Refuser le dialogue avec la N-VA, c’est enterrer la Belgique

Le compromis est l’essence de la démocratie. Mais pas n’importe quel compromis. En Belgique francophone, la quasi totalité des forces de gauche partagent un cruel constat : avec la N-VA autonomiste, anti-pauvres et anti-immigrés, toute alliance est impossible. De plus en plus sous l’influence du Vlaams Belang, la N-VA est en train de se rendre infréquentable également pour une part non négligeable du MR. La droite dure à la mode De Wever-Francken insupporte beaucoup de libéraux francophones.

N-VA parti repoussoir

Depuis son rejet du Pacte de Marrakech, la N-VA s’est encore radicalisée. Ce parti est largement détesté dans l’opinion francophone. Lors du récent scrutin, en Wallonie et à Bruxelles, les partis se déclarant proches de la N-VA – les Listes Destexhe et le Parti Populaire – ont été balayés. Ils n’ont obtenu aucun élu. Pour les francophones, la N-VA est un parti repoussoir.

Laurette Onkelinx, présidente du PS bruxellois, a dit tout haut ce que presque tout le monde pense tout bas, en Belgique francophone : avec cette N-VA là, il n’y a pas de compromis possible. Mise sous pression par un Vlaams Belang survitaminé, la formation de Bart De Wever a choisi le camp de la droite dure. Fort appréciée par l’électorat du Nord du pays, cette droite dure est inaudible en Wallonie et à Bruxelles.

Plumer la volaille francophone

Théo Francken adresse au PS des appels à dialoguer, mais personne n’est dupe. L’objectif premier de la N-VA n’a pas changé : il veut plumer la volaille francophone, saccager la sécurité sociale, transformer la Belgique en une coquille vide, conserver la « marque » Bruxelles, capitale de la Flandre, indispensable à son rayonnement international.

Le nationalisme de riches, incarné par la N-VA et le Vlaams Belang, a de beaux jours devant lui. Lors des prochaines élections, il pourrait devenir majoritaire en Flandre. Le CD&V, l’Open VLD et le SP.A sont devenus des petits partis à la dérive. En crise profonde, il ne pèsent presque plus sur la scène politique flamande. Les francophones manquent d’interlocuteurs flamands modérés.

Le PS va-t-il se déshabiller ?

Que pourrait négocier le PS avec cette N-VA vindicative ? Au mieux, le rythme plus ou moins soutenu selon lequel il se déshabillera face aux revendications flamingantes. Le PS a tout à perdre d’un compagnonnage avec la N-VA, incapable de mettre sur les rails la moindre réforme progressiste. Ce compagnonnage serait probablement de courte durée. Avec des partenaires se regardant comme chien et chat, un gouvernement associant PS et N-VA ne durerait que quelques mois, tout au plus, une demi-législature.

Fin stratège, Bart De Wever a compris que s’il réussit à « mouiller » le PS dans un gouvernement fédéral tripotant peu ou prou la Sécu, il fera coup double. D’une part, il s’imposera toujours plus comme le mâle dominant en Flandre. D’autre part, il portera un coup fatal au PS, qui sera accusé par Ecolo et le PTB d’avoir trahi ses valeurs. Si les socialistes plongent sous les 20% en Wallonie, la N-VA deviendra le seul « grand » parti sur l’échiquier politique belge, en duo avec le Vlaams Belang . Du pain béni pour Bart De Wever.

Un diagnostic dramatique

« N’essayons pas le compromis avec la N-VA, cela ne sert à rien » : sur le fond, Laurette Onkelinx a raison. Mais son diagnostic est dramatique. Refuser le compromis avec la N-VA, c’est enterrer la Belgique. C’est reconnaître l’ingouvernabilité d’un pays ou coexistent, selon l’expression de Bart De Wever, deux démocraties, de plus en plus étrangères l’une à l’autre. C’est enfin ouvrir les yeux sur une réalité qui dérange les belgicains francophones : il n’existe plus de « désir de Belgique ». Au sein du ménage belge, le compromis est mort et enterré.

Belgique requiem

En 1980, dans un livre qui fit sensation – « Belgique requiem » (éditions Julliard) – l’avocat René Swennen (ndr : qui fut actif au R.W.F.) écrit : « La Belgique est en train de mourir et chacun sait que la description de la mort a toujours été un sujet magnifique… Sur le cadavre, il faut se pencher avec considération. Les Belges ne s’aiment plus ! Que voulez-vous faire ? Peut-on maintenir unis des époux qui ne se supportent pas ? Ou continuer de faire vivre ensemble des associés qui rêvent de se dépouiller mutuellement ? C’est impossible ».

Belgique requiem, nous y voilà. Un miracle est-il possible ? Oui, si les deux plus grandes formations, le PS et la N-VA, font un pas l’un vers l’autre. C’est plutôt mal parti.

Article de Claude Demelenne, essayiste et auteur, publié sur le site du Vif

Ndr : nous ne savions pas que M. Demelenne était destiné à sauver le Belgium par tous les moyens…