Intervention de Paul-Henry Gendebien à la Maison de la Laïcité de Charleroi

Le 27 mai dernier, en présence de représentants du monde syndical (Thierry Bodson pour la FGTB et Marc Becker pour la CSC) et politique (Jean-Pierre Michiels pour le PC), ainsi que de Philippe Destatte, Directeur général de l'Institut Jules Destrée, Paul-Henry Gendebien a donné le point de vue du R.W.F au sujet de l'avenir de la Wallonie. Devant 120 personnes à la Maison de la Laïcité de Charleroi.
Le débat était animé par le journaliste Maurice Magis.
Ernest Glinne, ancien Président du groupe socialiste européen, est intervenu personnellement pour soutenir le discours du Président du R.W.F.
L'assemblée l'a vivement acclamé.
Voici la substance du discours (rédigé dans un style oral) de Paul-Henry Gendebien à destination du monde du travail.


L’avenir de la Wallonie – et donc  celui d’un projet wallon éventuel – est étroitement lié à l’avenir de l’Etat belge.

Or celui-ci est mortellement malade, touché par une crise de régime et surtout par une crise existentielle. Aujourd’hui, c’est bien de l’existence même de l’Etat belge qu’il s’agit. Et ceci au-delà des questions ponctuelles telles que BHV qui ont tout de même un sens, celui de dessiner les futures frontières d’un Etat flamand indépendant. Ne parlons pas, dès lors, de « faux problèmes ».

Un constat s’impose : celui de l’échec historique du fédéralisme belge. Destrée, en 2008, ne dirait plus : « Sire, il n’y a pas de Belges », mais « Sire, il n’y a pas de Belgique. »

Le fédéralisme belge n’a pas apporté la pacification, mais il a aiguisé les contradictions.

La Flandre, comme la Wallonie, ont voulu instrumentaliser le fédéralisme à leur manière, à leur profit.

En Flandre : au profit d’un projet non pas autonomiste mais souverainiste.

En Wallonie : non pas au profit d’un grand projet économique et social mais au profit d’une mainmise du régime des partis sur la société, dans une perspective exclusivement pouvoiriste…

L’autonomie wallonne pour laquelle se sont battues des générations de militants a été récupérée et détournée par une superstructure politico-administrative négatrice de tout projet de société, empêchant l’éclosion d’une société politique autonome, responsable, et ambitieuse.

Aujourd’hui, il faut poser la question préalable : quel sera demain le cadre politique de la société wallonne ?

Le cadre politique belge est en voie d’évaporation et de disparition parce qu’il a subi un choc fatal entre deux nationalismes.

Il n’y a que deux nationalismes en Belgique !

  • un nationalisme flamand sûr de lui-même, qui avance masqué, appuyé sur un projet économique et social très marqué à droite;
  • un nationalisme belge défensif, classique, politiquement correct, arc-bouté sur une bourgeoisie wallo-bruxelloise idéologiquement inconsistante, monarchiste et européiste.

A côté de ces nationalismes, il n’y a pas de nationalisme wallon. Ce qui est positif. Mais il n’y a rien à la place.

On voit bien que l’institutionnel et l’économico-social sont étroitement imbriqués, intimement liés, même si le discours officiel des quatre présidents francophones tend à le nier.

La Flandre affirme ce lien. C’est au nom de son projet de société qu’elle veut plus de pouvoirs, qu’elle exige des compétences homogènes, etc.
La Flandre demande le pouvoir flamand, c’est-à-dire la souveraineté, parce qu’elle veut :

  • une pression sur les bas salaires;
  • une plus forte flexibilité de l’embauche et des licenciements;
  • une baisse de l’impôt sur les sociétés.

C’est le sens profond du manifeste de « La Warande » du patronat flamand (voir aussi le lien avec le patronat de MM. Peeters, Ministre président flamand, et Bruno Valkeniers, nouveau chef du Vlaams Belang, ainsi que de Mme Thyssens, la Présidente fraîchement élue du CD&V).

La Flandre a pris conscience des risques de la mondialisation pour sa prospérité (concurrence sauvage entre régions, délocalisations).

Elle constate la double impuissance de l’Etat belge et de l’Europe à lutter contre les effets néfastes de la globalisation. Elle ne rejette pas l’Europe mais veut contrer ces effets par des instruments nationaux ultralibéraux.

On verra que la Flandre en devenir, au-delà de son discours officiel, sera de moins en moins favorable à une Europe fédérale post-nationale, à laquelle les Francophones continuent de croire.

En vérité, la Flandre est de moins en moins autonomiste et de plus en plus souverainiste.

Les dirigeants wallons et bruxellois, eux, n’ont pas de fortes convictions. Ils ne croient pas à grand-chose, sauf peut-être à l’Europe ultralibérale.

