué une actualité politique qui plaide en faveur de notre combat, approuve les conclusions de l’orateur.
Voici l’intégralité du discours de notre Président :


Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, le pseudo-gouvernement Leterme ressemble à une bicyclette sans guidon, sans pédales et sans freins. S’il survit provisoirement, c’est parce que la Flandre en escompte une nouvelle avancée des seuls intérêts flamands. La Wallonie et Bruxelles ne peuvent et ne doivent rien en attendre de bon.
L’Etat belge a entamé sa phase terminale.
C’est le moment de rappeler que la Belgique de 1830 est née presque par hasard, qu’elle ne fut que le produit de soustractions successives et d’une addition de résignations et, enfin, que sa création ne fut en quelque sorte qu’une punition donnée à la France par l’Europe.
Une punition parce que la France avait recommencé une révolution quelques mois plutôt, à la fin du mois de juillet, une punition parce que la France, une génération plus tôt, avait osé la Révolution et l’Empire ; une punition parce que la France avait inventé les Lumières, la souveraineté populaire, les Droits de l’Homme et la Liberté ; une punition, parce que la France avait bousculé le vieil ordre établi.
Oui, pour tous ces motifs, la Sainte Alliance des trônes européens qui voulait contrôler les peuples voulut aussi fabriquer une Belgique dont on connaît l’histoire et qui, aujourd’hui, est devenue un Etat inutile et insupportable.
Mais la punition ne visait pas seulement la France, elle pénalisait également le peuple wallon et nous en mesurons aujourd’hui le coût.
Cependant, malgré l’obscurité qui nous entoure, l’espoir peut renaître dès lors que le trop long purgatoire belge pourrait prendre fin plus rapidement qu’on ne le pense. Tel est, en tous cas, notre désir et notre volonté !


Des Etats généraux ?

Sans doute. Mais encore faut-il s’entendre sur les mots et sur les réalités. Car pendant un demi-siècle, ils furent la tarte à la crème des congrès du mouvement wallon : on peut relancer cette belle idée, mais à une condition : celle de ne pas échouer !
Le grand Congrès de Liège de 1945 (note : après-guerre, des représentants de la Wallonie ont été amenés à se prononcer sur l'avenir de leur pays), ce ne sont pas des Etat généraux. Car la Wallonie, si elle est une force politique à cette époque, n’a pas d’existence politique ni d’objectif unique et majeur.
Le drame de 1945, ce sont les diverses hypothèses (fédéralisme, unitarisme amélioré, indépendance, réunion à la France) qui ont été mises sur le même pied. Il en a résulté une neutralisation réciproque.
Soyons de bon compte : si on avait additionné les votes séparatistes à l’issue du premier vote, cela aurait donné 60% des suffrages exprimés (46% de réunionistes, 14% d’indépendantistes).
Mais ceci fut occulté par la victoire des fédéralistes lors du second vote. Déjà ce fut la victoire du camp du réalisme, disait-on, en vérité du camp de la peur. La Belgique pouvait respirer et gagnait cinquante ans de sursis.
Toutes les solutions évoquées au Congrès de 1945 ont été battues ! Le résultat des combats de 1945, de 1950 (Question royale), de 1960-61 (Grève insurrectionnelle en Wallonie), c’est que l’Etat belge a obtenu du bois de rallonge !
La seule occasion où l’on parla vraiment d’Etats généraux, ce fut dans les derniers jours de juillet 1950 (Question royale), dans un contexte prérévolutionnaire et avec la promesse d’un appui militaire de la France.
Méditons les leçons de l’Histoire. Ne recommençons par les mêmes erreurs en multipliant à nouveau les hypothèses au risque de les neutraliser toutes.
Etats généraux ? Oui, bien sûr, mais à la condition de les réussir, c’est-à-dire de sortir de l’Etat belge et d’aller vers la France. Et à condition d’être convoqués par une autorité légitime et représentative, à savoir le Parlement wallon, éventuellement élargi aux élus fédéraux wallons. Et en concertation indispensable avec Bruxelles, s’il vous plaît.
Les élites politiques wallonnes et l’opinion politique wallonne sont-elles prêtes, aujourd’hui, à mettre en œuvre le processus d’autodétermination ?
Rien n’est moins sûr !
Il faut dès lors amplifier la mobilisation de l’esprit public et accélérer la décolonisation des mentalités.

Le moment est venu de dire la vérité.
Dès lors que le fédéralisme est un échec historique et définitif, il est impératif de refuser une fois pour toutes le « concept Belgique » et ses diverses déclinaisons en forme d’ersatz, qu’il s’agisse d’un confédéralisme mortifère ou d’un Etat Wallonie-Bruxelles tout aussi vicieux et illusoire.


La seule solution, c’est la France.

Les Wallons ont besoin de deux garanties, celle de la sécurité, et celle de la grandeur. Les Wallons et, avec eux, les Bruxellois.
La sécurité : elle est de l’ordre primordial du « vivre dignement », du primum vivere, elle concerne la protection sociale, l’emploi, la fiscalité, la dette publique, le bon ordre administratif, les services publics.
La grandeur : elle est de l’ordre existentiel, elle relève et relie à l’Histoire, à la morale publique, à l’ambition collective.
Cette sécurité et cette grandeur dont les Wallons ont un égal besoin, elles portent toutes les deux un seul nom : la France.
Car la France, c’est à la fois la maison commune où l’on revient après l’exil, et la république, la République et ses valeurs, la République qui est le socle et la couleur de l’Etat auquel nous voulons appartenir, la République qui est à l’opposé du nationalisme parce que, selon la tradition française la meilleure, elle est universaliste, c’est-à-dire ouverte au monde et ouverte sur le monde.
Les Wallons méritent mieux qu’une République « d’amon nos’ aut’ «  qui serait d’ailleurs une monarchie bananière – ou fromagère – avec son roitelet Saxe-Cobourg et ses petits chefs dont nous devinons d’ailleurs déjà les méthodes de gouvernement et les agissements s’ils étaient à la tête d’un Etat !


