Napoléon précurseur des structures de la Belgique

Bonaparte et Napoléon : le juste milieu


La société contemporaine se focalise sur la misogynie de Napoléon Bonaparte, le rétablissement de l’esclavage (qu’il abolit en 1815) et des guerres interminables.
Ce serait passer sous silence l’œuvre de l’homme d’Etat qui a fondé les structures de la future Belgique dont de nombreux membres du Congrès avaient servi sous le Consulat et l’Empire.
L’Etat belge (1830) fut en grande partie dépositaire de son héritage avec des répercussions jusqu’à nos jours.
La liste de ses réalisations reprise ci-dessous est loin d’être exhaustive.

Sous le Consulat

Le Consulat est essentiellement une période de stabilisation de la France et de consolidations des principales conquêtes de la Révolution (fin de l’Ancien Régime et de ses privilèges).

Obligation d’utiliser le système métrique
Le fonctionnaire public assermenté
Les directions des contributions directes et indirectes
Le Sénat
La Banque de France
Le Trésor public (notamment la comptabilité en partie double) et la monnaie fiduciaire
Les huissiers
L’administration générale des Eaux et Forêts
L’administration de l’enregistrement et des domaines
Les pensions des militaires et des invalides
Le corps préfectoral.
Le corps des sapeurs-pompiers
La Signature du Concordat avec l’Eglise catholique
La liberté de Culte (les prêtres sont rémunérés) et parallèlement la laïcisation de l’Etat
L’Inspection générale du Trésor public
L’Instruction publique (les jeunes filles ne reçoivent qu’un enseignement utilitaire)
Les lycées
La protection d’une marque commerciale contre les contrefaçons
Les Chambres de commerce
L’administration des douanes
Les bureaux de placement (pour les sans-emploi)
Le 21 mars 1804, le Code civil français est promulgué

Sous l’Empire

Le Conseil de prud’hommes (Tribunal du Travail)
La numérotation des rues
L’Université est recréée, après son abolition par la Révolution
De Grandes Ecoles
Les écoles de pharmacie
La Bourse et les agents de change
Le cadastre général parcellaire (ne sera concrétisé en Belgique qu’en 1844)
La Réinstauration de la fonction de Grand Sanhédrin (ce qui facilite l’assimilation des juifs dans l’Empire malgré des restrictions pour les juifs non français)
Le décret du baccalauréat
L’octroi de la citoyenneté aux étrangers
Les Archives nationales
La Promulgation du Code pénal
Le Barreau et l’Ordre des avocats
La justice de paix
La Cour d’assise
La Cour d’Appel
Le Conseil d’Etat
La Cour des comptes
La première vaccination de masse
La Caisse permanente de secours (embryon de caisses d’entraide ouvrière)
La réorganisation de la Comédie-Française (et les plans de construction du nouveau Théâtre de la Monnaie à Bruxelles)
Le développement des musées publics (il crée à Bruxelles le Musée des Beaux-Arts en restituant un certain nombre d’œuvres pillées par les révolutionnaires)
La Création de nombreux canaux et de routes

Avantages pour la Belgique

Quasi tout ce qui est repris ci-dessus sera conservé par le nouvel Etat belge en 1830.
D’une façon générale, le régime favorise l’émergence d’une bourgeoisie de commerce et d’affaires.
La réouverture des boucles de l’Escaut sous la Révolution et le développement du port d’Anvers par Napoléon qui seront favorables à notre économie.
La prospérité économique pendant de nombreuses années grâce à l’intégration des produits « belges » au marché intérieur français mais aussi au blocus imposé aux produits anglais (ex. le sucre de canne remplacé par le sucre de betteraves)
Le découpage administratif en neuf départements (nos futures provinces), en arrondissements et en cantons avec l’intégration de l’ancienne Principauté de Liège (toutefois divisée en départements). C’est le modèle de la Belgique administrative jusqu’à la scission du Brabant.

Reproches fondés

La mégalomanie à partir du sacre impérial.
Un pouvoir personnel absolu et des guerres de conquêtes dictées par l’ambition (des monarchies en ont fait tout autant mais Bonaparte était un enfant de la Révolution française !).
A la fin du régime napoléonien, la conscription forcenée et l’alourdissement des impôts pour financer des guerres de conquête mais au début les campagnes militaires sont préventives : elles servent à défendre les acquis de la Révolution contre l’aristocratie européenne.
La création d’une noblesse d’Empire.
Le népotisme effréné : sa famille placée sur de nombreux trônes d’Europe occidentale (la famille de Saxe-Cobourg en a également fait un système).
L’Etat policier (comme tant d’autres à l’époque).

Comme dit dans la courte introduction, la position d’infériorité de la femme dans de nombreux domaines et le rétablissement de l’esclavage ne peuvent pas faire l’objet d’une polémique contemporaine dans la mesure où elle relèverait de l’anachronisme.
En effet, aucun Etat européen du début du 19e siècle ne défendait l’égalité hommes-femmes (même pas la Révolution !) et l’esclavage n’avait été aboli par aucun pays hormis le Portugal et la Révolution française. Ses positions en la matière étaient malheureusement le reflet de la tendance générale de son époque. Napoléon abolira toutefois l’esclavage en 1815, soit 18 ans avant l’Angleterre.
Notons toutefois qu’il supprima, par exemple, le servage dans la Confédération du Rhin.

Citations d’Hervé Hasquin, historien et homme politique
La Belgique française 1792-1815, Crédit Communal, 1993
« Cette période française est décisive. Pour la première fois ont été amalgamées dans un même ensemble territorial des principautés de langue romane qui, jusque-là, avaient connu des destins différents en raison des fragmentations de l’espace politique.
Enfin, il convient de rappeler que ces vingt années ont laissé un héritage politique, juridique, institutionnel et culturel sans lequel il n’est pas possible de comprendre l’histoire contemporaine du pays et de ses entités constitutives. »

« Les neuf départements réunis bénéficièrent de la laïcisation des services publics (notamment des hôpitaux), des lois sur la sécularisation du mariage, de la légalisation du divorce et de la création de l’état civil. »

Conclusion pour la Belgique

A la différence de la plupart des régions d’Europe conquises par la République et l’Empire, ces droits ne seront jamais remis en question en Belgique après le départ des Français en 1815.

Illustration : Napoléon en Premier Consul (Musée Curtius à Liège)