Existe-t-il encore chez nous une vraie gauche parlementaire, et une vraie droite parlementaire ? En tous cas, gauche et droite (« tous unis ») ont accepté sans hésitation toutes les dérives européennes :

  • grand marché ouvert à tous les vents ;

  • abandon de la préférence communautaire ;

  • relâchement des politiques sociales et régionales ;

  • élargissement à tout va ;

  • priorité « maastrichtienne » à la stabilité monétaire au détriment de la croissance et donc  de l’emploi ;

  • puissance incontrôlée de la Banque Centrale Européenne ;

  • privatisation des Services Publics (l’exemple de la Poste)

  • Et comme couronnement : le Traité constitutionnel de 2005.

Oui, chez nous, gauche et droite se sont faites les détaillants d’un même grossiste, l’Europe ultralibérale, agent d’une globalisation sans foi ni loi.

C’est ainsi que la gauche officielle wallonne a abaissé sa classe ouvrière en grignotant le socle des Services publics et que la droite officielle wallonne n’a pas favorisé la naissance d’une nouvelle bourgeoisie d’affaires wallonne créatrice de P.M.E.

Oui, il faut reconstruire un projet wallon mais cela ne se fera ni dans le cadre belge (déjà cliniquement mort), ni dans un cadre petit-belge (le « Wallo-Brux »), projet caressé par les partis francophones. Le Wallo-Brux est un leurre. Il s’appellerait toujours « Belgique ». Il serait dirigé par une bourgeoisie bruxelloise en perte de vitesse associée à un PS wallon pouvoiriste et monarchiste. Conçu au nom de la Belgitude perpétuée, et dans un contexte de pénurie budgétaire majeure, l’Etat Wallonie-Bruxelles ne sera pas viable. En outre, il imposera de véritables sacrifices au monde du travail et surtout aux allocataires sociaux (car il aura un déficit de 20% dans le financement de la protection sociale).

En un mot, le Wallo-Brux serait une Etat-croupion, un micro-Etat non pas à cause de sa taille, mais parce qu’il reposerait ni sur une réalité nationale, ni sur un projet social.

Quitte à fâcher les Européistes post-nationaux, je crois qu’aucun grand projet de mobilisation sociétale et sociale n’est aujourd’hui possible en dehors d’une structure nationale solide (ce qui ne veut pas dire que je serais devenu anti-européen, mais que je suis opposé à la forme et au contour de l’Union actuelle).

Une structure nationale solide, pour les Wallons et les Bruxellois, c’est naturellement la République française.

Une structure nationale solide, cela signifie un socle politique et social collectif capable :

  • de lutter contre le désordre mondial ;

  • de combattre la montée des inégalités sociales et de prendre en compte positivement le caractère conflictuel de toute société ;

  • de mobiliser la population active avec l’aide de structures publiques motivées par l’objectif de solidarité ;

  • de faire pression sur l’Europe pour qu’elle associe sans les nier les volontés nationales. Et cela en vue de peser sur l’échiquier mondial et d’y établir un meilleur équilibre politique et économique.

Pour ce qui est de Bruxelles, nous n’avons aucun intérêt à lâcher ce million de citoyens.

Nous avons intérêt à former avec Bruxelles non pas un hypothétique Etat commun inviable mais une communauté de destin : deux grandes régions fortes dans le cadre de la République française.

Le seul espace politique commun possible entre la Wallonie et Bruxelles, c’est la France.

Pour la Wallonie, comme pour Bruxelles, l’intégration dans la République française est ce qu’il y a de meilleur pour permettre une liaison entre un projet institutionnel et un projet social (et pour éviter l’anarchie et/ou la monarchie bananière).

La réunion à la France, ce n’est pas un projet nationaliste, ni ethno-culturaliste.

C’est le choix volontaire et libre d’adhérer à une construction politique, à un système politique, à savoir la République.
La République :

  • c'est le rôle important dévolu à l’Etat comme expression de l’intérêt général dans des domaines clés tels que l’énergie, la recherche, les transports, les grandes infrastructures sociales, médicales, culturelles;

  • c'est la garantie d’une sécurité sociale à long terme, ce qui n’irait pas de soi dans le cas du Wallo-Brux ;

  • c’est une fiscalité plus intéressante (moins lourde pour les petits et moyens revenus du travail, avec une fiscalité sur la grande fortune) ;

  • c’est un Etat solidaire avec ses régions ;

  • c’est un système électoral (majoritaire à deux tours) qui permet la clarté entre les camps, le débat de fond, et l’alternance ;

  • c’est enfin une répartition des missions essentielles de la République, à savoir :

1. L'Egalité : c’est la mission de l’Etat de la favoriser et même, s’il le faut, de l’imposer par la loi.
2. La Fraternité constitue la mission de tous les citoyens.
3. La Liberté : c’est à la fois la tâche des citoyens qui doivent la mettre en œuvre et la défendre, et celle de l’Etat qui doit la garantir et en fixer éventuellement les limites par un cadre général soucieux de l’intérêt commun.

En conclusion : un projet social wallon, c’est aussi et avant tout un projet républicain !


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