La Belgique, miroir fané de l’Europe

Il y a parallélisme et concomitance entre la crise de la Belgique et celle de l’Europe fédérale.
L’Europe est nécessaire mais par l’Europe telle que nous l’observons. Si elle va dans le mur aujourd’hui, c’est parce qu’elle a cru pouvoir se nourrir de la dilution et du dépérissement des Etats nations, se construire sur l’oubli des Peuples, et sur le mépris de la démocratie.
Les ultra-belgicistes et les ultra-européistes ont voulu une Europe ultralibérale, agent de la mondialisation, des délocalisations, du désordre social.
Cette Europe-là essaie déjà et essaiera de protéger à tout prix l’Etat belge en voie de décomposition en le présentant comme son miroir et son modèle en réduction (pauvre et triste modèle !).
L’échec belge et l’échec européen se retrouvent sur une même ligne erronée, une ligne post-nationale. L’affaiblissement de l’idée d’Etat et l’impuissance de l’Europe ne sont pas de nature à lutter contre le désordre mondial.
Il fau donc, pour renforcer l’Europe, renforcer l’idée d’Etat en tant qu’expression de la volonté collective et instrument de lutte contre les dérives et les excès de la globalisation.
En disant « oui à la France », à une France forte, nous disons également oui à l’Etat républicain, non pas jacobin, mais celui qui reconnaît les spécificités et les particularités de ses régions, un Etat dont la vocation reste celle de maintenir une sécurité sociale efficace et des services publics performants.

Notre besoin d’Etat est une raison supplémentaire - ce n’est pas la seule -  de rejeter sans équivoque toute idée de petite Belgique ressuscitée et prolongée, de Belgique clonée, du « Wallo-Brux », même à titre soi-disant transitoire.
Le micro-Etat wallo-bruxien avec ses quatre parlements et ses quatre gouvernements ne se fonderait pas sur un sentiment national, n’aurait pas les moyens financiers nécessaires. Les allocataires sociaux y seraient priés de faire ceinture pour permettre à la classe politique en place de survivre et de perpétuer son régime et ses petits arrangements.
Héritière et continuatrice de l’ancienne belgitude, la petite Belgique est une invention de la classe politique francophone et, surtout, c’est une idée bruxelloise. Non merci ! Nous ne voyons pas comment elle pourrait fonctionner d’autant plus qu’elle reposerait sur l’alliance sacrée entre la bourgeoisie bruxelloise en perte de vitesse et un parti socialiste wallon aussi archaïque que monarchiste.

Enfin, le Wallo-Brux de Philippe 1er ou de Laurent 1er serait un Etat instable et menacé par le désordre car ses frontières ne seraient ni sûres, ni démocratiques, ni reconnues. En effet, la petite Belgique n’aurait pas la puissance politique et diplomatique pour se faire respecter et imposer à la Flandre une définition correcte de ces frontières, notamment dans la périphérie de Bruxelles.
A cet égard, nous répétons que seule une internationalisation immédiate de la crise belge et une intervention déterminante de la France permettront une stabilisation et une solution, au grand soulagement de l’Europe.
J’ajoute que l’espace politique commun souhaitable entre la Wallonie et Bruxelles, c’est celui de la République française où nos deux régions prendraient naturellement toute leur place.


Conclusions

Nous ne sommes pas, nous autres Wallons, des nationalistes mais nous réaffirmons les préceptes de Renan et de Jaurès. Pour eux, la nation est le cadre et le terreau de la démocratie.
Pour Renan, la nation, c’est un plébiscite quotidien, c’est une volonté d’appartenir à une collectivité, et ce n’est pas un déterminisme.
Pour Jaurès, la nation, c’est ce qui reste quand on a tout perdu, c’est le seul bien de ceux qui n’ont plus rien.
Certains d’entre nous peuvent ne pas aimer M. Sarkozy. Mais la France est plus que ses représentations passagères et, sur 22 régions, 20 sont aujourd’hui dirigées par la gauche. La France est au-dessus de la gauche et de la droite. Elle est plus que cela. Elle est un peuple, une permanence, un système politique, une vraie nation, et un Etat.


Mesdames et Messieurs,


La Wallonie a fait loyalement l’expérience du fédéralisme. C’était une étape.
Maintenant, il faut quitter ces basses plaines marécageuses de l’Etat belge agonisant et gagner les hauteurs qui donneront de l’air, pour notre survie collective.
Mais attention, pour quitter le marécage belge, il faudra se battre car rien n’est encore gagné. Nous sommes en état de guerre et de résistance contre un Etat nuisible à nos intérêts. Malgré les errements inacceptables et les dérives intolérables dont il se rend coupable, il faut prendre acte de la volonté du mouvement flamand, de sa volonté d’accéder à l’existence nationale.
Mais celui qui a rendu impossible la cohabitation avec la Flandre, c’est l’Etat belge, c’est lui l’adversaire n°1. Oui, nos pires ennemis – ne l’oublions pas – ce sont les belgicistes.

Nous savons où nous allons, et pourquoi.
Le choix de la France, c’et aussi un projet de société démocratique, social, pluraliste, laïc et républicain.
En 1945, lors du Congrès de Liège, on a pu dire, à tort, que le choix de la France n’était que celui du sentiment.
En vérité, en 1945 déjà, en 2008 encore plus, la France  est à la fois le choix du cœur et celui de la raison !


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