Leterme ? Pas un Premier ministre, plutôt un « peine-à-jouir » - 26 mai 2008
Regard sur l’actualité de Paul-Henry Gendebien, Président du R.W.F.

Le pseudo-gouvernement Leterme n’a que deux mois et le voici mort-né.
La cacophonie bat son plein, chaque ministre jouant sa propre partition, poussant l’autre à la faute. L’intérêt des citoyens, en l’occurrence, passe au second plan.  Ce n’est pas un gouvernement, c’est une bande. Il n’est que d’observer leurs querelles intenses sur tout et sur rien (sur le fond comme sur la méthode, sur le budget, sur la fiscalité, sur les mesures sociales, sur le Congo, sur les sans-papiers…).

Le flacon du pouvoir est fêlé avant même que d’avoir servi, il n’y a rien à boire et pourtant la presse francophone semble en redemander car elle veut croire que l’ivresse de la réconciliation belgo-belge est toujours possible ! Stupéfiant : nos éditorialistes exigent tous les deux jours que M. Leterme daigne faire ses preuves, qu’il endosse enfin l’habit de Premier ministre, en un mot, qu’il se hisse au-dessus de la mêlée et qu’il gouverne. L’ennui, c’est qu’ils l’ont déjà exigé vingt fois sans aucun succès. La seule explication serait que notre presse bruxello-wallonne redoute une énorme crise d’Etat qui précipiterait le régime dans les abîmes et avec lui son cher Belgium. On voit bien pourtant qu’il y a quelque chose d’absurde dans ce désir de voir M. Leterme s’améliorer : c’est aussi difficile que de faire rentrer le dentifrice dans le tube.

La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. De même, le plus mauvais Premier ministre de toute notre histoire ne peut donner que ce qu’il a, c’est-à-dire à peu près rien. M. Leterme illustre à merveille le blocage institutionnel belge. L’exacerbation du conflit de nationalités croît et embellit en raison de la personnalité du Premier ministre. C’est un « peine-à-jouir » typique, englué dans son double jeu consistant à feindre de gouverner alors que sa mission est de progresser dans la voie du démantèlement de l’Etat et de l’affirmation de la souveraineté flamande. Inutile de se voiler la face : nous sommes en crise depuis Pâques 2007 et nous observons une accélération de la liquidation de l’Etat belge.


La presse internationale n’est pas dupe !

La presse internationale, mécontente d’avoir été trompée par Verhofstadt III qui lui annonçait le retour au calme, repart au charbon. La semaine dernière, c’était le New York Times et l’International Herald Tribune qui évoquaient une Flandre contaminée par « un fascisme sans violence ». Pas plus tard que vendredi dernier, 23 mai, le grand quotidien français, Le Figaro, consacrait toute sa deuxième page à un reportage sur « la Belgique : un Etat en voie de disparition ». Et sans point d’interrogation. Attendons-nous à une nouvelle colère noire des autorités flamandes. Le Ministre président flamand Kris Peeters osera-t-il encore accuser les Francophones, comme il le fit récemment dans Le Soir, de « salir la Flandre » ? Cela dit, ce n’est même pas nécessaire : la Flandre assume le job elle-même, toute seule.
En privé, il n’y a plus guère de journalistes ou de politiciens pour parier un centime sur le sort du gouvernement. La plupart d’entre eux estiment qu’il ne passera pas l’été.

Selon un vieux diction dont raffolent les parlementaires (surtout quand il s’agit de leurs collègues), on ne tire par sur une ambulance.

Cela dit, Leterme n’et pas vraiment une ambulance. Il ferait plutôt dans le genre « police militaire » car n’est-il pas chargé avant tout de surveiller le convoi des intérêts flamands ? C’est pour cela et pour cela seulement qu’il occupe la fonction. Il n’est que l’avant-bras d’un nationalisme flamand qui avance de moins en moins masqué.


Leterme, le Meciar de la Flandre ?

De deux choses l’une. Ou bien Yves Leterme fait plier les Francophones épouvantés par l’hypothèse d’une crise majeure et dans ce cas la Flandre accumule une jolie moisson dans sa marche vers la souveraineté. Ou bien, son gouvernement de rencontre se fracasse au milieu d’un été orageux et alors s’ouvre pour le Premier Ministre démissionnaire une nouvelle étape dans sa carrière : il se drape dans le manteau du martyr et « fait don de sa personne » à la Flandre souffrante et militante, dénonçant l’odieuse arrogance des Francophones. On évoque parfois le précédent de Leo Tindemans, Premier ministre de 1974 à1978.

Le cas n’est pas exactement identique, même si Tindemans avait brutalement démissionné de son emploi, orchestrant sa propre victimisation et se repliant dans une sombre posture d’incompris inspirée d’Hamlet. Leterme, quant à lui, parce qu’animé par le puissant désir d’une revanche contre une mystérieuse infortune dont il ne semble pas encore avoir réussi à démêler tous les fils, pourrait organiser son fort Chabrol au cœur de la Flandre et reprendre les rênes de son gouvernement autonome après un nouveau succès au  prochain scrutin régional. Avec, comme perspective, l’émergence d’un Etat dont il serait le chef, croit-il peut-être. Un chef musclé, à l’instar d’un Vladimir Meciar, ce tribun populiste qui dirigea la jeune Slovaquie indépendante issue de la partition, au 1er janvier 1993, de l’ancienne Tchécoslovaquie binationale.

On le devine, ce qui se passe aujourd’hui n’est rien d’autre que la préparation des explosifs et autres bombes à fragmentation qui auront raison de l’Etat.
Consciemment ou pas, peu importe, M. Yves Leterme est devenu à cet égard un expert redoutable, encore meilleur que MM. Bart De Wever et Geert Bourgeois réunis.


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