Pour la réforme de la Justice (après 16 ans)

Marc Verwilghen, redevenu avocat, a présidé la « commission Dutroux », la commission parlementaire d’enquête sur les disparitions d’enfants, active de 1996 à 1998, avant de devenir ministre, de la Justice, notamment. Libéré de son devoir de réserve, il commente pour nous (Le Soir, 14 août 2012) la possible libération conditionnelle de Michelle Martin, décidée par le tribunal d’application des peines (TAP), dont la création est issue d’une des recommandations de la commission Dutroux.
Comment avez-vous accueilli cette possible libération conditionnelle de Michelle Martin ?
Je suis très mal à l’aise. Comme avocat, je défends des clients devant le TAP dans des dossiers beaucoup moins graves que le dossier Martin. Il arrive couramment que ce tribunal refuse des libérations conditionnelles. Et ce uniquement parce que les victimes n’ont pas encore été dédommagées.
Et je me dis : dans quel pays vivons-nous ?
Le  TAP a pourtant entendu les familles des victimes…
Les familles n’attendent qu’un début, une volonté de dédommagement. Et, ici, il n’y a rien du tout… Cela me donne des frissons ! Et, traitant des affaires du côté flamand, je constate qu’apparemment, les TAP flamands sont plus attentifs aux victimes que les TAP francophones.
Il apparaît, en effet, que Michelle Martin n’a pas commencé à indemniser ses victimes…
Toutes les personnes liées à cette affaire se sont rendues insolvables. Michelle Martin, en particulier, « ne possède plus rien… » On ne peut rien saisir chez elle. Et je constate qu’aujourd’hui une partie civile n’est pas toujours prise au sérieux, comme il le faudrait, par le TAP.
Je le dis encore aujourd’hui : un prédateur a plus de droits qu’une victime ! La situation est malsaine….
D’autres éléments vous choquent-ils dans cette décision de libération conditionnelle ?
Il y a une lacune dans la loi : il est impossible d’interjeter appel contre une décision du TAP. Il n’y a que le pourvoi en cassation. Dans cette affaire, c’est très pénible. Cette faculté d’appel aurait dû exister. Il est pratiquement exclu que le TAP ait commis une erreur formelle.
Soyons clair, Mme Martin est une récidiviste. Dutroux en prison, il n’était plus question de manipulation. Elle avait toutes les possibilités d’aller nourrir les enfants et les sauver. Elle ne l’a pas fait. Le TAP semble dire : Mme Martin est dans les conditions légales d’une libération conditionnelle, allons-y, quels que soient les faits. Michelle Martin s’en est très bien sortie, avec une peine assez légère ! Et avec des conditions de libération qui ne sont pas des conditions…
Expliquez…
Si ces braves sœurs clarisses doivent assurer le contrôle social de Mme Martin, je leur souhaite beaucoup de chance…
Mme Martin est censée vivre au couvent durant 14 ans…
Après un certain temps – un an ou deux – elle reprendra la vie normale dans ce monastère. Elle réintroduira une demande de libération sans conditions. Avec pour but de se réintégrer dans la société et de vivre comme vous et moi… C’est très clair. La porte a déjà été ouverte.
Le processus est lancé. Dès l’an prochain, peut-être, elle demandera à pouvoir s’installer là où elle veut. Vous verrez…

Michèle Martin : Les non-dits d’une libération (Le Soir)