7 avril 1994, génocide rwandais : l’ONU, la France et la Belgique

Un rapport détaillé sur la responsabilité de la France dans le génocide rwandais (1994) vient d’atterrir sur le bureau de l’Élysée.
Il pointe du doigt la responsabilité écrasante de François Mitterrand – et son cercle très restreint – qui a choisi de jouer cavalier seul dans ce drame. Mitterrand était le protecteur indéfectible du président hutu Juvénal Habyarimana. Rappelons que le très influent roi Baudouin soutenait également Habyarimana, essentiellement pour des raisons religieuses. Le FPR de Paul Kagamé constituait leur ennemi commun.
Dès 1992, plusieurs sources des renseignements et de l’armée avaient pourtant averti Mitterrand de la préparation imminente d’un génocide des fanatiques hutu à l’égard des Tutsi (au moins 800.000 morts). Mais Mitterrand les a balayées de la main.
Le rapport parle de « responsabilité » et non de « complicité » de la France. Le terrible terme de « complicité » sera peut-être précisé dans les semaines à venir. Maître Gillet, avocat bruxellois spécialiste des droits de l’Homme, n’a-t-il pas intenté une action contre l’État belge pour complicité de génocide.
En réalité, il y a trois responsables principaux du génocide rwandais, sans compter les auteurs directs, des fanatiques hutu : l’ONU, la France et la Belgique.

Dans Les leçons du Rwanda, Joël Kotek a bien cerné les responsabilités de la France, de la Belgique et de l’ONU chargées de protéger la population civile.
« Si les responsabilités de la communauté internationale, et de la France en particulier, sont accablantes, qu’en est-il donc de celles des Casques bleus et de leur commandant en particulier, le lieutenant général Roméo Dallaire ? Ne portent-ils pas, eux aussi et malgré toutes leurs protestations de bonne foi post hoc, une écrasante part de responsabilité ? Il est vrai que la majeure partie des Casques bleus belges se sentirent littéralement humiliés par la décision de leur gouvernement de les rapatrier. Il est vrai que Roméo Dallaire, l’officier onusien en chef, plaida tout au long du mois d’avril en faveur d’une redéfinition de son mandat afin de pouvoir intervenir militairement au secours des civils rwandais. Dès lors, la question se pose : pourquoi ne l’a-t-il pas fait au risque d’enfreindre les ordres ? La même question peut être adressée au lieutenant Lemaire, en charge de l’ETO. Pour le jeune officier belge, il est évident que si la Belgique avait été assez courageuse pour laisser ses hommes sur place, des vies auraient pu être sauvées. S’il n’a pas tort de critiquer la Belgique en tant que telle, qu’en est-il de sa propre responsabilité ? Les Casques bleus devraient s’interroger sur leurs responsabilités quand, dans la plupart des cas, ils ne firent rien pour protéger les civils. »

La responsabilité de la Belgique

Emmanuel Macron a annoncé dimanche vouloir faire du 7 avril «une journée de commémoration du génocide des Tutsis», en ce jour où le Rwanda se remémore, 25 ans après, le massacre d’au moins 800 000 personnes. « Le président de la République salue le travail de mémoire conduit par les rescapés et a souhaité que la date du 7 avril soit désormais une journée de commémoration du génocide des Tutsis», écrit l’Élysée dans un communiqué.
Le chef de l’État, qui a envoyé dimanche à Kigali un « représentant personnel » pour ces commémorations, le député LREM Hervé Berville, « exprime sa solidarité avec le peuple rwandais et sa compassion à l’égard des victimes et de leurs familles ».
Le président français a annoncé un renforcement des moyens judiciaires et policiers pour poursuivre d’éventuels participants au génocide qui se trouveraient sur le sol français.

Source principale : le Figaro international

A lire : Dix commandos  vont mourir par Alexandre Goffin

Notice historique : en 1916, l’Allemagne, affaiblie par la première guerre mondiale, perdit son protectorat sur le Rwanda. En 1919, le traité de Versailles confia alors la tutelle du Rwanda à la Belgique, qui l’administra jusqu’à l’indépendance en 1962.
Se fondant sur la thèse hamitique raciale, les autorités coloniales belges et le clergé catholique qui constituait leur allié, considérèrent les Tutsi comme plus proches de la race blanche, et donc supérieurs aux Hutu et aux Twa de race négroïde.
Cette thèse donna lieu, surtout entre 1926 et 1932, à plusieurs décisions aux conséquences désastreuses. Ainsi, l’accès aux administrations publiques et à l’enseignement fut presque exclusivement réservé aux Tutsi.
Cette stratégie politique permit aux Tutsi en général d’acquérir un ascendant sur la population Hutu, ce qui accentua la division sur base ethnique déjà existante.
La délivrance, en 1931, d’une carte d’identité à chaque Rwandais indiquant l’ethnie, posa les jalons d’une séparation systématique des Hutu, des Tutsi et des Twa. Elle ancra surtout le clivage ethnique entre les deux premiers, ce qui permit de polariser tous les enjeux sociaux autour de cette dualité Hutu/Tutsi.